G-B: Petite révolution en matière de régulation des médias?

Près de deux années se sont écoulées depuis le scandale des écoutes électroniques, en Grande-Bretagne, suivi de la création de la commission Leveson, chargée de scruter les pratiques de la presse britannique. En novembre, le dépôt du rapport a soulevé des dissensions politiques telles qu’on pouvait se demander si le statu quo ne prévaudrait pas.

Or, après un marathon de négociations portant sur la mise en place des recommandations du rapport, les trois principaux partis représentés à la Chambre des communes se sont entendus sur les modalités d’un nouveau système de régulation des médias, censé remplacer la Press Complaint Commission (PCC), qui avait été sévèrement critiquée pour son immobilisme devant les agissements du News of the World.

Les contours de ce nouvel organisme seront défini par une charte royale, sorte de lettre patente qui vient consacrer (indirectement, puisque celle-ci créera en fait un organisme, le « Recognition panel », dont le rôle sera justement de reconnaître le ou les futurs régulateurs) son existence légale, dont la modification nécessitera l’assentiment des deux tiers du Parlement britannique (autant la Chambre des communes que la Chambre des Lords) – contrairement à une loi ordinaire, qui n’a besoin pour être modifiée que d’une majorité simple.

Accueillie favorablement par les groupes de pression, dont Hacked Off, qui s’était constitué pour défendre les intérêts des victimes des écoutes électroniques, chahutée par la majorité des éditeurs, qui y voient une atteinte à la liberté de presse, l’entente n’a pas fini de faire couler de l’encre.

Voici quelques-uns des faits saillants de cette entente historique :

1) L’indépendance du régulateur

Contrairement à la PCC, le nouveau régulateur sera indépendant des médias : son conseil d’administration sera nommé par un panel qui ne comptera qu’un seul représentant de l’industrie. Aucun éditeur en service ne pourra être nommé pour siéger sur le conseil d’administration comme tel.

De plus, son existence sera reconnue (indirectement) par une charte royale, qui ne pourra être modifiée qu’avec l’appui des deux tiers des députés élus au Parlement britannique.

Finalement, notons que l’adhésion à ce nouveau conseil de presse ne sera pas obligatoire – on mise plutôt sur d’importants incitatifs pour encourager la participation de tous les médias.

2) Ses pouvoirs

Alors que la PCC n’en avait aucun, le nouvel organisme disposera d’un pouvoir d’imposer des amendes allant jusqu’à 1 million de livres (environ 1,5 million de dollars) en cas de fautes graves ou systémiques, sur lesquelles il pourra se pencher de manière proactive, ce que la PCC ne pouvait faire.

Lorsqu’une faute grave ou systémique aura été constatée, il pourra également exiger des médias qui en seront membres la publication d’un correctif ou d’une rétractation, et en spécifier la taille et le lieu de publication.

Finalement, un tribunal d’arbitrage sera instauré, permettant aux plaignants qui s’estiment lésés par la publication d’un article d’avoir accès facilement, rapidement et à faibles coûts à une instance judiciaire qui entendra leur cause.

3) Les incitatifs

Plutôt que d’imposer l’adhésion au nouvel organisme, le rapport Leveson suggérait de créer un système judiciaire à deux vitesses : l’un pour les médias membres de l’organisme, l’autre pour ceux qui refuseraient d’y adhérer. Ces derniers s’exposeraient en effet, dans le cadre d’une poursuite civile (en diffamation, par exemple), à l’imposition de dommages exemplaires, alors que les premiers en seraient exemptés. 

L’objectif de cette mesure est double, puisque cette modalité permettra également de rendre la justice plus accessible aux simples citoyens, puisque ceux-ci pourront, s’ils s’estiment lésés, présenter leurs doléances à une instance d’arbitrage, dont les rouages seront beaucoup moins lourds que ceux d’un tribunal civil ordinaire.

4) Le code de déontologie

Le code de déontologie du nouveau conseil de presse britannique sera rédigé par un comité tripartite composé de représentants des médias, de journalistes et de membres du public, à l’image de la structure tripartite du Conseil de presse du Québec. 

Ainsi, journalistes et éditeurs auront, ensemble, une majorité de voix au sein de ce comité. En revanche, le code qu’ils adopteront devra être approuvé par le conseil d’administration du nouvel organisme.