Plaignant
M. Stéphane Maestro, éditeur et le mensuel La Métropole
Mis en cause
M. Michael Applebaum, maire et l’Arrondissement Ville-Marie
Résumé de la plainte
Le journal La Métropole dépose une plainte le 14 mars 2013 contre l’arrondissement Ville-Marie pour utilisation de la publicité comme moyen de pression, en lui retirant un contrat de publicité à la suite de la publication d’un article critique sur le maire Applebaum, et pour avoir porté atteinte au droit d’accès à l’information, en cessant de lui faire parvenir les communiqués de presse concernant la Ville.
Analyse
Grief 1 : utilisation de la publicité comme moyen de pression
Le journal La Métropole dénonce la décision de la direction de l’arrondissement Ville-Marie de ne pas renouveler le contrat de publicité de la Ville avec le journal, au montant de 18 591 $, à la suite de la publication d’un portrait du maire Applebaum, portrait jugé peu flatteur par ce dernier. Le journal dit avoir pourtant offert à M. Applebaum un droit de réplique, ce qu’il aurait cependant refusé. Le plaignant considère que le maire Applebaum veut ainsi museler le média. M. Maestro rappelle qu’il y avait eu entente verbale pour le renouvèlement du contrat, mais dans les heures qui ont suivi, la Ville aurait tout annulé après que le maire eût pris connaissance de l’article. Le journal ajoute que la Ville les a même menacés de les « barrer [pour] les cinq prochaines années ».
M. Jacques Martineau, conseiller principal du maire de Montréal et directeur de cabinet du maire de l’arrondissement Ville-Marie, se défend de vouloir museler le journal. D’ailleurs, souligne-t-il, la Ville continue toujours de permettre que le journal, La Métropole, soit distribué par l’entremise de présentoirs situés dans les bureaux Accès-Montréal. M. Martineau affirme que le choix de renouveler ou non un contrat avec une publication est un droit fondamental et qu’il a la liberté de faire affaire avec qui il veut.
Le Conseil note que dans une plainte déposée au Conseil le 28 janvier 2013 (D2013-01-076) par le bureau de l’arrondissement Ville-Marie, rédigée par M. Martineau, où celui-ci condamnait un article du journal La Métropole intitulé « What do you want in your coffee? », un portrait du maire Michael Applebaum jugé peu flatteur, M. Martineau écrivait que : « Compte tenu de tous les éléments énumérés (dans la plainte), il n’est pas question que le maire et les institutions qu’il représente, notamment la Ville de Montréal et l’arrondissement Ville-Marie ne s’associent de nouveau à cette publication. » Dans sa réplique à la présente plainte, M. Martineau réitère : « Nous avons choisi de ne plus être associés à cette publication que nous considérons de piètre qualité pour les raisons évoquées dans notre plainte du 28 janvier 2013. »
Dans son guide de déontologie, le Conseil mentionne : « Chacun est libre de faire de la réclame publicitaire dans les médias de son choix. Cependant, les institutions et les pouvoirs publics, dont la publicité est payée à même les deniers des contribuables, n’ont pas à récompenser ou à punir les médias en leur accordant ou non de la publicité pour des motifs d’ordre idéologique ou politique, ou encore parce que ces médias serviraient ou desserviraient leurs intérêts […]. L’utilisation de la publicité comme moyen de pression ou comme arme économique contre des médias, notamment par voie de boycottage, dans le but de restreindre ou d’orienter l’information qu’ils diffusent, constitue une violation du droit à l’information. » (DERP, p. 12)
Il est évident pour le Conseil que la décision de l’arrondissement Ville-Marie de ne pas renouveler son contrat de publicité avec La Métropole est intimement liée à l’article du 6 décembre 2012, ce qu’a d’ailleurs confirmé M. Alain Dufort, directeur général de l’arrondissement Ville-Marie, avec qui le Conseil s’est entretenu, et qui affirmait alors que la décision de rompre le renouvèlement du contrat était purement politique. Selon le Conseil, cette décision va tout à fait à l’encontre des règles de la déontologie journalistique, telles qu’énoncées plus haut. Le Conseil estime que le bureau du maire aurait mieux fait de se prévaloir de son droit de réplique, que le journal lui avait d’ailleurs offert, plutôt que de priver le journal d’une source de financement. Pour le Conseil, le geste de l’arrondissement Ville-Marie constitue une tentative de réduire le droit de la presse de critiquer les autorités en place.
Par ailleurs, le Conseil tient à souligner que le nouveau maire par intérim, M. Laurent Blanchard, a récemment demandé à ce que le journal La Métropole retrouve sa part des contrats de publicité de l’Arrondissement Ville-Marie.
Au vu de ce qui précède, le grief pour utilisation de la publicité comme moyen de pression est retenu.
Grief 2 : atteinte au droit d’accès à l’information
M. Maestro affirme que depuis la publication du portrait de M. Applebaum, le journal ne reçoit plus aucun communiqué de l’arrondissement Ville-Marie : « Nous ne savons plus où et quand se tiennent les points de presse du maire et l’actualité des services à la population ».
Dans son guide de déontologie, le Conseil mentionne : « L’État peut faciliter l’existence et le développement d’une presse libre et de qualité. Son rôle doit viser à favoriser le droit du public à une information complète et authentique; il doit éviter toute action susceptible de restreindre ou d’altérer les contenus de l’information. » (DERP, p. 13)
Le fait de tenir le journal à l’écart des communiqués et des conférences de presse de la Ville constitue, aux yeux du Conseil, une atteinte au droit d’accès à l’information. Une organisation publique se doit de fournir à tous les médias qui en font la demande, les mêmes informations.
Ainsi, le grief pour atteinte au droit d’accès à l’information est retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte du journal La Métropole et de son éditeur Stéphane Maestro contre l’arrondissement Ville-Marie et le maire Michael Applebaum pour utilisation de la publicité comme moyen de pression et atteinte au droit d’accès à l’information.
Analyse de la décision
- C06A Accès à l’information
- C21F Pressions/représailles contre un média