Plaignant
M. Gilles Rhéaume
Mis en cause
M. Josh Freed, journaliste; M. Raymond Brassard, directeur de la rédaction etle quotidien The Gazette
Résumé de la plainte
M. Gilles Rhéaume déplore que M. Josh Freed, dans sa chronique parue le 20 juin 2009, dans le quotidien The Gazette et portant le titre « Politics ruin the party », ait procédé à une comparaison entre les organisateurs des festivités de la Saint-Jean et les soldats de la SS du IIIème Reich. Le plaignant juge cette comparaison infondée, mensongère et discriminatoire. Elle attiserait, selon lui, les tensions sociales en plus de porter atteinte à sa réputation.
Griefs du plaignant
M. Rhéaume déplore que le mis-en-cause se soit servi de l’injure et de la diffamation pour qualifier les opposants à la présence de chansons en langue anglaise lors de la Saint-Jean. Il conteste notamment la phrase suivante : « The dinosaurs of nationalism like the St. Jean organizers who tried to stop two local bands from singing in a foreign dialect called English – a move reminiscent of the old days of the Apostrophe SS. »
Le plaignant considère que la citation qui précède fait référence aux soldats SS du IIIème Reich allemand et estime que cette association était non seulement infondée, mais également mensongère. Elle constituait, à son avis, une bavure journalistique. Selon M. Rhéaume, il était permis de déplorer la présence de chansons en anglais sans se voir comparer à des criminels ayant marqué l’histoire. Pour le plaignant, de banaliser le nazisme de cette façon est parfaitement condamnable.
L’association qui a été faite par M. Freed, entre les soldats SS et les opposants aux chansons anglaises, lors des festivités de la Saint-Jean aurait, selon lui, terni la réputation de ces derniers en plus d’attiser les tensions sociales.
La plainte de M. Rhéaume est appuyée par trois personnes, M. Robert Bertrand ainsi que MM. Daniel et Benoît Roy, qui se plaignent pour les mêmes motifs.
Commentaires du mis en cause
Commentaires de M. Raymond Brassard, directeur de la rédaction :
M. Brassard précise que le mis-en-cause est un chroniqueur humoristique se servant de la satire pour se moquer de certaines pratiques sociales, ce que le plaignant n’était pas sans savoir.
M. Rhéaume reproche au chroniqueur d’avoir comparé les souverainistes à des SS. Sur cet aspect, M. Brassard précise que le plaignant a néanmoins omis de prendre en considération le fait que le texte faisait référence aux « Apostrophe SS » et non simplement aux SS. Ainsi, M. Freed disait dans sa chronique que l’exclusion des chansons anglaises prévues pour le concert de la Saint-Jean lui rappelait les apostrophes qui ont été supprimées des enseignes publiques anglophones dans les années 70.
Le mis-en-cause se serait néanmoins rendu compte rapidement que beaucoup de gens n’avaient pas saisi le sens de la référence qu’il faisait dans sa chronique. Ainsi, dans sa chronique suivante, il a expliqué cette référence et reconnu qu’il avait fait preuve de mauvais jugement en employant l’acronyme SS.
M. Brassard précise que le mis-en-cause vit à Montréal depuis toujours. Il a bâti sa réputation sur la satire et tous ceux qui le connaissent savent qu’il se moque de la communauté québécoise anglophone avec autant de passion.
M. Brassard joint à ses commentaires la chronique de M. Patrick Lagacé, parue sur le blogue de Cyberpresse, où ce dernier réagit à l’interprétation hâtive dont a été victime la chronique de M. Freed.
Commentaires de M. Josh Freed, journaliste :
Pour M. Freed, la plainte que formule M. Rhéaume se base sur le fait qu’il aurait comparé les organisateurs de la Saint-Jean à des soldats SS, bien que ce ne soit en réalité pas le cas.
Dans la chronique en question, il aurait très spécifiquement dit que les efforts qui ont été faits pour empêcher les musiciens anglophones de jouer lors des festivités de la Saint-Jean sont « a move reminiscent of the old days of the Apostrophe SS » (« une mesure qui rappelle les vieux jours des SS de l’apostrophe »). Le terme « Apostrophe SS » ferait référence à une vieille blague que les anglophones utilisent depuis longtemps pour se moquer des inspecteurs de la langue qui, dans le temps, ont éliminé beaucoup d’apostrophes sur les enseignes, comme par exemple celle d’Eaton qui était auparavant Eaton’s. Ces derniers exécutaient des apostrophes, mais jamais des gens. Cette blague serait souvent utilisée par des humoristes anglophones ainsi que des chanteurs.
M. Freed explique donc qu’en bout de piste, il ne comparait par les organisateurs de la Saint-Jean aux SS, mais qu’il comparait leur zèle au temps des « Apostrophe SS ». Il explique avoir été surpris qu’une journée après la parution de sa chronique, la Presse Canadienne sorte une nouvelle, citant uniquement M. Rhéaume, qui l’accusait d’avoir comparé les organisateurs de la Saint-Jean aux soldats SS. Aucune référence n’était faite au terme « apostrophe ». Il ajoute que personne à la Presse Canadienne n’a cherché à le contacter pour vérifier la nouvelle, pas plus qu’ils ne semblent avoir lu la chronique dont il est l’auteur.
Le mis-en-cause joint à ses commentaires l’article de la Presse Canadienne qui détaille que l’Association des descendants des Patriotes porte plainte au Conseil de presse pour une chronique signée de M. Freed et parue dans The Gazette. L’article précisait que M. Freed aurait affirmé que les opposants à la présence de groupes de musique anglophones à la Saint-Jean lui rappelaient les SS.
Cette dépêche de la Presse Canadienne aurait ensuite été reprise par de nombreuses stations de radios et de nombreux journaux, incluant La Presse, lui causant beaucoup de tort. L’histoire de M. Rhéaume déforme ses mots et l’accuse d’avoir écrit quelque chose alors que ce n’est pas le cas.
M. Freed mentionne que beaucoup de lecteurs francophones n’ont pas, non plus, compris la référence aux « Apostrophe SS ». C’est la raison pour laquelle il a, dans sa chronique de la semaine suivante, fait un certain nombre de clarifications.
Il explique que son ambition était d’écrire une chronique satirique qui donnait une égale opportunité aux anglophones, francophones et allophones d’apprécier cette touche d’humour. Bien que cela n’ait pas vraiment fonctionné, beaucoup de lecteurs, aussi bien francophones qu’anglophones, lui ont fait parvenir des messages de soutien précisant qu’ils avaient apprécié cette touche d’humour. M. Freed insiste sur le fait que ces messages provenaient également de lecteurs francophones, ce qui prouve bien que son humour pouvait être apprécié de tous et pas seulement des anglophones.
Pour terminer, le mis-en-cause souligne que les accusations de M. Rhéaume à son endroit ainsi qu’à l’endroit de son média sont injustes et ont, de son avis, pour ambition première de malmener le quotidien plutôt que de poursuivre une certaine quête de vérité.
M. Freed joint à son commentaire un certain nombre de messages de soutien qu’il a reçu à la suite de la publication de sa chronique.
Réplique du plaignant
Le plaignant n’a soumis aucune réplique.
Analyse
M. Gilles Rhéaume porte plainte contre le chroniqueur M. Josh Freed pour avoir comparé les organisateurs des festivités de la Saint-Jean à des soldats de la SS, dans sa chronique intitulée « Politics ruin the party », parue le 20 juin 2009; comparaison qui aurait porté atteinte à sa réputation. L’extrait de la chronique du mis-en-cause sur lequel repose cette plainte est le suivant : « The dinosaurs of nationalism like the St. Jean organizers who tried to stop two local bands from singing in a foreign dialect called English – a move reminiscent of the old days of the Apostrophe SS. »
Grief 1 : comparer les organisateurs de la Saint-Jean à des SS
Selon M. Rhéaume, cette comparaison serait non fondée, fausse, mensongère ainsi que discriminatoire. Le Conseil remarque que, dans sa chronique, le mis-en-cause n’a pas comparé les organisateurs de la Saint-Jean à des SS, mais bien à des « Apostrophe SS », terme utilisé par les anglophones du Québec durant les années 70, pour faire référence aux inspecteurs de la langue chargés de franciser les enseignes. Le Conseil ne peut cependant ignorer les nombreuses réactions identiques à celles du plaignant qui ont suivi la publication de la chronique de M. Freed.
En tant que chroniqueur d’opinion et en accord avec le guide des Droits et responsabilités de la presse, M. Freed disposait d’une certaine latitude dans le traitement du sujet que prenait pour objet sa chronique. La responsabilité lui incombait, par ailleurs, de livrer au public une information de qualité synonyme de respect des personnes et des groupes (DERP, p. 21); obligation dont le Conseil estime qu’il s’est pleinement acquitté, le grief est donc rejeté.
Il tient de plus à saluer l’initiative du mis-en-cause qui, la semaine suivant la publication de sa chronique, a publié une mise au point visant à clarifier le sens de son propos.
Grief 2 : atteinte à la réputation
M. Rhéaume se plaint également que la chronique de M. Freed ait porté atteinte à sa réputation en le comparant, à titre d’organisateur de la Saint-Jean, aux SS.
Le Conseil rappelle qu’en sa qualité de tribunal d’honneur de la presse québécoise et défenseur du droit du public à l’information, il n’étudie pas les griefs portant sur l’atteinte à la réputation qui relèvent, selon lui, exclusivement des tribunaux.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse rejette la plainte de M. Gilles Rhéaume contre le chroniqueur M. Josh Freed et le quotidien The Gazette.
Analyse de la décision
- C15I Propos irresponsable
- C17D Discréditer/ridiculiser