Plaignant
M. Daniel Lapierre
Mis en cause
Mme Jen Young, journaliste-collaboratrice; Mme Sharon McCully, éditrice et le quotidien The Record
Résumé de la plainte
M. Daniel Lapierre dépose une plainte le 7 juin 2012 contre Mme Jen Young, journaliste-collaboratrice au journal The Record, relativement à un article publié le 3 janvier 2012 et intitulé : « Family seeks justice for Nanuk » et à la participation de la journaliste au site Facebook « Justice for Nanuk ». M. Lapierre dénonce le manque de devoir de réserve de la journaliste, le sensationnalisme et manque d’équilibre de l’article, des informations erronées et incomplètes et une atteinte à sa réputation à cause du tollé provoqué sur Facebook.
Analyse
Grief 1 : manquement au devoir de réserve
Le plaignant déplore le fait que Mme Young ait écrit sur le site Facebook « Justice for Nanuk », dont elle est une des administrateurs, avant même de publier son article dans The Record. Il ajoute qu’elle a incité les membres du site à « envoyer des lettres d’opinion, pour la cause, au journal ». M. Lapierre croit que ces faits démontrent un manque d’indépendance journalistique de la part de Mme Young.
Mme Sharon McCully, éditrice du journal The Record, répond que Mme Young est une journaliste d’expérience ayant développé une expertise sur les questions de bien-être des animaux; elle n’est pas permanente au journal, mais y travaille comme pigiste-collaboratrice. Ainsi, The Record ne se sent aucune responsabilité face au site Facebook et aucun lien avec les gens qu’ils l’ont créé ou qui ont écrit sur le site.
Le Conseil rappelle que : « Afin de préserver leur crédibilité professionnelle, les journalistes sont tenus à un devoir de réserve quant à leur implication personnelle dans diverses sphères d’activité sociales, politiques ou autres qui pourrait interférer avec leurs obligations de neutralité et d’indépendance. » (DERP, p. 25) « […] Les balises encadrant l’exercice du journalisme dans les médias de type traditionnel, énoncées dans le présent document, s’appliquent tout autant au journalisme sur Internet et sur tout autre support informatique. » (DERP, p. 35)
Le Conseil estime que Mme Jen Young a enfreint les règles de déontologie journalistique en prenant position, de façon non équivoque, sur un site Facebook, sur un sujet dont elle relatait les faits en tant que journaliste factuelle. Un exemple de ce que la mise en cause a écrit sur le site « Justice for Nanuk » : « Ah! Jesus Christ. Just doesn’t seem fair in this day and age. When our pets get away from us by accident, we would expect our neighbours to help us find them not kill them. I am SO SORRY for everyone’s loss. So sorry. RIP Nanuk. Your were a good boy!! » (Traduction : « Ah! Jésus Christ. C’est injuste. Quand nos animaux de compagnie se sauvent, on s’attendrait à ce que nos voisins nous aident à les retrouver, et non pas les tuer. Je suis tellement DÉSOLÉE, pour votre perte. Tellement désolée. RIP Nanuk, tu étais un bon chien!) De plus, Mme Young a accepté d’être nommée administratrice du site dont les membres ont écrit de nombreux commentaires pour dénoncer le plaignant, M. Lapierre. Le Conseil est d’avis que la journaliste se devait de garder un devoir de réserve, peu importe où elle écrivait.
Quant au journal The Record, le Conseil constate que le site Facebook « Justice for Nanuk » est un site indépendant sans aucun lien avec le journal. La journaliste Mme Young a commencé à y faire des commentaires le 2 janvier, soit la veille de la publication de son article. Le quotidien n’était donc pas en mesure d’intervenir auprès de la journaliste. Ainsi le grief pour manquement au devoir de réserve est retenu contre la journaliste, Mme Jen Young et non contre le journal The Record.
Grief 2 : sensationnalisme et manque d’équilibre
M. Lapierre croit que la journaliste a axé son article sur la manipulation des sentiments des lecteurs à l’endroit du chien et de ses propriétaires. Il affirme que l’auteur ne fait jamais mention du droit qu’il avait de défendre ses chevaux alors qu’il s’était entendu avec elle pour en parler. Le plaignant y voit là un manque flagrant d’équilibre dans l’information diffusée.
Dans sa réplique, l’éditrice Mme McCully rappelle que la journaliste, Mme Young, avait contacté le plaignant avant la publication de l’article, afin de recueillir ses commentaires. Ceux-ci ont été reproduits fidèlement et objectivement, particulièrement en ce qui concerne la protection des chevaux.
Le Conseil constate en effet que les propos du plaignant ont été rapportés, comme l’affirme Mme McCully. L’auteure cite aussi M. Lapierre qui explique le contexte difficile dans lequel il élève ses chevaux qui sont souvent attaqués par des chiens errants. Le Conseil croit que l’article reflète les opinions des différentes parties impliquées dans ce dossier et présente ainsi une image équilibrée de l’incident. Le fait de donner de nombreux détails sur le désarroi des propriétaires du chien blessé, par le plaignant, ne constitue pas un article sensationnaliste. Le grief pour sensationnalisme et manque d’équilibre est rejeté.
Grief 3 : informations erronées et incomplètes
M. Daniel Lapierre dénonce les « énormes faussetés et grossièretés » dites à son sujet sur le site Facebook. De plus, il déplore le tollé initié par l’article visé par cette plainte et enrichi par les interventions de Mme Young.
Encore là, The Record ne se sent aucunement responsable des propos tenus par des citoyens sur Facebook.
Le Conseil exclut de son champ de juridiction les médias sociaux qui ne sont pas associés à une entreprise de presse. Puisque le compte Facebook critiqué par le plaignant n’est aucunement relié au journal The Record, les griefs déposés contre ce compte Facebook ne seront pas traités par le Conseil.
Grief 4 : atteinte à la réputation
Le plaignant soutient que le tollé initié sur Facebook par l’article et les interventions de Mme Young, ont causé d’importants préjugés envers lui et à sa famille.
Le Conseil rappelle que la diffamation et l’atteinte à la réputation ne sont pas considérées comme du ressort de la déontologie journalistique, mais qu’ils relèvent plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décisions en la matière, le grief pour diffamation et pour atteinte à la réputation ne sera pas traité.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Daniel Lapierre contre la journaliste-collaboratrice Jen Young, pour le grief de manquement au devoir de réserve. Cependant, il rejette les griefs de sensationnalisme et manque d’équilibre.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C07B Devoir de réserve
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C17A Diffamation
- C22D Engagement social