Le Journal de Montréal blâmé pour avoir déformé le rôle de Mme Liza Frulla dans le dossier des FIER

Par ailleurs, lors de sa dernière réunion, la commission d’appel du Conseil de presse a rendu cinq décisions en matière d’éthique journalistique. Ces décisions maintiennent tous les jugements de la première instance et sont finales.

D2009-05-066 Liza Frulla c. Michel Hébert, journaliste, Le Journal de Québec, Le Journal de Montréal, le portail Internet Canoë et le Canal Argent


Une photo qui déforme la réalité   

Mme Frulla portait plainte contre le journaliste Michel Hébert, relativement à ses articles parus dans Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec ainsi qu’aux sujets diffusés sur le portail Internet Canoë et sur le Canal Argent. La plaignante reprochait au journaliste de ne pas l’avoir contactée pour obtenir sa version des faits avant que ne soient rendus publics les articles. Elle lui reprochait également d’avoir illustré ceux-ci de photos la mettant en évidence et d’avoir choisi des titres accusateurs.

De l’avis de la plaignante, le titre de l’article paru dans Le Journal de Montréal, « L’argent des régions détourné – Des libéraux notoires sont impliqués », associé à une photo la représentant, qu’elle juge « prédominante », constituait un traitement injuste de l’information et laissait aux lecteurs l’impression qu’elle était complice d’un détournement d’argent. Dans le cas du Journal de Montréal, le Conseil estime, en ce qui concerne le titre et son sous-titre, qu’ils étaient conformes à l’information véhiculée dans l’article. Par contre, au sujet de l’illustration, compte tenu de la dimension imposante de la photo de Mme Frulla et de sa juxtaposition aux titres choisis, le lecteur pouvait avoir l’impression que cette dernière était accusée d’avoir détourné de l’argent. Sur cet aspect, le Conseil a donné raison à la plaignante et a retenu le grief pour sensationnalisme contre le Journal de Montréal.

En ce qui concerne Le Journal de Québec, le Conseil a constaté qu’il avait utilisé une photographie et des titres différents pour accompagner le même article du journaliste mis en cause. Dans ce cas, le Conseil n’a relevé aucun manquement pour exagération dans la présentation de l’information. Pour ces raisons, le grief qui lui a été adressé a été rejeté.

La plaignante déplorait aussi que, contrairement aux journalistes des autres médias, le journaliste Michel Hébert ne l’ait jamais rejointe pour obtenir sa version relative aux accusations portées contre elle, à l’Assemblée nationale. La partie mise en cause opposait à ce reproche qu’elle avait tenté à deux reprises de le faire, mais sans succès. Bien que le Conseil note que les deux tentatives pour rejoindre la plaignante soient restées sans succès, il a remarqué que le journaliste a systématiquement pris soin de rapporter la déclaration du président d’Investissement Québec, M. Daoust, à l’effet que Mme Frulla « n’avait rien à voir avec les investissements faits par les FIER ». Compte tenu de la crédibilité des sources, de l’importance et de l’intérêt public évident du sujet, le droit du public à l’information permettait aux mis-en-cause la publication de cette information, malgré l’absence de la version de Mme Frulla. Le grief fut rejeté.

Pour ce qui est de Canoë et du Canal Argent, qui étaient également mis en cause dans la présente plainte et qui relèvent du Groupe TVA inc., le Conseil regrette leur non-participation. Aux yeux du Conseil, ce refus va à l’encontre de la responsabilité qu’ont les médias de répondre publiquement de leurs actions. Par leur refus de répondre à la présente plainte en invoquant que le Groupe TVA inc. n’est plus membre du Conseil de presse du Québec depuis décembre 2008, les mis-en-cause ont privé la plaignante de son droit de choisir l’organisme auquel elle désirait s’adresser. Le Conseil leur a donc reproché leur  manque de collaboration pour avoir refusé de répondre de la partie de la plainte les concernant.

Le Conseil n’a retenu aucun grief contre Michel Hébert puisque la responsabilité de la présentation et de l’illustration des articles incombe à la direction du média. En ce qui concerne le Journal de Québec, le Conseil n’a également relevé aucun manquement de sa part.

Le Conseil a retenu partiellement la plainte de Mme Liza Frulla contre le Journal de Montréal pour sensationnalisme en ayant publié une photo surdimensionnée par rapport au contenu de l’article et de ses titres. Enfin, pour son manque de collaboration en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil a blâmé le Groupe TVA inc. à titre de représentant du portail Internet Canoë et du Canal Argent.

D2009-01-047 David Schulze c. Richard Hénault, journaliste et le quotidien Le Soleil; Éric Thibault, journaliste et Le Journal de Québec

Une identification ethnique ni pertinente ni d’intérêt public

M. Schulze portait plainte contre Le Journal de Québec et Le Soleil pour avoir mentionné, dans des articles parus respectivement les 19 et 20 janvier 2009, la provenance ethnique du joueur de hockey Blake Bossum accusé de s’être livré à des voies de faits contre sa conjointe. Le plaignant considère cette identification non pertinente et d’aucun intérêt public. Selon M. Schulze, en décrivant ce joueur de hockey comme une personne « d’origine amérindienne » ou comme « originaire d’Oujé-Bougoumou », une communauté Crie, les deux quotidiens ont agi de manière discriminatoire.

Le guide de déontologie du Conseil souligne qu’il « n’est pas interdit aux médias de faire état des caractéristiques qui différencient les personnes ou les groupes. Cependant, cette mention doit être pertinente et d’intérêt public, ou être une condition essentielle à la compréhension et à la cohérence de l’information ». Après analyse, le Conseil a constaté que l’identification de la provenance ethnique du joueur de hockey n’était ni pertinente ni d’intérêt public et ne constituait pas une information essentielle à la compréhension du sujet dans ce cas précis. Le Conseil n’a pu que constater ici que d’avoir mentionné l’origine ethnique de l’accusé pouvait nourrir des préjugés envers les autochtones.

Le Soleil formulait l’argument selon lequel les journalistes rapportent toujours le nom de la ville où habite un accusé et son âge. Cette façon de faire permettrait d’éviter toute confusion avec des gens qui peuvent porter le même nom. Le Conseil a constaté qu’il n’y avait aucune confusion possible, dans le cas présent, puisqu’il n’y a qu’une seule personne portant le nom de Blake Bossum dans l’équipe de hockey du CIMT de Rivière-du-Loup. Il était donc inutile de mentionner la ville. Par ailleurs, Le Soleil n’a pas suivi sa propre directive en identifiant non pas la ville de résidence de l’accusé, mais sa ville d’origine. Le Journal de Québec a, quant à lui, identifié M. Bossum par son origine amérindienne. Le grief fut retenu.

Le Conseil a retenu la plainte de M. David Schulze contre le journaliste Richard Hénault et Le Soleil, ainsi qu’à l’encontre du journaliste Éric Thibault et du Journal de Québec pour avoir identifié l’origine ethnique de l’accusé.

D2009-03-057 Céline Forget c. Jean-Philippe Chartré, journaliste et  L’Express d’Outremont
 

Une information essentielle sur les synagogues illégales

Mme Forget portait plainte contre le journaliste Jean-Philippe Chartré, concernant un dossier spécial intitulé « Vivre en communauté. Un dossier sur les relations avec la communauté hassidique », publié dans l’édition du 12 février 2009 de l’hebdomadaire L’Express d’Outremont. La plaignante dénonçait une information incomplète, relativement aux informations concernant les synagogues illégales, des propos qui seraient irresponsables, l’associant à un lobbyiste contesté. Elle déplorait également un refus de rectification de l’information.  

La plaignante regrettait l’absence d’informations essentielles dans le traitement du dossier sur la communauté hassidique par L’Express d’Outremont, relativement aux synagogues illégales. Elle soutenait que l’absence de ces informations laissait croire aux lecteurs que le problème des synagogues illégales se règle à l’amiable avec les rabbins, alors qu’elle a dû mener une longue lutte judiciaire avant d’obtenir un jugement de la Cour supérieure du Québec ordonnant la fermeture d’une synagogue qui avait siège sur la rue Lajoie. En traitant un dossier aussi délicat que celui des relations entre la communauté hassidique et les citoyens outremontais, L’Express d’Outremont abordait un sujet sensible qui demandait rigueur et exactitude. Un des aspects abordé était celui des synagogues illégales, dont celle ayant initialement siège sur la rue Lajoie et déménagée sur l’avenue Van Horne était un exemple éloquent. Or, comme un jugement de la Cour supérieure fut rendu dans cette affaire, à la suite d’une poursuite déposée par la plaignante, cette poursuite devenait un pilier pour comprendre le dossier. Cette synagogue était en activité depuis de nombreuses années, sans que les rabbins n’acceptent de la déplacer, avant le début des poursuites judiciaires. Ainsi, il était inexact d’affirmer que de simples négociations avec les rabbins avaient permis de procéder à la relocalisation de la synagogue. Il était essentiel de mentionner la poursuite intentée par la plaignante et la tenue des procédures judiciaires dans les motifs expliquant la décision de ce déménagement. Le grief a été retenu.

Mme Forget déplorait finalement qu’aucun rectificatif n’ait été publié pour compléter l’information au sujet des synagogues illégales et pour préciser que l’une d’elles fut l’objet de longues poursuites judiciaires et d’une décision de la Cour supérieure du Québec. À ce propos, le Conseil a rappelé que l’information relative à la poursuite légale était essentielle à la bonne compréhension de cette affaire. En omettant de la mentionner, les mis-en-cause présentaient une information inexacte et incomplète. La publication d’un rectificatif ou d’un complément d’information aurait permis aux mis-en-cause de préciser certains faits qui auraient fourni aux lecteurs un regard plus juste et complet du dossier. Le grief fut retenu.

Le Conseil a retenu la plainte de Mme Céline Forget contre le journaliste Jean-Philippe Chartré et l’hebdomadaire L’Express d’Outremont, pour information incomplète et refus de rectification.

D2009-06-073 Véronique, Marc et Stéphane Bergeron c. Vincent Larouche, journaliste et Le Journal de Montréal

Un sujet délicat à traiter

La plainte concernait un article du journaliste Vincent Larouche paru le 10 décembre 2008 dans le Journal de Montréal, traitant de l’incendie dans lequel la mère des plaignants a perdu la vie. Les plaignants reprochaient au journaliste d’avoir commis plusieurs inexactitudes dans son récit ainsi que plusieurs omissions dans les faits. Ils déploraient aussi que le journaliste ait manqué de respect envers leur mère, en plus de faire preuve de sensationnalisme.

Après examen de chacun des éléments dénoncés, quant aux inexactitudes évoquées par les plaignants, le Conseil en est arrivé à la conclusion que les informations provenaient de sources fiables. De plus, le journaliste étant sur place, il pouvait lui-même faire le constat de l’état des lieux dans lesquels s’est déroulé l’incendie, sans pour autant avoir l’obligation d’en décrire tous les détails. Le grief pour inexactitude a été rejeté.

Les plaignants estimaient également que, dans son récit, le journaliste avait commis plusieurs omissions de faits importantes. Or, même si la publication de ces informations aurait été précieuse aux yeux de ceux-ci, en vertu de sa liberté rédactionnelle, le journaliste avait le droit de choisir les détails qu’il jugeait les plus pertinents pour son reportage. Comme il n’a pas été démontré par les plaignants que les éléments non mentionnés dans l’article représentaient une matière essentielle à la compréhension du sujet et comme la liberté rédactionnelle reconnue au journaliste lui permettait de faire la sélection des informations qu’il jugeait les plus pertinentes, le grief n’a pas été retenu.

Selon les plaignants, le journaliste aurait manqué de respect à l’égard de leur mère défunte dans son article. Ils donnent comme exemples de ces manquements les propos du voisin et ceux du chef des pompiers. Après examen, le Conseil n’a constaté aucun manque de respect dans la citation du chef des pompiers. Quant au voisin, les plaignants déploraient qu’il n’ait pas fait preuve de sympathie envers la défunte dans ses commentaires, mais ne démontraient pas en quoi ces propos étaient irrespectueux. Pour ce qui est du reste de l’article, l’analyse n’a révélé aucun manquement aux règles déontologiques. Le grief fut rejeté.

Comme son mandat consiste à promouvoir le respect des plus hautes normes en matière d’éthique journalistique, le Conseil rappelle qu’au-delà de l’application des règles minimales de la déontologie, médias et journalistes doivent toujours tendre aux plus hauts standards professionnels dans le traitement de l’information. Les drames humains et les faits divers sont des sujets particulièrement délicats à traiter à cause de leur caractère pénible tant pour les victimes que pour leurs proches et, souvent, pour le public. Dans cet esprit, le Conseil estime que, dans la confection de son reportage, le journaliste disposait d’une latitude qui lui aurait permis, sans dénaturer les faits, de faire preuve d’un peu plus de délicatesse et de respect à l’égard des personnes touchées par le drame. Au-delà de cette dernière observation, aucun élément n’a été retenu pour manque de respect.

Le Conseil a rejeté la plainte de Mme Véronique Bergeron, de MM. Marc et Stéphane Bergeron à l’encontre du journaliste Vincent Larouche et du Journal de Montréal.

D2009-07-001 Gilles Rhéaume c. Ronald King, chroniqueur et La Presse

Le chroniqueur Ronald King pouvait écrire que les déclarations de Gilles Rhéaume étaient susceptibles de semer la haine

M. Rhéaume portait plainte contre le journaliste Ronald King et le quotidien La Presse pour avoir publié des informations inexactes ainsi que des propos l’accusant de « semer la haine », dans une chronique intitulée « L’Impact montre les dents », publiée le 23 juin 2009.

Le plaignant contestait l’affirmation d’avoir voulu semer la haine lors des festivités de la Saint-Jean et de prétendre parler au nom de nombreux québécois. Le Conseil a constaté que le chroniqueur émettait un doute sur la représentativité de M. Rhéaume et déplorait l’effet possible des déclarations du plaignant dans la population. On peut partager ou non ces deux opinions, mais selon le Conseil, elles sont néanmoins légitimes de la part d’un chroniqueur qui a la liberté de croire et d’écrire que les déclarations de M. Rhéaume auraient pu avoir pour effet de semer un sentiment de haine envers les anglophones. Ces griefs furent rejetés.

Deuxièmement, le plaignant niait les allégations d’intentions de violence que le chroniqueur lui attribuait. Après analyse, le Conseil a constaté que le journaliste, dans son texte, ne prêtait pas à M. Rhéaume des intentions de violence, mais ne faisait que reprendre ses propos selon lesquels il « affirme qu’il a eu vent d’intentions de violence ». Ce grief a été rejeté.

M. Rhéaume déplorait aussi que la chronique soit inscrite dans une campagne menée par La Presse à l’encontre de ceux qui s’opposent aux représentations anglophones lors des spectacles de la Saint-Jean. Or, aucune démonstration de la part du plaignant ne permet de faire état d’une telle situation. Le grief fut rejeté.

Le Conseil a rejeté la plainte de M. Gilles  Rhéaume à l’encontre du journaliste Ronald King et du quotidien La Presse.

Décisions de la commission d’appel

Lors de sa dernière réunion, la commission d’appel du Conseil de presse a rendu 5 décisions en matière d’éthique journalistique. Ces décisions sont finales.

La commission a maintenu l’ensemble des décisions rendues par le CPEI dans les dossiers suivants :

•    D2009-01-045 Sylvain Lessard c. David Santerre, journaliste et Le Journal de Montréal

M. Lessard en appelait de la décision de première instance relative à sa plainte contre trois articles parus dans Le Journal de Montréal et signés par M. David Santerre. Ces articles, publiés les 5 août, 18 et 21 novembre 2008 faisaient le suivi d’une cause opposant M. Lessard, agent d’immeuble, à l’une de ses clientes. De l’avis du plaignant, le journaliste aurait, au moyen de ses articles, exprimé un parti pris lui étant défavorable. Le CPEI avait rejeté la plainte de M. Lessard.

Après examen, les membres de la commission d’appel ont d’abord constaté que, contrairement à ce qu’avait affirmé le journaliste David Santerre dans ses commentaires, les antécédents judiciaires de M. Lessard n’ont jamais été déposés en preuve devant le tribunal, mais constituaient néanmoins des éléments d’information d’intérêt public et pertinents dans le cadre du sujet couvert.

À la lumière d’une vérification effectuée par le Conseil auprès de journalistes judiciaires, les membres de la commission ont, de plus, constaté que la restriction exprimée dans le guide des Droits et responsabilités de la presse (DERP) ne s’appliquerait, dans la réalité contemporaine des palais de justice, que dans les cas impliquant un jury et non pas dans les causes entendues devant un juge seul. Puisque les principes sous-tendus dans ce guide (intérêt public et pertinence des antécédents judiciaires) ont été respectés, dans le présent cas, et puisque la cause fut entendue devant un juge seul, les membres de la commission ont rejeté l’appel de M. Lessard et maintenu la décision de première instance. Par ailleurs, ils ont demandé au Conseil de mieux préciser, dans le DERP, toutes les dispositions entourant la divulgation des antécédents judiciaires.

•    D2008-06-085 L’Église Raëlienne c. L’émission « Québec à la une » et le Groupe TVA

•    D2008-09-014 Gilles Pelletier c. Nelson Dumais, journaliste et Cyberpresse

•    D2008-09-017 Christian Déjoie c. Patrick Lagacé, journaliste et La Presse

•    D2008-11-034 Dimitri Roussopoulos c. André Pratte, éditorialiste en chef et La Presse

Le texte intégral des décisions ainsi qu’un résumé des arguments des parties en cause peuvent être consultés au www.conseildepresse.qc.ca , à la section « Les décisions rendues par le Conseil ».

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SOURCE :       
Marie-Eve Carignan, responsable des communications et analyste
Conseil de presse du Québec
Tél. : (514) 529-2818

RENSEIGNEMENTS :    
Guy Amyot, secrétaire général et président par intérim
Conseil de presse du Québec
Tél. : (514) 529-2818