La Cour d’appel a tranché : c’est 5 000$ en dommages et intérêts que devra verser le quotidien The Gazette à Alain Goulet, pour violation du droit à l’image et du droit à la vie privée. Encore une fois, les tribunaux québécois ont appliqué l’arrêt Aubry c. Éditions Vice-Versa, décision phare en matière de droit à l’image. C’est la notion d’intérêt public, qui ne justifiait pas la prise de la photographie selon les tribunaux, qui a joué un rôle déterminant dans leur décision.
L’affaire commence en 2007 lorsqu’Alain Goulet, agent correctionnel à la prison fédérale de Bordeaux, se fait prendre en photo par un photojournaliste, sans qu’on lui demande sa permission. Sur celle-ci, on le voit devant l’entrée de la prison, à l’avant-plan, de sorte qu’il est clairement identifiable. Ce n’est que près de six mois plus tard que The Gazette a utilisé l’image pour accompagner un article relatant l’opposition de citoyens du voisinage à un projet d’agrandissement du bâtiment abritant la prison.
L’homme photographié a par la suite allégué avoir subi des railleries de la part de collègues de travail et dit avoir craint d’être victime d’intimidation par des détenus de l’établissement, ce qu’il a eu bien du mal à prouver. Qu’à cela ne tienne, le juge de première instance a néanmoins conclu que la responsabilité du média était engagée, ce dernier n’ayant pas été en mesure d’offrir une justification à la publication de la photographie, malgré que le média a plaidé que l’intérêt public justifiait la diffusion de l’image. En outre, toujours selon le quotidien, étant donné que M. Goulet a été photographié dans le cadre de ses fonctions, à l’entrée de son milieu de travail, et au surplus dans un lieu public, il n’avait presque qu’aucune expectative de vie privée. Le tribunal a cependant rejeté ces arguments et donné raison au demandeur.
Le 11 juin dernier, la Cour d’appel a confirmé l’opinion du juge de première instance, et réaffirmé que le sujet de la photographie était en droit d’avoir une certaine expectative de vie privée. Sans compter que l’image de M. Goulet n’était pas, aux yeux de la Cour, pertinente au contenu du message publié par le média. Finalement, puisque ce dernier était clairement identifiable et n’apparaissait pas de façon accessoire ou comme élément anonyme du décor, la Cour a jugé que son droit à l’image a manifestement été violé.
De telles poursuites à l’encontre de médias pour violation au droit à l’image sont assez rares et pour cause : les sommes accordées en réparation du préjudice ne favorisent pas le recours aux tribunaux. Reste que, comme ce récent jugement tend à le démontrer, les médias doivent toujours pouvoir prouver que l’intérêt public justifiait la publication d’une photographie.