L’été débute et avec lui s’amorce la gestation d’un rapport qui servira d’assises aux États généraux sur le journalisme indépendant, que tiendra l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ) le 28 septembre 2013. Le document sera un compte-rendu de la tournée provinciale achevée au début du mois de juin par la Coopérative de journalisme indépendant (CJI).
Le journal Ensemble, édité par la CJI, a débuté cette tournée de consultation sur le journalisme indépendant dans 29 localités du Québec en d’avril 2013. Cette tournée est le fruit d’une coopération entre l’AJIQ et la CJI.
Lors de la tournée, citoyens, journalistes et médias étaient invités à réfléchir sur des questions qui leur étaient adressées, en lien avec le travail des journalistes indépendants ou avec la qualité de l’information en général. Plusieurs pistes de réflexion portaient sur les conditions de travail des journalistes indépendants. Certaines se rapportaient à l’indépendance des entreprises médiatiques, à l’influence de la publicité sur le contenu et au mélange des genres qu’elle engendre.
Deux rapports précurseurs
La tournée du journal Ensemble s’inscrit dans le prolongement de la tournée provinciale réalisée par le Conseil de presse du Québec (CPQ) en 2008 et dans l’esprit du rapport Payette, publié en 2011, a expliqué Nicolas Falcimaigne, président de la CJI, lors d’un entretien accordé au Magazine du CPQ.
Dans son rapport, le CPQ avait notamment relevé « une précarité des emplois dans le secteur de l’information. Les pigistes sont de plus en plus nombreux. Ils n’ont pas toujours le temps et les moyens de rédiger des articles de fond et ne doivent pas se mettre en mauvaise posture face aux décideurs et aux organismes locaux. »
Quant au rapport du Groupe de travail sur le journalisme et l’avenir de l’information au Québec, dirigé par Dominique Payette, il soulignait, entre autres, la charge de travail surhumaine à laquelle étaient confrontés plusieurs journalistes indépendants : « Lors de nos déplacements en région, nous avons rencontré beaucoup de journalistes qui travaillaient seuls. Ces journalistes de la presse locale et régionale ont souvent des territoires extrêmement vastes à couvrir et des moyens limités pour le faire ».
Conditions de travail et qualité de l’info
Ces constats sont toujours criants d’actualité, alors que l’AJIQ dénonçait sur la place publique l’hiver dernier un nouveau contrat s’appliquant aux journalistes pigistes chez TC Média, lequel exige de leur part une cession inconditionnelle de leurs droits d’auteur et de leurs droits moraux.
« Le contrat de TC est juste un exemple de ce qui se passe quotidiennement dans la vie des pigistes », a souligné Mariève Paradis, présidente de l’AJIQ, lors d’une entrevue avec le Magazine du CPQ, en mai dernier. Mme Paradis signait une lettre d’opinion dans Le Devoir du 11 mars 2013, intitulée « Je ne suis pas juste une remplisseuse de trous ». Elle y mentionnait que TVA Publications a créé un contrat semblable il y a quelques années.
L’amélioration des conditions d’exercice du journalisme indépendant et la reconnaissance d’un statut et d’un droit de négociation collective sont le cheval de bataille de l’AJIQ depuis 25 ans. Cette préoccupation dépasse le seul bien-être et la rémunération des journalistes indépendants, fait valoir Mme Paradis. Comme l’adéquation entre conditions de travail précaire et vulnérabilité aux pressions incitant à déroger aux principes déontologiques est généralement admise, il en va de l’indépendance de bon nombre de producteurs d’information.
« Donner des conditions de travail plus acceptables aux journalistes indépendants, c’est important pour la profession de journaliste, pour la qualité de l’information ; tout le monde y gagnerait, plaide Mme Paradis. De plus en plus d’entreprises de presse ont recours à des pigistes, qui produisent 85 % du contenu des magazines au Québec. »
La présidente de l’AJIQ ne perd pas l’espoir que les journalistes indépendants puissent encore espérer exercer leur profession, au sein des grandes entreprises de presse, en harmonie avec les bonnes pratiques déontologiques et au profit de l’intérêt public. Seulement, le contexte est actuellement très difficile, admet-elle.
« C’est encore possible de ne pas être un “soldat de l’info”, mais les grandes entreprises se battent entre elles et la compétition est féroce. Quand les éléphants se battent, les souris meurent : il est très difficile, pour les journalistes indépendants, de tirer leur épingle du jeu actuellement. Je crois que si les entreprises de presse veulent conserver une main-d’œuvre de qualité, ils devront [se pencher sur] les conditions de travail [des journalistes indépendants] », prévient-elle.