Plaignant
Arrondissement Ville-Marie et M. Jacques Martineau, conseiller du maire de Montréal
Mis en cause
M. Daniel Rolland, journaliste; M. Stéphane Maestro, éditeur et le mensuel La Métropole
Résumé de la plainte
L’arrondissement Ville-Marie, par l’entremise de M. Jacques Martineau, conseiller principal du maire de Montréal, dépose une plainte le 28 janvier 2013 relativement à un article écrit par M. Daniel Rolland, journaliste au journal La Métropole, publié le 6 décembre 2012 et intitulé : « What do you want in your coffee? ». Le plaignant y dénonce une confusion des genres, des propos méprisants, un titre inadéquat de même qu’une photo inappropriée.
Analyse
Grief 1 : confusion des genres
Le plaignant accuse le journaliste, M. Rolland, d’avoir faussement présenté aux lecteurs un article qui se voulait un portrait du maire Applebaum, tel que suggéré par le sous-titre à la une du journal « Un portrait-choc du maire Applebaum ». Or, dans les faits, insiste le plaignant, il s’agit d’une interview, format questions-réponses, où M. Rolland ajoute sa propre réplique éditoriale tout en faisant un procès d’intention au maire. « Parfois, le format du texte change et il n’est plus clair s’il s’agit de la réponse ou d’un commentaire du journaliste », indique le plaignant. Il dénonce en outre le caractère de confrontation de l’entrevue et reproche au journal de n’avoir jamais indiqué qu’il s’agissait d’un éditorial, d’un billet d’humeur ou d’une chronique.
M. Stephane Mastro, éditeur de La Métropole, donne raison au journaliste d’avoir adopté un ton agressif, car il considère que ce dernier a été bousculé par le bureau du maire, le rendez-vous ayant été reporté à trois reprises et M. Rolland n’ayant que 30 minutes pour son entretien : « D’abord, si on veut être respecté, faut-il se montrer respectable », écrit M. Maestro. Ce dernier ajoute que M. Rolland a des blogues « retentissants » sur le portail LaMetropole.com, et que son style est par nature plutôt agressif. Enfin, l’éditeur considère qu’un portrait est, par définition, subjectif : « Qui dit portrait dit vision fatalement partiale. C’est la perception de notre journaliste qui lui est propre. »
Dans son guide de déontologie, le Conseil mentionne : « Le choix des faits et des événements rapportés, de même que celui des questions d’intérêt public traitées, relèvent de la discrétion des directions des salles de nouvelles des organes de presse et des journalistes. Il leur appartient aussi de déterminer les genres journalistiques qu’ils utilisent pour le traitement des informations recueillies […]. Le journalisme d’opinion accorde aux professionnels de l’information une grande latitude dans l’expression de leurs points de vue, commentaires, opinions, prises de position, critiques, ainsi que dans le choix du ton et du style qu’ils adoptent pour ce faire. » (DERP, pp. 14 et 17)
Le Conseil constate que M. Rolland est un chroniqueur, journaliste d’opinion. Dans ce cas-ci, M. Rolland a choisi de réaliser une entrevue avec le maire Applebaum et de présenter un portrait entremêlant les réponses du maire et ses propres commentaires, provoquant ainsi une confusion des genres. Le lecteur y distingue mal les propos du maire des propos du chroniqueur.
Le grief pour confusion des genres est retenu.
Grief 2 : propos méprisants
Le plaignant déplore les propos méprisants du journaliste Daniel Rolland qui, en questionnant le maire sur sa politique à l’égard des itinérants, « utilise des termes désobligeants pour décrire des personnes qui sont parmi les plus vulnérables de Montréal ». Décrivant cette réalité, M. Rolland parle des « Esquimaux qui pissent dans l’édicule de la station de métro », des « malades mentaux » et des « hordes de mal foutus ». Le plaignant dit qu’au contraire, la Ville fait des efforts pour cesser le stigmatisme dont ces gens sont victimes.
Le Conseil est d’avis que les mots utilisés par le mis en cause, que ce soit « Esquimaux » « malades mentaux » ou « hordes de mal foutus », s’ils sont certes pour le moins colorés, ne sont pas en soi méprisants, et peuvent se justifier compte tenu du style adopté par le journaliste. Le Conseil ne croit pas qu’ils entretiennent des préjugés. Le grief pour propos méprisants est rejeté.
Grief 3 : titre inadéquat
Le plaignant dénonce le titre de l’article, « What do you want in your coffee? », accusant l’auteur et le journal d’avoir voulu ridiculiser le maire, en soulignant le fait que son assistante s’est adressée à lui en anglais.
Le Conseil constate que le titre de l’article, sans refléter l’ensemble du texte qui suit, fait référence à une phrase qui a été prononcée par l’assistante de M. Applebaum. Le journaliste reprend cette phrase dans son article, car pour lui, elle donne une certaine « couleur » à l’administration du maire. Le Conseil rappelle que : « Le choix des manchettes et des titres, ainsi que des légendes qui accompagnent les photos, les images et les illustrations, relève de la prérogative de l’éditeur. Il en va de même de la politique du média à cet égard et du choix des moyens jugés les plus efficaces pour rendre l’information diffusée intéressante, vivante, dynamique et susceptible de retenir l’attention du public. » (DERP, p. 19)
Le Conseil rejette le grief pour titre inadéquat.
Grief 4 : photo inappropriée
L’arrondissement Ville-Marie déplore le fait que la page couverture du journal porte offense à l’image du maire Applebaum, sa photo jouxtant celle d’une actrice pornographique.
Le Conseil considère que le choix des photos et la composition de la une du journal relèvent de la prérogative du journal. Dans le présent cas, le Conseil ne croit pas qu’elle porte atteinte à l’image du maire Applebaum. Il est courant de retrouver à la une plusieurs éléments qui n’ont pas de rapport les uns avec les autres.
Le grief pour photo inappropriée est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Jacques Martineau, du cabinet du maire de l’arrondissement de Ville-Marie, contre le journaliste M. Daniel Rolland et le journal La Métropole, pour confusion des genres. Cependant, il rejette pour propos méprisants, titre inadéquat et photo inappropriée.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 3, article 8. 2)
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information
- C17C Injure
- C17G Atteinte à l’image
- C20A Identification/confusion des genres