Plaignant
M. Félix Gingras Genest
Mis en cause
Mme Nathalie Elgrably-Lévy, chroniqueuse, M. Dany Doucet, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
M. Félix Gingras Genest dépose une plainte le 26 juillet 2014 contre la chroniqueuse Mme Nathalie Elgrably-Lévy et Le Journal de Montréal, concernant la publication, le 23 juillet 2014, d’une chronique intitulée « 12 000 roquettes! ». Le plaignant reproche à la chroniqueuse une absence d’identification de ses sources, une confusion des genres journalistiques et l’expression de préjugés.
Le Journal de Montréal a refusé de réponse à la présente plainte.
Dans cette chronique, Mme Elgrably-Lévy présente une analyse du problème israélo-palestinien et des politiques d’Israël envers les Palestiniens.
Analyse
Grief 1 : absence d’identification des sources
Le plaignant reproche à la chroniqueuse de ne pas avoir identifié ses sources. Il souligne qu’à aucun endroit dans un texte, presque intégralement repiqué aux lignes de presse de l’armée israélienne, Mme Elgrably-Lévy n’a mentionné d’où elle tenait ses informations. De l’avis du plaignant, la mention de sa source aurait permis aux lecteurs d’être plus éclairés sur la valeur et la crédibilité de l’information publiée.
Le Conseil dans son guide, Droits et responsabilités de la presse (DERP) mentionne : « Les professionnels de l’information doivent identifier leurs sources d’information afin de permettre au public d’évaluer la crédibilité et l’importance des informations que celles-ci transmettent. Ils doivent également prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de la fiabilité de leurs sources et pour vérifier, auprès d’autres sources indépendantes, l’authenticité des informations qu’ils en obtiennent. » (p. 32)
À la lecture de la chronique et du fil Twitter de l’armée israélienne, le Conseil constate que Mme Elgrably-Lévy a reproduit, à quelques détails près, le contenu de messages du compte Twitter de l’armée israélienne. De l’avis du Conseil, la chroniqueuse a donc manqué de rigueur en ne mentionnant pas la source de son article. Comme sa source était unique et qu’elle était éminemment partiale, il était nécessaire de l’identifier, afin que le public puisse évaluer de façon critique la valeur de l’information qui lui était transmise.
Le grief d’absence d’identification des sources est retenu.
Grief 2 : confusion des genres journalistiques
De l’avis du plaignant, Mme Elgrably-Lévy n’a pas respecté son rôle de chroniqueuse en se permettant de présenter des faits et non seulement des opinions.
Dans son guide de déontologie, le Conseil définit ainsi les genres journalistiques : « Le journalisme d’information : En ce qui a trait à la nouvelle et au reportage, les médias et les professionnels de l’information doivent s’en tenir à rapporter les faits et à les situer dans leur contexte sans les commenter. Quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. » (p. 26) et « Le journalisme d’opinion : Les auteurs de chroniques, de billets et de critiques ne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude. […] S’ils peuvent dénoncer avec vigueur les idées et les actions qu’ils réprouvent, porter des jugements en toute liberté, rien ne les autorise cependant à cacher ou à altérer des faits pour justifier l’interprétation qu’ils en tirent. » (DERP, p. 28)
Au vu des définitions formulées dans le DERP, les journalistes d’opinion, non seulement ont le droit, mais ils ont le devoir de dévoiler les faits sur lesquels ils appuient leurs opinions.
Le grief de confusion des genres journalistiques est rejeté.
Grief 3 : expression de préjugés
Le plaignant soumet que la chroniqueuse entretient un préjugé et banalise une étiquette complexe en affirmant que « le Hamas est une organisation terroriste ». Selon lui, contrairement à ce qu’avance la chroniqueuse, « le Hamas est une organisation politique constituant à la fois un parti (au pouvoir) et un groupe armé. Le Hamas est islamiste – ça n’en fait pas des terroristes ».
Dans son guide, le Conseil mentionne : « Les médias et les professionnels de l’information doivent éviter de cultiver ou d’entretenir les préjugés. Ils doivent impérativement éviter d’utiliser, à l’endroit des personnes ou des groupes, des représentations ou des termes qui tendent à soulever la haine et le mépris, à encourager la violence ou encore à heurter la dignité d’une personne ou d’une catégorie de personnes en raison d’un motif discriminatoire. » (DERP, p. 41)
Le Conseil considère qu’à titre de journaliste d’opinion, Mme Elgrably-Lévy pouvait se permettre de prendre position dans ce débat en ne considérant que l’existence de la branche armée du Hamas et en qualifiant cette organisation de terroriste. Elle ne commettait pas de faute en omettant de parler de la branche politique et pacifique du Hamas.
Le grief d’expression de préjugés est rejeté.
Refus de collaborer
Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Journal de Montréal son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte le concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Félix Gingras Genest et blâme la chroniqueuse Nathalie Elgrably-Lévy et Le Journal de Montréal pour le grief d’absence d’identification des sources. Cependant, il rejette les griefs de confusion des genres journalistiques et d’expression de préjugés.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme Le Journal de Montréal.
Le Conseil de presse rappelle que : “Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision.” (Règlement No 2, article 9.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
- Mme Caroline Belley
- M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
- M. Sylvain Poisson
- M. Luc Simard
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C18C Préjugés/stéréotypes
- C20A Identification/confusion des genres
- C24A Manque de collaboration