Nouvelles décisions du Conseil de presse : – Manchette de La Semaine : fausse représentation – Les médias doivent modérer leurs blogues – Chroniqueurs : opiner sans mépriser

Lors de cette même réunion, deux plaintes ont été rejetées, l’une contre le journaliste Richard Latendresse et le Groupe TVA inc. concernant un reportage sur les victimes du tremblement de terre en Haïti. Le Conseil a toutefois souligné que les responsables du téléjournal auraient dû diffuser une mise en garde pour prévenir les téléspectateurs du caractère cru de ces images. Ces décisions peuvent être portées en appel dans les 30 jours de leur réception par les parties.

Le Conseil rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)

D2009-11-031 Pauline Carignan c. les publications Charron & cie inc. et le magazine La Semaine

Une manchette qui ne reflète pas le contenu du magazine

Après avoir rendu, dernièrement, une décision où il blâmait le quotidien La Presse pour utilisation inadéquate de la mention « Exclusif » dans un titre, le Conseil retient aujourd’hui une plainte relative à un autre problème de titrage, cette fois dans le magazine La Semaine.

Dans ce cas-ci, Pauline Carignan portait plainte contre le magazine La Semaine, pour avoir publié, dans l’édition du 14 novembre 2009, une manchette trompeuse, intitulée : « Céline – son combat pour un deuxième enfant ». La plaignante déplorait que le sujet en titre, prétendant donner de l’information sur les difficultés reliées à la deuxième grossesse de Céline Dion, ne soit développé par aucun article dans le magazine. La seule phrase qui y réfèrerait serait : « On ose à peine évoquer le deuxième bébé de Céline. On sent qu’elle croise les doigts et qu’elle refuse d’évoquer la question pour ne pas attirer le mauvais œil. » Après lecture de la manchette et du texte correspondant, le Conseil a jugé que le contenu n’était pas suffisamment développé pour justifier le choix de la manchette du magazine.

Le Conseil a retenu la plainte de Pauline Carignan contre le magazine La Semaine pour manchette trompeuse.

D2009-11-027 Françoise Lachapelle c. l’hebdomadaire L’Avenir

Le Conseil rappelle la responsabilité des médias de modérer les commentaires sur leur site Web

Dans ce dossier, l’absence de modération des commentaires en ligne a conduit le média mis en cause à publier des propos méprisants, irrespectueux et portant atteinte à la dignité.

Le 22 octobre 2009, l’hebdomadaire L’Avenir a publié, sur son site Internet, un blogue consacré à la campagne électorale municipale. La plaignante dénonçait des propos inexacts et méprisants.

Le Conseil a relevé un manquement important à la déontologie dans ce dossier. En effet, les médias doivent veiller à ce que les contributions des lecteurs, lettres ou participations aux blogues, ne véhiculent pas de propos outranciers, insultants ou discriminatoires pouvant être préjudiciables à des personnes ou à des groupes. Les médias doivent ainsi éviter de créer des  tribunes pamphlétaires qui n’auraient d’autre effet que de porter atteinte à la réputation des personnes. En raison des impacts possibles sur les réputations, la rigueur commandait aux mis-en-cause un devoir de vérification raisonnable des faits avant de les publier. Pour avoir omis de procéder à une telle vérification, le Conseil a retenu le grief pour manque de rigueur.

L’examen des commentaires publiés sur le site Internet mis en cause a permis de relever plusieurs exemples de propos méprisants, irrespectueux et portant atteinte à la dignité :

–     Honnêteté mise en doute sur la place publique et mépris : « [M. X] à l’éthique, faut le faire, c’est comme mettre à l’éthique Benoît Labonté, c’est du même calibre. » (M. Labonté était à ce moment associé à un système de corruption et de financement illégal à un parti politique).

–         Accusations de malhonnêteté, non étayées, de personnes nommément identifiées : « [MM. X, Y, Z] sont tous croches, allô, réveillez-vous, calvaire. »

–    Autre accusation de malhonnêteté non étayée : « Si vous […] seriez au courant de tous les vols […] qu’a l’équipe de la Renaissance […]. »

–    Ton disgracieux et irrespectueux : « On se la ferme, [M. X]. Mets la en veilleuse. »

–     Niveau de langage et propos irrespectueux : « […] si Mme Lachapelle passerait […] moins de temps sur son ordinateur à faire de la merde comme elle a toujours fait […] ».

Pour le Conseil, ces exemples révèlent un manquement, de la part des mis-en-cause, dans la gestion de leur site Internet, car les médias sont responsables de tout ce qu’ils publient et ils ne doivent en aucun temps se soustraire aux standards professionnels de l’activité journalistique. Cette responsabilité englobe les commentaires et les informations provenant du public auxquels ils accordent un espace sur leur site Internet.

Au terme de l’examen des commentaires exprimés sur ce site Internet et compte tenu des manquements relevés, le Conseil estime que les mis-en-cause auraient dû procéder à un examen systématique des contenus en ligne et procéder au retrait de tous les éléments pouvant contrevenir aux normes déontologiques. En effet, si les mis-en-cause avaient appliqué une modération efficace de leur blogue dès le début, les manquements observés par le Conseil auraient pu être évités. Selon le Conseil, le retrait des propos inacceptables aurait dû s’étendre également à tous les éléments conservés dans les archives du site Internet des mis-en-cause.  

Le Conseil a retenu la plainte de Françoise Lachapelle contre l’hebdomadaire L’Avenir, pour manque de rigueur, pour publication sur son site Internet de propos méprisants, irrespectueux et portant atteinte à sa dignité ainsi que pour absence de rétractation.

Pour ces raisons, le Conseil a invité la direction de L’Avenir à revoir les méthodes de gestion et les critères utilisés, par les modérateurs de son site Internet, afin de les rendre conformes aux normes déontologiques du Conseil de presse.

D2009-11-033 Conseil québécois des gais et lesbiennes (CQGL) c. Jean-Maurice Pinel, journalise et l’hebdomadaire Journal Haute Côte-Nord Est

L’utilisation des qualificatifs « fif » et « tapette » est-elle appropriée dans une chronique?

Le CQGL portait plainte contre le journaliste Jean-Maurice Pinel, de l’hebdomadaire Journal Haute Côte-Nord Est, pour avoir publié des propos méprisants envers le coanimateur de l’émission « Tout le monde en parle », M. Danny Turcotte, et à l’endroit de la communauté gaie du Québec, dans une chronique intitulée « Pas facile les dimanches », publiée le 15 juillet 2009. Ces propos se présentaient de la façon suivante : « Pour moi, c’est la journée culturelle par excellence, Découverte, Laflaque, Guy A. pis son fif. [et parlant d’un participant à la télévision française] Un tarlais au bec pincé et au petit accent tapette (pas à mouches) est venu nous expliquer que le cinéma ne faisait que reproduire nos habitudes de vie. »

Le plaignant estime que l’utilisation du mot « fif », à l’égard de M. Turcotte, n’était autre qu’un qualificatif péjoratif visant son orientation sexuelle et que, d’avoir ajouté à un « accent tapette » l’expression « pas à mouches » venait alimenter la portée négative des propos de M. Pinel. Quant au mis-en-cause, il estime que sa chronique présente un caractère humoristique qui lui confère une plus grande latitude. Il souligne que l’utilisation du mot « tapette » renvoyait au terme « efféminé » et réfute que son utilisation soit discriminatoire. En ce qui concerne l’emploi du mot « fif », M. Pinel considère que ce terme remplacerait, dans l’usage courant, le mot « homosexuel ». Il ajoute que l’animateur de télévision en question se qualifie comme tel en ondes.

Le Conseil considère que, bien qu’il s’agisse de journalisme d’opinion, la latitude qui est concédée au journaliste ne lui permettait pas de rédiger des propos qui pouvaient s’avérer méprisants. En ce qui concerne l’utilisation du mot « fif » par le chroniqueur, le Conseil a souligné que son intention n’est pas de dicter aux médias l’emploi d’un vocabulaire, mais estime que, dans ce cas-ci, l’utilisation qui en est faite s’avère méprisante.

En appui à la présente décision, le Conseil cite un jugement rendu en 2004,  par le Tribunal des droits de la personne qui stipule que : « Traiter quelqu’un de « fifi » constitue un propos « méprisant » à l’égard des homosexuels. L’utilisation de ce terme blesse et ajoute à l’opprobre et au non-respect de la dignité humaine d’une personne et des homosexuels en particulier. » (Commission des droits de la personne et de la jeunesse c. Roger Poirier automobile inc.)

Dans ce contexte, le Conseil observe que le journaliste a tenu des propos méprisants qui véhiculent et entretiennent des préjugés et des stéréotypes. En effet, d’avoir utilisé les mots « fif » et « accent tapette », en plus d’y avoir accolé l’expression « pas à mouches », ne pouvait que nourrir les préjugés à l’égard des personnes homosexuelles.

Le Conseil a retenu la plainte du CQGL, à l’encontre du journaliste, Jean-Maurice Pinel, et de l’hebdomadaire Journal Haute Côte-Nord Est pour préjugés et propos méprisants.

D2009-12-037 Yvon Charbonneau c. Michel David, journaliste et le quotidien Le Devoir

Une inexactitude reconnue par le journaliste

Yvon Charbonneau portait plainte contre une chronique de Michel David intitulée « Le stratège suprême », publiée le 26 novembre 2009 dans Le Devoir. D’après le plaignant, cette chronique comportait un certain nombre d’inexactitudes relatives au conflit de travail qui a opposé le Syndicat des travailleurs de l’enseignement des Laurentides à la Commission scolaire de Saint-Jérôme, en 1975. Elle ferait également montre de sensationnalisme et aurait porté atteinte à sa réputation ainsi qu’à celle de M. Gilles Taillon.

Le Conseil a retenu partiellement la plainte d’Yvon Charbonneau contre le journaliste Michel David et le quotidien Le Devoir, sur la base de deux inexactitudes, soit d’avoir qualifié erronément d’illégal le débrayage auquel il faisait référence dans son article et la seconde, résultant d’une mauvaise interprétation du contenu de la sentence arbitrale, d’avoir commis une erreur en parlant d’amendes de 900 000 $ puisque la centrale n’a jamais été condamnée à payer d’amende, à la suite du conflit de travail dont il était question dans l’article. Les griefs portant sur le sensationnalisme, l’atteinte à la réputation ainsi que le refus du droit de réplique et de rectificatif ont quant à eux été rejetés.

D2009-12-040 Dominique Rousseau c. Ghyslain Plourde, journaliste et l’hebdomadaire Le Réveil

Affirmer que le maire de Saguenay souffrait de la grippe A H1N1 constituait une faute majeure

Mme Rousseau portait plainte contre l’hebdomadaire Le Réveil et son journaliste Ghyslain Plourde, pour avoir publié, le 29 novembre 2009, un article qui s’intitulait « La H1N1 attaque le maire ». La plaignante déplorait que cet article soit basé sur une information inexacte voulant que le maire de Saguenay, Jean Tremblay, ait contracté la grippe H1N1. Mme Rousseau soutient que le maire a mentionné, dans le cadre d’une entrevue avec le mis-en-cause, qu’il était vacciné contre la grippe H1N1 et qu’il souffrait en réalité d’une pneumonie.

Bien que le mis-en-cause ait reconnu ses erreurs, le Conseil n’a eu d’autres choix que de retenir le grief en raison des fautes commises par celui-ci. En effet, le fait d’avoir affirmé que le maire souffrait de la grippe H1N1, inexactitude se retrouvant notamment à la une, constituait une faute déontologique majeure. De plus, dans ce contexte, l’information selon laquelle M. Tremblay était vacciné contre cette grippe aurait gagné à être rappelée aux lecteurs.

Le Conseil a blâmé le journaliste Ghyslain Plourde et l’hebdomadaire Le Réveil pour information inexacte et incomplète. Le Conseil a aussi blâmé le média pour publication d’un correctif insatisfaisant, puisque ce dernier a été publié trop tardivement (soit 11 semaines après la faute) et en page 18 alors que l’information erronée se trouvait à la une et en page 3 de l’hebdomadaire.

D2010-01-053 David Gagnon c. Richard Latendresse, journaliste et Le Groupe TVA-LCN inc.

Reportage de Richard Latendresse sur Haïti : des images choquantes mais d’intérêt public

M. Gagnon portait plainte contre le journaliste Richard Latendresse et le Groupe TVA inc. concernant un reportage, diffusé le 16 janvier 2010, portant sur le tremblement de terre à Haïti. Les motifs de plainte invoqués étaient le manque de mise en contexte du reportage, d’avoir porté des jugements de valeur sur les événements et d’avoir usé de sensationnalisme, lors de la poursuite d’un camion transportant des cadavres. Les images diffusées présentaient alors des décombres et des corps. Le Conseil peut comprendre que ces images aient pu heurter la sensibilité du plaignant, en raison de leur aspect saisissant. Cependant, le journaliste pouvait librement, en vertu de sa liberté rédactionnelle, illustrer son reportage de cette façon. Aussi saisissant soit-il, le reportage dénoncé n’en témoigne pas moins d’une réalité qui était vécue en Haïti. Toutefois, le Conseil a tenu à souligner que les responsables de l’émission auraient dû présenter une mise en garde aux téléspectateurs et les prévenir du caractère cru des images diffusées dans le reportage.

Le plaignant déplorait aussi que, par trois fois, le journaliste aurait porté un jugement de valeur dans le reportage. Contrairement au plaignant, le Conseil n’y a pas vu de jugements de valeur portés par le journaliste. Pour reprendre les trois citations dénoncées par le plaignant, le Conseil a constaté que, premièrement, le fait que « les morts pouvaient causer des épidémies » avait été rapporté par différents intervenants de la santé. Deuxièmement, que « les corps n’étaient pas identifiés » et, finalement, « qu’ils étaient déversés sans contrôle et sans surveillance » s’avérait aussi être la réalité. L’utilisation de l’expression « c’est n’importe quoi » peut porter à confusion. Le Conseil comprend que le journaliste l’utilisait pour décrire ce qu’il voyait : une situation où il n’y avait plus de règles et qui semblait plutôt anarchique. De plus, le Conseil note que, dans sa fonction d’observateur, un journaliste sur le terrain peut exprimer une impression ou un sentiment qu’il ressent lorsqu’il est exposé à une situation donnée. Dans de tels cas, bien qu’il n’en franchisse pas la frontière, le journaliste d’information se rapproche du journaliste d’opinion.

Le Conseil a rejeté la plainte de David Gagnon à l’encontre du journaliste Richard Latendresse et du Groupe TVA inc. Cependant, pour son manque de collaboration en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil a blâmé le Groupe TVA inc.

D2009-12-039 Comité de Vigilance de Beloeil c. Guy Gilbert Sr., éditeur et l’hebdomadaire L’Oeil Régional

Dans un éditorial, publié le 7 novembre 2009, Guy Gilbert de l’hebdomadaire L’Oeil Régional a qualifié le Comité de Vigilance de Beloeil de « comité bidon ». Pour le président de ce comité, il s’agissait d’une information à la fois fausse et malicieuse. Le Conseil estime qu’en qualifiant un comité de « bidon », l’éditorialiste exprimait une opinion. Or, selon le Conseil, s’il expose les éléments sur lesquels il fonde son appréciation, tout journaliste d’opinion peut exposer son idée sur une réalité qu’il commente, sans outrepasser pour autant les limites de la déontologie journalistique. Le Conseil a donc rejeté la plainte du Comité de Vigilance de Beloeil contre l’hebdomadaire L’Oeil Régional et son éditeur, Guy Gilbert Sr.

Le texte intégral des décisions ainsi qu’un résumé des arguments des parties en cause peuvent être consultés au www.conseildepresse.qc.ca, à la section « Les décisions rendues par le Conseil ».

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SOURCE :       
Marie-Eve Carignan, responsable des communications et analyste
Conseil de presse du Québec
Tél. : (514) 529-2818

RENSEIGNEMENTS :    
Guy Amyot, secrétaire général
Conseil de presse du Québec
Tél. : (514) 529-2818