Titre sensationnaliste en une de La Presse

Le tribunal d’honneur du Conseil de presse du Québec a rendu et publié huit (8) nouvelles décisions reliées à des plaintes qu’on lui avait soumises. Quatre (4) d’entre elles ont été retenues, les quatre (4) autres ayant été rejetées. Quatre d’entre elles sont ici résumées.

Jeune autiste exclu d’une remise de diplôme : la thèse de la discrimination était infondée 
D2015-07-002 : École Félix-Leclerc et Mme Diane Vallée, directrice c. Mme Louise Leduc, journaliste, M. Alexandre Pratt, directeur de l’information, La Presse, La Presse+ et le site lapresse.ca

Avec un titre accrocheur, la une de La Presse du 7 mai 2014 laissait croire à une injustice profonde : « Un élève de second ordre – Un jeune autiste de Pointe-Claire est écarté de la cérémonie de remise des diplômes de l’école qu’il fréquente depuis cinq ans, même s’il y a achevé son cheminement scolaire ». Or, selon une majorité de membres du comité des plaintes du Conseil de presse, il n’en était rien, comme l’article lui-même l’établissait d’ailleurs clairement. 

Car bien que le garçon avait effectivement terminé son « cheminement scolaire » à l’École Félix-Leclerc, il n’avait toujours pas complété son secondaire 5, en raison de son handicap et du fait qu’il menait donc un parcours dit particulier, contrairement aux autres jeunes adolescents invités à la remise de diplôme. Dans les circonstances, le Conseil a jugé, à la majorité, que le titre en une, voulant qu’un jeune autiste avait été traité comme un « élève de second ordre », était inexact et sensationnaliste, puisqu’il donnait à cet événement un caractère disproportionné en laissant croire que le jeune avait été traité de façon discriminatoire. 

Un grief de partialité a également été partiellement retenu, une fois de plus à la majorité, pour le titre en une.

La plainte a ainsi été retenue, à la majorité, et le quotidien La Presse a en conséquence été blâmé.

À propos de l’importance à accorder au dénouement des affaires judiciaires
D2015-05-138 : M. Richar Piscoya c. M. Pascal Faucher, journaliste, M. François Beaudoin, rédacteur en chef, La Voix de l’Est, M. Alexandre Pratt, directeur de l’information, le site internet lapresse.ca

Reprochant au quotidien La Voix de l’Est, de même qu’au site internet lapresse.ca d’avoir présenté de l’information déséquilibrée et incomplète, d’avoir manqué à leur obligation de suivi d’un dossier judiciaire, d’avoir fait preuve de partialité, d’avoir porté atteinte à son droit à la présomption d’innocence et finalement d’avoir porté atteinte à son droit à l’image, M. Richar Piscoya a déposé plainte contre ces deux médias. Sa plainte a été retenue, en partie.

Après avoir rejeté le grief pour manque d’équilibre et information incomplète, le comité des plaintes du Conseil a en effet jugé que les mis en cause avaient manqué à leur obligation d’accorder aux affaires judiciaires un suivi rigoureux. Acquitté des accusations d’agressions sexuelles qui pesaient contre lui, M. Piscoya déplorait que La Voix de l’Est n’en ait que très brièvement fait état, soit dans une brève enfouie en page 18, alors que l’article relatant le témoignage de la victime alléguée était publié en page 7, dans la section « Actualités » et ce, neuf jours après que l’acquittement ait été prononcé. Ces manquements, en soi, constituent une faute, aggravée du fait que l’acquittement n’a pas du tout été rapporté sur le site lapresse.ca, malgré qu’une mise à jour de l’article original ait été faite près de deux mois et demi plus tard.

Le Conseil a également retenu, à la majorité, le grief pour atteinte au droit à la présomption d’innocence, en raison du titre de l’article : « Agression sexuelle d’une mineure : “J’ai dit non, mais ils ont continué” ». En laissant entendre que l’agression sexuelle était un fait avéré, et en laissant toute la place à la version de la victime, qui plus est, le titre présente M. Piscoya comme étant coupable des gestes qui lui étaient reprochés et dont il a été acquitté.

En conséquence, le Conseil de presse a adressé un blâme à l’endroit de La Voix de l’Est et du site internet lapresse.ca.

En rafale

D2015-05-137 : Un conflit d’intérêts flagrant…

Une plainte pour conflit d’intérêts, visant MM. Jean-Christophe Ouellet et Dominic Maurais, respectivement coanimateur et animateur à la station de radio CHOI 98,1 FM Radio X, a été retenue. Dans cette affaire, la plaignante dénonçait le fait que M. Ouellet, qui est également propriétaire d’une franchise de Vapoclub, une boutique qui se spécialise dans la vente de cigarettes électroniques, tienne une chronique intitulée « Vaponews ». Il s’agissait selon elle d’un conflit d’intérêts, un avis que partage le Conseil. 

Aux yeux du Conseil, le fait que M. Ouellet ait rappelé, à quelques reprises, qu’il était propriétaire d’une boutique de cigarettes électroniques ne saurait excuser sa faute, car comme le Conseil l’a clairement établi dans une autre décision, « si la transparence [en matière de conflit d’intérêts] est effectivement une vertu, elle n’est cependant pas une fin en soi, et ni le public ni les journalistes ne devraient s’en satisfaire. » 

Considérant l’importance de la faute, le M. Ouellet a été blâmé sévèrement. Quant à M. Maurais il a été blâmé pour sa complicité envers la faute commise par son coanimateur. Aux yeux du Conseil, il partageait la responsabilité de préserver la confiance du public, ce qu’il n’a pas fait, malgré qu’il connaissait très bien la situation de conflit d’intérêts dans laquelle M. Ouellet se retrouvait.

D2015-05-140 : Encore du mépris envers les assistés sociaux à CHOI FM Radio X

Le Conseil a une fois de plus retenu une plainte à l’encontre d’animateurs de la station CHOI 98,1 FM Radio, en l’occurrence MM. Denis Gravel et Jérôme Landry, pour la tenue de propos tendant à soulever le mépris et attiser des préjugés envers les assistés sociaux. Dans l’extrait dénoncé, les mis en cause laissaient entendre que ceux-ci sont malpropres, qu’ils priorisent l’achat d’alcool à celui de lait pour leurs enfants, qu’ils sont des voleurs, etc. Pour le Conseil, l’utilisation répétitive du terme « B.S. », dont la connotation est évidemment péjorative au Québec, participe également à attiser mépris et préjugés.

En raison de la gravité de la faute, d’une part, mais aussi parce que les deux animateurs n’en sont pas à leurs premières fautes en matière de propos soulevant le mépris et la discrimination, les mis en cause ont ainsi été blâmés sévèrement.