Modifications proposées par le Conseil de presse du Québec à la loi électorale québécoise

Le 18 mars 1987. Le respect des libertés d’opinion et d’expression reconnues à tout citoyen, même (et surtout) en période électorale, constitue le principe sur lequel se basent les recommandations du Conseil.

Tout en reconnaissant la nécessité de contrôler les dépenses électorales, le Conseil est d’avis que la Loi électorale ne doit pas avoir pour effet de brimer ces libertés fondamentales. Et si tant est qu’il faille choisir entre deux maux, le Conseil considère qu’un assouplissement du cadre législatif en matière de dépenses électorales serait moins dommageable, à tous égards, qu’un contrôle strict au point de brimer les libertés d’opinion et d’expression.

Il n’est cependant pas évident que l’on doive ainsi choisir entre deux maux, la loi pouvant être modifiée de façon à ce que son objet réel, soit le contrôle des dépenses électorales, puisse être atteint adéquatement tout en préservant des libertés auxquelles, de toute façon, le législateur ne désirait sûrement pas atteindre.

Car s’il est évident et reconnu que le contrôle des dépenses électorales a une incidence certaine sur la liberté d’expression, les contraintes ainsi créées doivent se limiter aux messages de nature publicitaire, les seuls qui devraient être considérés comme dépenses électorales. En effet, lorsque des mesures de contrôle des dépenses électorales ne sont pas strictement limitées à de tels messages, elles ont pour effet direct de restreindre la liberté d’informer; et c’est précisément ce qu’il importe d’effacer de la loi.

Les commentaires et suggestions qui suivent vont donc dans ce sens.

ARTICLE 405

Déjà dans cet article il y aurait lieu de préciser par qui sont effectuées les dépenses considérées comme tombant sous le coup du contrôle.

D’entrée de jeu, si l’on veut favoriser la circulation des idées et la libre expression des opinions, on devrait circonscrire la portée de cet article aux groupes ou aux organismes qui sont constitués aux seules fins d’influencer le résultat d’une élection.

Par ailleurs, si les opinions sont librement exprimées, il va de soi qu’elles influenceront directement ou indirectement le résultat d’une élection et qu’elles favoriseront automatiquement un candidat.

Cet article devrait donc être modifié à cause de son ambiguïté et parce qu’il inclut ou risque d’inclure tout le monde indistinctement.

L’article 405 devrait donc se lire comme suit :

« Sont considérés comme dépenses électorales tous frais engagés pendant une période électorale par un candidat, un parti politique ou un groupe constitué aux seules fins d’influencer le résultat d’une élection [1] pour diffuser ou combattre le programme ou la politique d’un candidat ou d’un parti; [2] approuver ou désapprouver des mesures préconisées ou combattues par un candidat ou un parti; [3] approuver ou désapprouver des actes accomplis ou proposés par un parti, un candidat ou leurs partisans. »

ARTICLE 406

Afin d’éviter toute confusion entre information et publicité, cet article ne devrait pas faire état de « tout écrit » et de toute « émission de radio ou de télévision », mais plutôt s’en tenir à la notion de « matériel ou temps d’antenne publicitaire », laquelle englobe toutes les autres.

L’article 406 devrait donc se lire ainsi :

« Sont également considérées comme dépenses électorales, les frais engagés avant une période électorale pour l’achat ou la production de tout matériel ou temps d’antenne publicitaire utilisé ou diffusé pendant la période électorale aux fins visées à l’article 405. »

ARTICLE 407

Cet article devrait être modifié de façon à tenir compte de deux réalisations précises :

1-    La publication ou la diffusion d’entrevues de même que l’organisation de débats électoraux radiodiffusés et télédiffusés ne devraient en aucun temps être considérées comme dépenses électorales lorsque soumis au traitement journalistique. Il s’agit là d’éléments d’information et non de publicité ou de propagande, et les médias doivent, dans ce contexte, demeurer libres de leurs choix rédactionnels, notamment au niveau du nombre d’invités et de la forme que prend le débat ou l’entrevue.

2-    La publication ou la diffusion d’opinions sur des questions d’intérêt public ou des actions et décisions gouvernementales ne devraient pas être considérées comme dépenses électorales lorsqu’elles sont le fait de personnes, de groupes ou d’organismes qui ne sont pas constitués aux seules fins d’influencer le résultat d’une élection.

Que ces personnes, groupes ou organismes soient visés ou non par les actions et les décisions commentées, ou que les opinions émises incitent ou non à favoriser ou à défavoriser un parti ou un candidat, il n’y a pas lieu d’atteindre à leur liberté d’expression dans la mesure où ces personnes, groupes ou organismes ne sont pas constitués aux seules fins d’influencer le résultat de l’élection.

C’est donc leur statut à cet égard qui doit constituer le seul test véritable sous peine de censurer le débat démocratique.

Les modifications suivantes devraient donc être apportées à l’article 407 :

« Ne sont pas considérées comme dépenses électorales :

1.    la publication, dans un journal ou autre périodique, d’articles, d’éditoriaux, de nouvelles, de chroniques, de lettres de lecteurs, d’entrevues d’un ou plusieurs candidats ou représentants de candidats ou de partis politiques, à la condition que… [la suite demeure inchangée];

2.    la diffusion par un poste de radio ou de télévision d’une émission de nouvelles, de commentaires, d’un débat entre deux ou plusieurs candidats ou représentants de candidats ou de partis politiques, ou d’entrevues avec un ou plusieurs candidats ou représentants de candidats ou de partis politiques, à la condition que… [la suite demeure inchangée];

3.    les frais encourus par une personne, un groupe ou organisme qui n’est pas constitué aux seules fins d’influencer le résultat d’une élection, pour faire connaître son opinion sur une question d’intérêt public ou sur des actions ou décisions. »

[Les paragraphes 3 à 10 de l’article 407 demeurent inchangés.]

ARTICLE 427

Afin d’éviter toute confusion possible et de se conformer à ce qui précède, cet article devrait exclure clairement de la notion de temps d’antenne et d’espaces gratuits les débats et les entrevues.

Le paragraphe suivant pourrait y être ajouté :

« Ne sont pas visés par le présent article les débats et les entrevues dont il est fait mention à l’article 407. »

ARTICLE 502

La suggestion de la Commission des droits de la personne à l’effet d’exiger la preuve de mens rea semble judicieuse au Conseil de presse.

Le paragraphe suivant devrait donc être ajouté à l’article 502 :

« Commet une infraction, toute personne autre que celles mentionnées aux articles 500 à 502 qui, sciemment et dans le but d’influencer le résultat d’une élection, fait, acquitte ou permet quelque dépenses électorales autrement que de la façon permise par le chapitre III du titre VIII de la présente loi. »