Plaignant
Mme Julie Gréco
Mis en cause
M. Carl Monette, animateur, M. Raynald Brière, président et chef de direction RNC Media, l’émission « Monette » et la station CHOI 98,1 FM
Résumé de la plainte
Mme Julie Gréco dépose une plainte le 16 novembre 2014 contre l’animateur M. Carl Monette et la station CHOI 98,1 FM, concernant un segment de l’émission « Monette » diffusée le 10 novembre à 11 h 55. La plaignante déplore la diffusion de propos haineux portant atteinte à la dignité.
La station CHOI 98,1 FM a refusé de répondre à la présente plainte.
Au début du segment, le responsable de la salle de rédaction de Radio Beauce résume les faits concernant l’arrestation et la comparution de Jean-François Roy, accusé du meurtre d’un chauffeur de taxi. Par la suite, l’animateur plaide en faveur de la peine de mort pour les individus reconnus coupables de meurtre. Il invite les auditeurs à partager leur opinion.
Analyse
Grief 1 : diffusion de propos haineux portant atteinte à la dignité
La plaignante relève huit extraits où l’animateur ou l’un de ses auditeurs tiennent des propos haineux comprenant des menaces de mort et portant atteinte à la dignité.
La plainte de Mme Gréco vise les propos suivants :
Carl Monette : « Qu’est-ce qu’on fait avec des Jean-François Roy de ce monde? »
C. M. : « Entre vous pis moi, ça [le meurtre du chauffeur de taxi] c’est un excellent cas, selon moi, de ramener la peine de mort pour l’espace de cinq minutes et après ça on s’en débarrasse pis on passe à d’autres choses. »
C. M. : « Moi lui [Jean-François Roy], une balle dans le front, j’ai aucun problème avec ça. »
C. M. : « Moi, Guy Turcotte, je m’en débarrasserais, ça prendrait pas de temps pantoute. »
C. M. : « Mais encore là, Turcotte, on veut-tu avoir ça en vie pis en liberté? Même s’il passe le reste de ses jours en dedans, on peut-tu s’en débarrasser de Guy Turcotte? »
Courriel d’auditeur : « “On dit que les tubes digestifs comme ce salaud [Guy Turcotte] devraient être éliminés comme les chiens et les chats qui ont mordu qui arrivent à la SPA.” »
Auditeur : « Pourquoi ce monde-là, on passe pas une loi? OK, le gars est en prison à vie, ben tant qu’à être en prison à vie, c’est la peine de mort pis ça finit là. »
C. M. :« C’est mon côté éthique qui parle parce que tant qu’à moi, je les passerais tous : les pédophiles, les meurtriers, les violeurs. Je les mettrais tous dans la même chambre pis j’ouvrirais le gaz, ce serait pas long. »
Le guide de déontologie du Conseil de presse du Québec, Droits et responsabilités de la presse (DERP), accorde aux journalistes d’opinion une « grande latitude dans l’expression de leurs points de vue, commentaires, opinions, prises de position, critiques, ainsi que dans le choix du ton et du style qu’ils adoptent pour ce faire. » (p. 17) Le DERP rappelle cependant que « Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. Ils doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine et le mépris, à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire. » (p. 41)
Dans le cas présent, la question est ici de déterminer si les propos de l’animateur, comme du reste ceux des auditeurs, qu’il laisse allègrement s’exprimer, peuvent être assimilés à des propos haineux ou encore des propos portant atteinte à la dignité des personnes visées.
Dans sa jurisprudence (cf. D2014-05-117), le Conseil avait défini les propos haineux comme des propos qui incitent i) à la violence et/ou ii) à l’exécration et au dénigrement d’une personne ou d’un groupe.
Aux yeux du Conseil, on peut difficilement interpréter les dires du chroniqueur ou de ses auditeurs comme des appels à poser des gestes de violence. En effet, à aucun moment le public n’est encouragé à infliger, à qui que ce soit, une peine de mort, qui serait d’ailleurs, dans ce cas, assimilable à un meurtre.
Il ne fait cependant aucun doute que par leur degré de violence, les suggestions entendues durant cette émission doivent être considérées comme une forme d’incitation à l’exécration et au dénigrement de certaines personnes, précisément ciblées. En suggérant de traiter certaines personnes, criminelles ou pas, comme on le fait avec des animaux atteints de la rage, comme le suggère un auditeur, ou en les gazant massivement, comme le suggère cette fois l’animateur, dans une référence à peine voilée à l’Holocauste, le Conseil est d’avis que les mis en cause ont clairement porté atteinte à la dignité des personnes en cause, notamment Guy Turcotte et Jean-François Roy.
Au vu de ce qui précède, le Conseil retient à la majorité (6/7), le grief de propos haineux portant atteinte à la dignité. Le membre dissident exprime son désaccord avec la position majoritaire.
Refus de collaborer
La station CHOI 98,1 FM n’a pas souhaité répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche à la station CHOI 98,1 FM son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte la concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient, à la majorité, la plainte de Mme Julie Gréco contre l’animateur M. Carl Monette et la station CHOI 98,1 FM pour le grief de propos haineux portant atteinte à la dignité.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme la station CHOI 98,1 FM.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Micheline Bélanger
Mme Micheline Rondeau-Parent
Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
M. Denis Guénette
M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
Mme Micheline Pepin
M. Luc Simard
Analyse de la décision
- C17C Injure
- C24A Manque de collaboration