D2008-06-084 Robin Philpot c. André Noël, journaliste et le quotidien La Presse
Un manque d’équilibre qui conduit à une atteinte à la dignité de la personne
M. Philpot portait plainte contre le journaliste André Noël et le quotidien La Presse pour un article, publié le 28 mars 2008, évoquant des propos discriminatoires et faux à son sujet. L’article serait également sensationnaliste, partial et manquerait gravement d’équilibre.
En regard de l’inexactitude, le premier reproche sur lequel s’est penché le Conseil concernait l’accusation, relevée par le plaignant, d’être « négationniste » et « révisionniste ». Le plaignant demandait au Conseil de se prononcer sur le fond du débat, à savoir s’il pouvait légitimement être qualifié ainsi. Le Conseil considère qu’il n’a pas à décider si M. Philpot peut être considéré comme révisionniste ou négationniste, puisque son champ d’intervention est celui de l’éthique journalistique. Le Conseil considère cette question comme relevant du domaine de l’Histoire et de la compétence des spécialistes de cette discipline. Par ailleurs, toujours en ce qui a trait aux termes « négationniste » et « révisionniste », le Conseil a constaté qu’ils ont effectivement été utilisés lors de la conférence de presse couverte par le journaliste, qu’ils désignaient M. Philpot et qu’ils ont été fidèlement rapportés. Tout en mesurant la portée d’une telle accusation et la controverse dans laquelle elle s’inscrit, le Conseil considère, dans les circonstances, qu’il était tout de même d’intérêt public de la rapporter. Ce grief fut rejeté.
Toujours au chapitre des inexactitudes, le plaignant contestait le fait qu’il ait été identifié comme un des organisateurs de la conférence dénoncée. Après examen, le Conseil a constaté qu’il s’agissait effectivement d’une inexactitude, mais celle-ci fut considérée comme mineure dans le contexte.
Le plaignant dénonçait également l’utilisation, dans l’article, de métaphores l’accusant, par exemple, de « poursuivre par l’entremise des médias la besogne inachevée » et de compter parmi les « adeptes de l’idéologie à l’origine du génocide [qui] viennent remuer le couteau dans la plaie encore saignante des rescapés du génocide des Tutsis ». Tout média d’information est responsable des propos qu’il publie ou diffuse. Dans le cas présent, les propos rapportés contiennent des accusations extrêmement sérieuses, en associant M. Philpot aux acteurs du massacre du Rwanda et aux adeptes de l’idéologie génocidaire. Le Conseil considère qu’il s’agit ici d’une situation délicate où l’intérêt public pouvait effectivement justifier que le journal rapporte ces propos très chargés, prononcés en conférence de presse, mais sans prendre position lui-même et à la condition de présenter une contrepartie bien équilibrée. Le Conseil estime qu’il était utile d’informer le public que, face à la remise en question de la version officielle du drame rwandais, les représentants des victimes de ce drame et ceux du Congrès Juif réagissent avec vigueur et vont même jusqu’à porter des accusations sérieuses.
Or, le Conseil s’est également penché sur la question des manquements à l’équilibre de l’information. L’examen de l’article en cause a révélé que, si son dernier paragraphe mentionne que M. Philpot réfute l’accusation de négationnisme et s’il précise sa position en regard de la notion de génocide, on ne peut accepter, malgré ce qu’affirme le journaliste, que l’information principale de l’article soit contrebalancée par les quatre lignes de la fin. Leur portée ne fait aucunement le poids contre la force, la vigueur et la violence verbale utilisées dans les paragraphes antérieurs. Le journaliste aurait pu, par exemple, contacter M. Philpot pour obtenir et résumer sa réaction aux propos violents tenus à son endroit. Le Conseil a estimé que, dans le cas présent, l’importance accordée à la position des conférenciers était beaucoup moins importante que celle consacrée à leurs opposants. Le Conseil a retenu le grief.
Au grief suivant, le plaignant déplorait que les mis-en-cause aient fait preuve d’acharnement à son endroit en publiant plusieurs articles défavorables à son sujet. Après examen, le Conseil a constaté qu’au-delà d’énoncer ce grief et d’énumérer des articles dont il avait fait l’objet, le plaignant n’a pas démontré que le journaliste ou son média avait fait preuve d’acharnement à son endroit. Le plaignant est un personnage public et les activités impliquées dans ces articles étaient également publiques. Le grief n’a pas été retenu.
Le quatrième motif de plainte avait trait au manquement pour atteinte à la dignité de la personne. Les médias et les professionnels de l’information doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine, à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne. L’analyse du second grief a révélé deux manquements importants à l’équilibre journalistique, à la défaveur du plaignant. Selon le Conseil, ces manquements, ajoutés à l’inexactitude mineure relevée au premier grief, peuvent avoir pour conséquence de porter atteinte à la dignité de la personne. Ce grief fut retenu.
Le Conseil de presse a retenu la plainte de M. Robin Philpot contre le journaliste André Noël et le quotidien La Presse aux motifs de manquements à l’équilibre et d’atteinte à la dignité de la personne.
Le texte intégral de cette décision ainsi qu’un résumé des arguments des parties en cause peuvent être consultés au www.conseildepresse.qc.ca, à la section « Les décisions redues par le Conseil ».
SOURCE :
Marie-Eve Carignan, responsable des communications
Conseil de presse du Québec
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RENSEIGNEMENTS :
Guy Amyot, secrétaire général
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