Plaignant
MM. Marc Beaulé et Samuel Francoeur Chalifour
Mis en cause
M. Paul Journet, journaliste; M. Denis Lessard, journaliste; M. Mario Girard, directeur de l’information et le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
M. Marc Beaulé dépose une plainte le 21 mai 2012, contre la publication d’un sondage non probabiliste, en une de La Presse du 19 mai 2012, sous le titre « Exclusif : Crise étudiante – Sondage CROP-La Presse – 66 % appuient la loi spéciale/67 % croient que les policiers devraient être plus sévères envers les manifestants/65 % jugent l’attitude des étudiants injustifiée ». La publication de ces sondages aurait produit une information tendancieuse.
M. Samuel Francoeur Chalifour dépose une plainte le 21 mai 2012 contre le journaliste Paul Journet et La Presse concernant l’article du 17 mai 2012, publié dans La Presse « Une majorité des Québécois pour le gel ou la baisse » et l’article de Denis Lessard « Sondage CROP-La Presse : les Québécois en faveur de la ligne dure ». Il reproche aux journalistes d’avoir tenté de manipuler l’information.
Analyse
Grief 1 : publication d’un sondage non probabiliste
Les plaignants déplorent que les données recueillies s’appuyaient sur un sondage non probabiliste. D’une part, M. Beaulé considère que le sondage n’avait aucune base scientifique et conclut donc que l’information transmise l’a été sur une base tendancieuse, puisqu’elle était le fruit d’une plateforme d’internautes qui devaient s’inscrire sur le site LaPresse.ca, pour y participer. D’autre part, M. Samuel Francoeur Chalifour souligne la mise en garde émise par Statistique Canada voulant que les résultats des sondages non probabilistes doivent être utilisés avec prudence.
Me Patrick Bourbeau, représentant La Presse, affirme que l’information relative aux sondages a été clairement véhiculée aux lecteurs. Selon Me Bourbeau, bien que les sondages en ligne soient décrits comme étant non probabilistes et qu’ils ne comportent donc pas de marge d’erreur, il est faux de prétendre qu’ils ne sont pas fiables ou qu’ils sont imprécis.
Le Conseil constate l’existence d’un vif débat dans la communauté scientifique sur la valeur des sondages « non probabilistes »; les experts sont partagés sur cette question. Les membres du comité jugent que le comité des plaintes n’a pas compétence, en cette matière, et en réfère au conseil d’administration du Conseil de presse pour faire le tour de la question dans une réflexion plus générale de la couverture médiatique des sondages.
Grief 2 : information partiale et tendancieuse
M. Francoeur Chalifour reproche à La Presse la démesure dans la couverture de deux sondages, l’un en faveur et l’autre contre. Le plaignant explique qu’un premier sondage est fait à l’échelle nationale sur le gel ou la hausse des frais de scolarité. Le journaliste en fait une analyse et ses conclusions sont à l’effet que dans l’ensemble du pays, seulement 16 % des répondants souhaitent une hausse des frais, 45 % pour le gel et 33 % pour une diminution. Le deuxième sondage publié le 19 mai, fait au Québec seulement, rapportait que 66 % sont pour la décision du gouvernement de recourir à une loi spéciale. Pour le plaignant, que le sondage probabiliste (article de M. Journet) n’ait eu qu’une minime couverture et que le sondage non probabiliste (article de M. Lessard) ait eu droit à 3 pages dans l’édition week-end, il est clair, selon le plaignant, que l’on applique la position éditoriale du journal à un procédé que l’on veut faire passer comme purement scientifique.
De son côté, M. Marc Beaulé estime que la publication de ces sondages aurait produit une information tendancieuse.
Me Bourbeau réfute les allégations de traitement disproportionné, il considère que vu la crise sociale qui se déroulait au Québec, La Presse était justifiée d’accorder un traitement d’importance à la diffusion des résultats d’un sondage à ce sujet. Il ajoute que les textes sont en tous points conformes aux normes journalistiques en matière de publication de résultats de sondages, tous les éléments relatifs à la méthodologie ayant été divulgués aux lecteurs. En conclusion, les textes se contentent de relater objectivement les résultats du sondage sans en déformer le sens, mentionne Me Bourbeau.
Selon le Conseil, le choix et le traitement d’un sujet ou d’un événement particulier relèvent du jugement rédactionnel des médias et des professionnels de l’information, lesquels doivent exercer ce jugement en fonction du degré d’intérêt public d’une nouvelle. Dans le cas présent, le Conseil considère que le mis en cause a exercé sa liberté rédactionnelle et que les deux sondages étaient d’intérêt public. Rien n’obligeait le mis en cause à accorder une égale importance à ces sondages, ni à privilégier dans sa couverture le sondage probabiliste. Rien n’indique non plus que le choix exercé par le mis en cause était motivé par un biais idéologique de la direction. Le Conseil rejette le grief pour information partiale et tendancieuse.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette les plaintes de MM. Marc Beaulé et Samuel Francoeur Chalifour contre MM. Paul Journet, Denis Lessard et le quotidien La Presse pour information partiale et tendancieuse.
Les membres du comité jugent que le comité des plaintes n’a pas compétence, pour juger de la valeur des sondages non probabilistes, et en réfère au conseil d’administration du Conseil de presse pour faire le tour de la question dans une réflexion plus générale de la couverture médiatique des sondages.
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C13B Manipulation de l’information