Droit du public à l’information: que proposent les partis

 Cinquante et une. C’est le nombre de recommandations contenues dans le rapport du Groupe de travail sur le journalisme et l’avenir de l’information au Québec qu’avait mis sur pied la ministre de la Culture, des communications et de la condition féminine, Christine St-Pierre. Malgré l’urgence manifestée dans ce rapport, communément appelé le rapport Payette, d’assurer la diffusion d’une information de qualité aux citoyens, pratiquement aucune des propositions n’a encore été mise en place, près de deux ans après son dépôt. À quelques jours du vote, le Magazine du CPQ a voulu savoir comment se positionnaient les différents partis sur les enjeux soulevés par ce rapport.

La présidente du Groupe de travail sur le journalisme et l’avenir de l’information au Québec, Dominique Payette, émettait dans son rapport une série de recommandations, dont la première portait sur la création d’une « Loi sur le statut des journalistes professionnels du Québec. » Or, faute de consensus, au sein du milieu journalistique, autour des modalités de création d’un tel titre de journaliste professionnel, le projet a rapidement été placé sur la voie d’évitement par la ministre St-Pierre.

Bien que l’abandon, à tout le moins temporaire, de ce projet entraîne forcément la mise au rancart de plusieurs autres recommandations du rapport, reste que plusieurs des mesures proposées par Dominique Payette demeurent pertinentes. C’est dans ce contexte que le Magazine a cherché à connaître ce que chacun des principaux partis proposait en matière d’information. Malgré nos demandes répétées, sur Twitter, pour connaître leurs engagements à cet égard, nous avons reçu bien peu de réponses, et avons donc dû nous rabattre sur leurs plateformes électorales.

Dans les interstices des programmes

La plupart des formations politiques actuellement en lutte pour le pouvoir accordent une place, même petite, à l’information dans leur programme électoral. Au Parti libéral du Québec, par exemple, le programme stipule que « dans un contexte d’évolution des médias et des technologies de l’information, nous [voulons créer], sous forme de projet pilote, un réseau média web où l’information locale et régionale sera produite par les médias communautaires existants. Cette plateforme d’information, qui sera gérée par Télé ­Québec, [créerait] des liens entre toutes les régions du Québec, tout en répondant à des critères journalistiques reconnus, soit l’indépendance et l’éthique journalistique. Cette mesure [permettrait] une meilleure diffusion de l’information régionale. »  Le PLQ a d’ailleurs présenté cette proposition comme une réponse directe aux recommandations du rapport Payette, lors d’une conférence de presse le 26 août.

Le Parti Québécois s’engage aussi à donner un peu plus d’importance à Télé-Québec, mais en allant un peu plus loin que ses opposants libéraux. Le PQ veut ainsi faire de la télévision publique québécoise « une véritable télévision nationale. Un gouvernement du Parti Québécois [débloquerait] 10 millions de dollars supplémentaires pour mettre en place une mission d’information régionale et nationale afin d’assurer la diversité de l’information partout au Québec. » Le parti de Pauline Marois emprunte ainsi le même sentier que celui défriché par la journaliste Dominique Payette et soutient que « l’information locale est de plus en plus difficile d’accès au Québec et cette tendance doit être renversée. » 

La formation portée par Françoise David et Amir Khadir, Québec Solidaire, accorde visiblement une place fondamentale à la culture dans son projet politique, mais ses propositions pour améliorer la qualité et la diversité de l’information au Québec reste à définir. « Notre projet de société et de pays dépend de la volonté populaire, et cette volonté découle de ce que le peuple comprend du passé et du présent, de ce qu’il croit possible pour l’avenir. La liberté d’expression et de création, un soutien étatique approprié aux arts, l’accès le plus large possible aux connaissances, aux informations, aux idées et aux œuvres sont nécessaires au débat tout comme les professeurs, les journalistes, les interprètes, etc. qui permettent à toutes et à tous de se les approprier. »

Les orientations d’Option nationale du chef Jean-François Aussant apparaissent encore plus floues et ne tiennent qu’en quelques mots, 123 caractères en fait, dans le programme du parti. Ainsi, Option nationale « assurera la pérennité des institutions culturelles québécoises, notamment muséales, en consolidant leur financement public. » Cela inclut-il l’information? Nous n’avons obtenu aucune réponse à nos questions.

La Coaliton Avenir Québec de François Legault, pour sa part, n’évoque pas le sujet de l’information dans sa plateforme, même de façon diffuse. Nos recherches n’ont pas permis non plus de retracer d’interventions du chef à ce sujet. Nos demandes pour en savoir davantage sont également demeurées lettre morte.

Sous l’écran radar

La question de l’information, de sa qualité et de sa diversité, ainsi que celle de la propriété des médias, de leur concentration et des impacts de la convergence qu’elle entraîne sur les pratiques journalistiques passent donc largement sous l’écran radar des partis politiques pendant la campagne 2012. L’occasion leur était pourtant donnée, sous l’impulsion du rapport Payette, de prendre des engagements fermes pour favoriser de meilleures conditions de production de l’information au Québec, ainsi que la qualité de celle livrée aux citoyens de la province.  

Dans son adresse à la ministre St-Pierre, au tout début de son rapport, Dominique Payette écrivait : « vous m’avez confié […] un important mandat. […] Il me faut proposer des moyens de surmonter cette crise pour nous assurer que la population du Québec continue de bénéficier d’une information de qualité, fondement de la démocratie et de la participation citoyenne. » Près de 18 mois après la publication du rapport du Groupe de travail sur le journalisme et l’avenir de l’information, force est de constater que l’urgence manifestée par Dominique Payette tout au long de son document n’a manifestement pas ému les formations politiques.