Depuis que deux journalistes français ont été retrouvés criblés de balles au Mali, le 2 novembre, plusieurs se sont demandé s’il fallait laisser partir les journalistes vers les zones de conflit. Lors de l’hommage qui a été rendu à Ghislaine Dupont et Claude Verlon, au cours des Assises internationales du journalisme et de l’information, la réponse était claire : oui!
Le 6 novembre, quelques heures après un hommage rendu à Paris, les participants des Assises ont honoré la mémoire des deux journalistes de RFI. Une minute de silence a suivi un montage sonore qui a permis de réentendre les voix de la journaliste et de son technicien de son.
« S’ils sont allés à Kidal, il y a une bonne raison. Il n’y a aucune raison pour qu’on laisse 25 000 personnes perdues dans le désert sans que l’on sache ce qui se passe », a soutenu le président de Reporters sans frontières (RSF), Alain Le Gouguec.
Il a également raconté qu’en 2003, au moment où il dirigeait le service international de RFI, il a dû se rendre en Côte d’Ivoire pour identifier le corps du journaliste Jean Hélène. « Je l’avais vu six jours plus tôt, à Paris. Il m’avait demandé de rester plus longtemps parce qu’il avait des choses à régler. Je lui ai dit que ce n’était pas possible parce qu’il se passait des choses là-bas et que nous n’avions personne », a-t-il raconté en précisant qu’il estimait toujours avoir pris la bonne décision d’un point de vue professionnel.
« Il ne faut jamais se demander s’il faut retourner, a fait valoir Édith Bouvier, qui a été blessée en Syrie, en 2012. Par respect pour ceux qui sont morts, pour tous ceux qui font ce métier, pour les Syriens, je repartirai. » Elle a d’ailleurs confié qu’elle devait partir avec Nicolas Hénin, l’un des quatre journalistes français actuellement retenus en Syrie, mais que des raisons de santé l’en avaient empêchée.
Présent aux Assises, le ministre de la Communication du Burkina Faso, Alain Edouard Traoré, a confié que les récents événements avaient laissé son gouvernement dans l’incompréhension. « Je souhaite que leur sacrifice ne soit pas vain. L’Afrique et le Mali ont besoin de vous pour dire ce qui se passe. Le plus bel hommage, c’est de continuer », a-t-il soutenu.
Un tous les quatre jours
Le président de RSF a rappelé que 88 journalistes ont perdu la vie en 2012, ce qui représente un tous les quatre jours. « Parmi ces 88 morts, on s’émeut parce qu’il y a des Occidentaux, mais dans la plupart des cas, il s’agit de journalistes locaux », a-t-il précisé.
Dans une lettre publiée dans Le Monde, RSF a exigé que ceux qui assassinent des journalistes soient traités comme des criminels de guerre.
Pierre Haski, du comité de soutien aux otages en Syrie, a rapporté les propos de Florence Aubenas, otage en Irak en 2005, qui lui a confié qu’à une époque porter le brassard l’identifiant comme journaliste la protégeait. Maintenant, il la transforme en cible.
Soutien aux otages en Syrie
M. Le Gouguec a également rappelé qu’en ce moment, 180 journalistes sont retenus quelque part. « Les journalistes constituent des denrées monnayables », a-t-il dénoncé.
Pierre Haski a rappelé que ce pays en guerre est présentement le plus dangereux pour les journalistes. Il a également insisté sur l’importance d’envoyer des journalistes dans les zones de conflits. « Nous sommes engagés dans le monde; comment prendre des décisions démocratiques si on n’est pas informés? Ils sont là pour les citoyens, pour que l’information circule. »
La Maison des journalistes, fondée il y a 11 ans à Paris, accueille d’ailleurs des journalistes étrangers en exil. En ce moment, des 12 chambres occupées, 5 le sont par des Syriens.
Durant toute la durée des Assises, une banderole avec les photos des journalistes Didier François, Édouard Elias, Nicolas Hénin et Pierre Torres, retenus en Syrie depuis le mois de juin, a orné le hall de L’Arsenal, où s’est déroulé l’évènement qui s’est conclu le 7 novembre.