Plaignant
La Base de plein air Air-Eau-Bois inc. et M. René-Guy Cantin, président
Mis en cause
M. Pierre-Jean Séguin, journaliste; M. Sébastien Côté, directeur de l’information, l’émission « TVA Nouvelles de 18 heures » et TVA-Gatineau/ RNC Media
La station Planète Radio 97,1 FM et M. Raynald Brière, président et chef de direction, RNC Media
M. Claude Poirier, animateur; M. Serge Fortin, vice-président information et l’émission « Le vrai négociateur » et le Groupe TVA
Résumé de la plainte
M. René-Guy Cantin, président de la Base de plein air Air-Eau-Bois, dépose une plainte le 7 octobre 2013 contre l’animateur Claude Poirier pour une entrevue réalisée à l’émission « Le vrai négociateur » du 5 juillet 2013, contre le journaliste Pierre-Jean Séguin, pour un reportage diffusé au « TVA Nouvelles de 18 heures » de Gatineau le 31 juillet 2013 ainsi qu’à l’encontre de la station Planète Radio 97,1 FM pour les bulletins d’information présentés le 1er août 2013. Le plaignant dénonce la diffusion injustifiée d’une information, une atteinte au droit à la présomption d’innocence, une atteinte au droit à un procès juste et équitable, un manque d’équilibre, des propos inexacts et une violation de propriété.
Le Groupe TVA et RNC Media n’ont fait parvenir aucune réplique en réponse à la plainte.
Analyse
Grief 1 : diffusion injustifiée d’une information, atteinte au droit à la présomption d’innocence et atteinte au droit à un procès juste et équitable
Le plaignant considère que les journalistes Claude Poirier et Pierre-Jean Séguin n’auraient pas dû réaliser d’entrevues avec le père d’une jeune fille qui aurait été victime d’agression sexuelle. Il fait valoir que l’affaire faisait l’objet d’une enquête policière et qu’il aurait été plus avisé d’en attendre la conclusion avant d’aborder publiquement le sujet. Il souligne que l’affaire impliquait des mineurs.
Dans son guide de déontologie, Droits et responsabilité de la presse (DERP), le Conseil fait valoir que les journalistes disposent d’une liberté rédactionnelle qui leur permet de choisir les sujets traités et le moment de diffusion.
Le Conseil considère que l’animateur Claude Poirier et le journaliste Pierre-Jean Séguin n’ont pas outrepassé le pouvoir discrétionnaire accordé aux médias dans le choix des sujets traités. Le Conseil juge que les questions soulevées par les deux journalistes, sur la surveillance des campeurs et le délai écoulé avant que le père soit averti, étaient pertinentes et d’intérêt public et qu’il n’était pas déontologiquement interdit de saisir le public de ces points avant la fin de l’enquête policière. Le Conseil estime qu’en agissant ainsi les mis en cause n’ont commis aucune faute en diffusant leur nouvelle, ni ne portaient atteinte à la présomption d’innocence ni à un procès juste et équitable.
Le grief concernant la diffusion injustifiée d’une information, atteinte au droit à la présomption d’innocence, atteinte au droit à un procès juste et équitable est rejeté.
Grief 2 : manque d’équilibre
Le plaignant reproche à l’animateur Claude Poirier de ne pas avoir vérifié la véracité des propos du père auprès de la Base de plein air. Dans le cas de M. Séguin, le plaignant soutient qu’il n’a pas vérifié « toutes les sources avant la sortie de la nouvelle ».
Dans son guide de déontologie, le Conseil mentionne : « Dans les cas où une nouvelle ou un reportage traite de situations ou de questions controversées, ou de conflits entre des parties, de quelque nature qu’ils soient, un traitement équilibré doit être accordé aux éléments et aux parties en opposition. » (DERP, p. 26)
Le Conseil rappelle que, dans une histoire controversée, une présentation équilibrée des versions des parties impliquées permet au public d’être mieux informé et, à la partie « accusée », d’éliminer ou d’atténuer les conséquences négatives des informations publiées en fournissant sa vision de l’histoire. Dans le cas de l’émission « Le vrai négociateur » animée par Claude Poirier, le Conseil constate que l’animateur ou le père n’ont jamais mentionné le nom du camp impliqué dans le reportage. Puisque la diffusion des informations accusatrices ne pouvait causer de préjudices au camp impliqué parce qu’il n’a pas été identifié, le Conseil considère que M. Poirier n’avait pas l’obligation de présenter dans la même émission la version des autorités de ce camp. Le grief de manque d’équilibre est rejeté sur ce point.
Dans le cas du reportage de M. Pierre-Jean Séguin, présenté au « TVA Nouvelles de 18h », le camp était nommé, des images des lieux ont été diffusées et la responsabilité du camp et des animateurs a été soulevée. Face à des événements aussi sensibles et dramatiques, le journaliste avait le devoir de présenter un reportage offrant le point de vue du père et celui de la base de plein air. Compte tenu de l’importance des allégations diffusées, le Conseil estime que les deux versions devaient être présentées au cours du même bulletin. Le grief de manque d’équilibre est retenu sur ce point.
Au vu de ce qui précède, le grief de manque d’équilibre est retenu contre M. Pierre-Jean Séguin, journaliste au « TVA Nouvelles de 18h ».
Grief 3 : inexactitudes
Le plaignant soutient qu’au cours du reportage diffusé au « TVA Nouvelles de 18h », le journaliste a omis de mentionner que le dossier faisait l’objet d’une enquête policière.
En regardant le reportage, le Conseil constate qu’autant le lecteur de nouvelles que le journaliste mentionnent qu’une enquête policière a été ouverte. Le grief d’inexactitudes est rejeté sur ce point.
Le plaignant relève une deuxième inexactitude. Au cours de la journée du 1er août 2013, la station Planète Radio 97,1 FM aurait rapporté en boucle que la direction de la base de plein air refusait de leur parler. Le plaignant précise que le directeur général était en congé au moment où le journaliste de TVA a tenté de le joindre le 31 juillet. Les employés lui ont indiqué qu’il rappellerait le lendemain. Il estime qu’il était inexact de dire que la base de plein air avait refusé une entrevue. Il note que même après avoir convenu d’accorder, le 2 août, une entrevue à un journaliste de TVA, la station de radio a continué de dire que la base de plein air avait refusé une entrevue.
Le Conseil n’a pas été en mesure d’écouter les extraits radiophoniques contestés. Devant le refus du mis en cause de présenter sa version des faits et la description précise des événements produite par le plaignant, le Conseil conclut qu’il y a eu une inexactitude de la part de Planète Radio 97,1 FM.
Le grief pour inexactitudes est retenu contre Planète Radio 97,1 FM.
Grief 4 : violation de propriété
Le plaignant déplore qu’un caméraman de TVA ait pris des images de la base de plein air malgré le refus du personnel sur place. L’enregistrement vidéo a été réalisé sur les terrains appartenant à l’organisme.
Le guide de déontologie indique que les journalistes doivent s’interdire d’utiliser des techniques « qui s’apparentent à la violation ou à l’invasion de la propriété […] ». (DERP, p. 35)
Le plaignant déplore qu’un caméraman de TVA ait pris des images de la base de plein air, alors qu’il était sur les terrains de l’organisme, le caméraman a commis une violation de propriété.
Le grief pour violation de propriété est retenu.
Refus de collaborer
Le Groupe TVA et RNC Media n’ont pas souhaité répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Groupe TVA et à RNC Media leur manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de la Base de plein air Air-Eau-Bois et de M. René-Guy Cantin contre le journaliste Pierre-Jean Séguin et TVA-Gatineau, pour les griefs concernant le manque d’équilibre et la prise d’images sans consentement. Le grief d’inexactitudes adressé au journaliste Pierre-Jean Séguin et TVA-Gatineau est rejeté.
Par ailleurs, le grief concernant la diffusion injustifiée d’une information, l’atteinte au droit à la présomption d’innocence et l’atteinte au droit à un procès juste et équitable visant l’animateur Claude Poirier, le journaliste Pierre-Jean Séguin et TVA-Gatineau est rejeté.
Finalement, le Conseil retient le grief d’inexactitudes contre Planète Radio 97,1 FM.
Pour leur manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme le Groupe TVA et RNC Media.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 3, article 8.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger, présidente du comité des plaintes
M. Adélard Guillemette
Représentant des journalistes :
M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
M. Éric Latour
M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C23I Violation de la propriété privée
- C24A Manque de collaboration