Avis du Conseil de presse du Québec concernant les saisies de documents effectuées dans les organes d’information par les forces policières, pour fins d’enquêtes et de poursuites judiciaires

Différents groupements de journalistes de même que les directeurs de l’information de l’ensemble des entreprises de presse de la région du Saguenay – Lac St-Jean dénonçaient, auprès du Conseil de presse du Québec, les saisies, effectuées par la Sûreté du Québec, dans divers organes d’information de la région, de films, photos et autres documents concernant une manifestation de grève aux usines de l’Alcan à Arvida.

Ils invitaient le Conseil de presse à se prononcer sur le problème que pose, pour le droit du public à l’information et la liberté de la presse, la saisie, par les forces policières, et l’utilisation, pour fins d’enquêtes et de poursuites judiciaires, de documents destinés à l’information du public, produits par les journalistes et les entreprises de presse. Ils demandaient aussi au Conseil de proposer aux autorités gouvernementales les mesures propres à empêcher les recours a de tels procédés, les jugeant comme incompatibles avec le libre exercice, par les journalistes et les organes d’information, de leur fonction d’informer.

Le Conseil de presse du Québec, organisme essentiellement voué à la sauvegarde et à la protection du droit du public à l’information, considère que les saisies, ainsi effectuées par les forces policières, même conformément aux dispositions de la loi, constituent un obstacle au libre accès tant du public à l’information que de la presse aux sources de cette information.

Nonobstant le fait que la Sûreté du Québec ait remis les documents saisis aux organes d’information de la région du Saguenay – Lac St-Jean, le Conseil est d’avis que de telles pratiques sont contraires à l’exercice d’une véritable liberté de l’information et empêchent la presse de s’acquitter adéquatement de sa responsabilité d’informer la population sur les événements d’intérêt public, soit qu’elles risquent de priver la presse de ses sources, rendues méfiantes vis-à-vis elle, ou qu’elles l’incitent à s’interdire à elle-même de rendre compte d’une information qui pourrait servir à incriminer les personnes qui font l’événement.

Le Conseil considère que si l’intérêt public oblige la société à se pourvoir des moyens propres à assurer la protection du public, il lui impose également le devoir de tenir compte, ce faisant, des exigences du droit tout aussi essentiel de la population d’être informée adéquatement des questions d’intérêt public.

Le Conseil de presse reconnaît, par ailleurs, la complexité de l’aménagement de mesures propres à réaliser un sain équilibre entre le droit du public à l’information et celui de l’administration de la justice. Aussi le Conseil s’est-il déjà mis à la tâche pour pousser plus avant, avec les divers intéressés, l’étude de cette question et la recherche des voies et moyens indispensables à l’exercice d’une véritable liberté d’information conciliable avec la responsabilité qu’impose aux institutions de l’État la protection de la société et de ses membres.