Plaignant
Mme Sabrina Gagnon-Rochette
Mis en cause
M. Dominic Maurais, animateur; M. Jean-Christophe Ouellet, coanimateur; M. Raynald Brière, PDG, RNC Media; l’émission « Maurais live » et la station CHOI 98,1 FM Radio X
Résumé de la plainte
Mme Sabrina Gagnon-Rochette dépose une plainte le 6 mai 2015 contre M. Jean-Christophe Ouellet, coanimateur, M. Dominic Maurais, animateur, l’émission « Maurais live » et la station CHOI 98,1 FM Radio X, au sujet de la diffusion de la chronique de M. Ouellet, intitulée « Vaponews ». Selon la plaignante, M. Ouellet est en conflit d’intérêts.
M. Jean-Christophe Ouellet commente le projet de loi 44 que le gouvernement québécois s’apprête à déposer, et qui prévoit l’assujettissement de la cigarette électronique aux mêmes balises juridiques que celles s’appliquant à la cigarette traditionnelle. Il est mentionné plusieurs fois, pendant sa chronique, qu’il est propriétaire d’une franchise de Vapoclub à Lévis.
Analyse
Grief 1 : conflit d’intérêts
Mme Sabrina Gagnon-Rochette exprime son grief en ces termes : « Maurais fait sa chronique “Vaponews”. Son coanimateur, Jean-Christophe Ouellet, est propriétaire d’une boutique de vapotage à Lévis. Il ne s’en cache même pas. Il y a conflit d’intérêts! »
La station CHOI 98,1 FM Radio X a refusé de répondre à la présente plainte.
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), il est stipulé que : « Les entreprises de presse et les journalistes doivent éviter les conflits d’intérêts. Ils doivent, au surplus, éviter toute situation qui risque de les faire paraître en conflit d’intérêts, ou donner l’impression qu’ils ont partie liée avec des intérêts particuliers ou quelque pouvoir politique, financier ou autre. »
Le guide DERP mentionne également que : « Tout laxisme à cet égard met en péril la crédibilité des organes de presse et des journalistes, tout autant que l’information qu’ils transmettent au public. Il est impérieux de préserver la confiance du public quant à l’indépendance et à l’intégrité de l’information qui lui est livrée et envers les médias et les professionnels de l’information qui la collectent, la traitent et la diffusent. Il est essentiel que les principes éthiques en la matière, et que les règles de conduite professionnelle qui en découlent, soient respectés rigoureusement par les entreprises de presse et les journalistes dans l’exercice de leurs fonctions. »
Enfin, il est souligné que : « Les entreprises de presse doivent veiller elles-mêmes à ce que, par leurs affectations, leurs journalistes ne se retrouvent pas en situation de conflit d’intérêts ni d’apparence de conflit d’intérêts. […] Le Conseil de presse préconise que les médias se dotent d’une politique claire et de mécanismes de prévention et de contrôle adéquats en cette matière. Ces politiques et mécanismes devraient couvrir l’ensemble des secteurs d’information, que ceux-ci relèvent du journalisme d’information ou du journalisme d’opinion. » (pp. 24-25)
Pour le Conseil, le conflit d’intérêts de M. Ouellet est évident. Étant donné son statut de propriétaire d’une boutique de cigarettes électroniques, il aurait dû s’interdire d’aborder tout sujet touchant au vapotage.
Le Conseil a déjà clairement établi qu’en matière de conflit d’intérêts, la transparence ne soustrait pas le journaliste à son devoir d’indépendance. Dans sa décision Ian Stone c. Beryl Wajsman (2013-03-84), notamment, un grief de conflit d’intérêts a été retenu contre le rédacteur en chef de l’hebdomadaire The Suburban, en raison de son appartenance au mouvement « Droits canadiens au Québec » (CRITIQ), et cela, malgré le fait que M. Wajsman ait affiché ouvertement et publiquement son association à ce mouvement.
Dans Sylvain Boucher c. Nicolas Mavrikakis (2013-02-077), on peut lire : « Le Conseil partage l’opinion du plaignant voulant que M. Mavrikakis se soit placé en situation d’apparence de conflit d’intérêts et considère qu’une apparence de conflit d’intérêts ne se dissipe pas du simple fait de l’admettre. Autrement dit, si la transparence à cet égard est effectivement une vertu, elle n’est cependant pas une fin en soi, et ni le public ni les journalistes ne devraient s’en satisfaire. »
Pour le Conseil, les intérêts qu’il détenait dans un commerce de cigarettes électroniques empêchaient M. Ouellet d’émettre légitimement des commentaires dans l’émission « Maurais Live » sur le sujet du vapotage tout en étant coanimateur. Dans ce contexte, son conflit d’intérêts jetait un doute certain sur l’intégrité et la crédibilité de son propos. Le fait de ne pas avoir évité cette situation constitue une faute déontologique.
Pour ces raisons, le grief de conflit d’intérêts est retenu contre M. Ouellet.
Le grief est également retenu contre la station CHOI 98,1 FM Radio X, parce qu’elle a omis de veiller à ce que M. Ouellet se retrouve en conflit d’intérêts.
La majorité des membres du comité (6/8) conclut également que la responsabilité de M. Dominic Maurais est engagée pour ce grief. M. Maurais partageait en effet, à titre d’animateur, la responsabilité de préserver la confiance du public quant à l’indépendance et à l’intégrité de l’information. En effet, en dépit de son rôle prépondérant à la barre de l’émission et de sa connaissance des activités commerciales de son coanimateur, M. Maurais ne veille pas à ce que M. Ouellet ne se retrouve pas en conflit d’intérêts. Au contraire, il banalise la situation et la cautionne, en badinant avec M. Ouellet et en adoptant envers lui une attitude complaisante.
Deux membres (2/8) expriment cependant leur dissidence sur ce point. Ils estiment au contraire que M. Ouellet est le seul responsable de la faute qu’il a commise et que cette responsabilité ne peut s’étendre à un collègue, dans une logique de culpabilité par association. M. Maurais n’est pas personnellement en conflit d’intérêts, et ne peut donc être tenu responsable d’une faute qu’il n’a pas commise lui-même.
Refus de collaborer
La station CHOI 98,1 FM Radio X a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche à la station CHOI 98,1 FM Radio X son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de tout ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Mme Sabrina Gagnon-Rochette et, compte tenu de l’importance de la faute, blâme sévèrement, à l’unanimité, le coanimateur Jean-Christophe Ouellet pour le grief de conflit d’intérêts et la station CHOI 98,1 FM Radio X, pour avoir omis de veiller à ce que M. Ouellet ne se retrouve pas en situation de conflit d’intérêts. Le comité des plaintes adresse également, à la majorité, un blâme à l’encontre de M. Dominic Maurais pour avoir omis de veiller à ce que M. Ouellet ne se retrouve pas en situation de conflit d’intérêts.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme la station CHOI 98,1 FM Radio X.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.3)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- M. Adélard Guillemette
- Mme Audray Murray
- Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
- Mme Caroline Belley
- M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
- M. Sylvain Poisson
- M. Luc Simard
Analyse de la décision
- C22C Intérêts financiers
- C24A Manque de collaboration