Lettre ouverte du Président du Conseil de presse du Québec au Premier ministre du Canada

Dans une lettre ouverte transmise le 14 octobre 1995 au premier ministre du Canada, M. Jean Chrétien, le président du Conseil de presse du Québec, M. Guy Bourgeault, rappelle qu’il  » n’appartient pas à l’État, dans notre société, de définir de quelque façon que ce soit l’orientation de l’information journalistique, et ce, même dans les services dont il assure le financement au nom des citoyens contribuables, et pas même pour favorises l’unité nationale, ou un projet de société, ni pour développer une identité canadienne ou québécoise « .

Le président du Conseil de presse réagissait au fait que le premier ministre du Canada avait récemment donné à entendre que les services d’information de la Société Radio-Canada n’auraient peut-être pas respecté, durant la dernière campagne référendaire au Québec, le mandat de promotion de l’unité nationale que la loi confère à la SRC.

Le président du Conseil de presse a par ailleurs rappelé l’importance pour ses membres et pour le public d’être vigilants, même quand les dirigeants politiques prennent des engagements touchant la qualité et la liberté de l’information. Selon lui, les propos récents du premier ministre témoignent de la nécessité pour le public et les médias eux-mêmes d’être vigilants pour que soit respecté le droit du public à une information libre et diversifiée, honnête, exacte et équilibrée.

Québec, le 14 novembre 1995

Monsieur Jean Chrétien
Premier Ministre
Gouvernement du Canada
Ottawa (Ontario) K1A 0A3

Monsieur le Premier Ministre,

En réponse à une question d’un journaliste, vous avez récemment donné à entendre que les services d’information de la Société Radio-Canada n’auraient peut-être pas respecté, durant la dernière campagne référendaire au Québec, le mandat de promotion de l’unité nationale que la loi confère à la SRC. (SRC, Téléjournal, le 12 novembre 1995).

On ne peut, sans porter atteinte à l’un des fondements de la démocratie au Canada, interpréter le mandat confié à la Société Radio-Canada comme devant orienter l’information recueillie, analysée et diffusée par les services publics d’information de la Radio et de la Télévision de Radio-Canada – services publics et non services de l’État.

Dans son rapport 1994-1995 sur l’état et les besoins de l’information au Québec, rendu public le 5 octobre dernier (et donc au début de la campagne référendaire), le Conseil de presse du Québec faisait état de diverses décisions prises ou annoncées par les gouvernements canadiens et québécois touchant, par delà leurs budgets, les mandats des sociétés Radio-Canada et Radio-Québec. Il y a là, notait le Conseil, matière à inquiétude. Rappelant l’importance  » que soient sauvegardés les missions et les mandats d’information libre de Radio-Canada et de Radio-Québec, services publics d’information « , le document du Conseil précisait :  » Il n’appartient pas à l’État, dans notre société, de définir de quelque façon que ce soit l’orientation de l’information journalistique, et ce, même dans les services dont il assure le financement au nom des citoyens contribuables, et pas même pour favoriser l’unité nationale ou un projet de société, ni pour développer une identité canadienne ou québécoise « .

Dans le même rapport, le Conseil de presse du Québec, dont le mandat est de veiller à ce que soit respecté le droit du public à une information libre et diversifiée, honnête, exacte et équilibrée, accueillait avec satisfaction les engagements pris tant à Ottawa qu’à Québec, ainsi que boulevard René-Lévesque et rue Fullum, touchant la qualité et la liberté de l’information; il invitait toutefois ses membres et le public à la vigilance.

Vos propos, Monsieur le Premier Ministre, faisait écho à ceux que d’autres ont tenus avant vous, disent l’à-propos de notre invitation à la vigilance.

Le Président
Du Conseil de presse du Québec,

Guy Bourgeault