Plaignant
M. Martin Smith
Mis en cause
M. David Leonardo, éditeur et l’hebdomadaire Le Journal de Saint-Lambert
Résumé de la plainte
M. Martin Smith dépose une plainte le 31 mars 2015 contre l’éditeur M. David Leonardo et l’hebdomadaire Le Journal de Saint-Lambert concernant l’article « Smith montre ses couleurs politiques sans aucun ménagement » et le texte d’opinion « Le système de santé aura le dessus sur le Dr Barrette gagner » (sic), tous deux publiés le 4 mars 2015. Dans des compléments à la plainte transmis les 10 et 24 avril 2015, le plaignant étend sa plainte aux textes d’opinion « Vous avez un problème avec la Ville? » et « Une chronique qui concerne surtout les sports », parus respectivement les 8 et 22 avril 2015. Le plaignant dénonce des informations inexactes, un manque d’équilibre, une partialité et une incitation à manifester son désaccord, ainsi qu’un refus de rétractation.
Le Conseil rappelle que l’atteinte à la réputation n’est pas considérée comme du ressort de la déontologie journalistique et relève plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décisions à ce titre, le grief pour atteinte à la réputation n’a pas été traité.
L’article factuel « Smith montre ses couleurs politiques sans aucun ménagement » rapporte un échange entre le plaignant et un citoyen, lors d’une séance du conseil municipal. Le mis en cause revient sur le sujet dans des textes d’opinion.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes
Au total, le plaignant déplore six informations inexactes : quatre dans l’article « Smith montre ses couleurs politiques sans aucun ménagement » (1.1 à 1.4) et deux autres dans le texte d’opinion intitulé « Vous avez un problème avec la Ville? » (1.5 et 1.6).
1.1 Manque de politesse
Le plaignant estime qu’il était inexact d’affirmer qu’il n’a pas fait preuve de politesse envers M. Valiant, le citoyen auquel il s’adressait lors de la période de questions. Le plaignant soutient avoir demandé de façon courtoise au citoyen : « Si je parle lentement, M. Valiant, est-ce que vous me comprenez bien? » Il fait également valoir que le mis en cause ne peut pas juger de son « supposé manque de politesse », puisqu’il n’était pas présent.
1.2 Obligation de s’exprimer en français
Le plaignant soutient qu’il n’a jamais tenu les propos que lui prête le journaliste dans la phrase suivante : « M. Smith […] a dit à celui-ci [M. Valiant] qu’il devait s’adresser au Conseil en français. » Il fait valoir qu’il s’adressait à une dame qui le « haranguait de façon virulente depuis la salle, en faisant fi du décorum » lorsqu’il a affirmé « Les gens parlent français et on est au Québec, alors moi je parle français ».
1.3 Leçon de morale
Contrairement à ce que présente le mis en cause dans l’article « Smith montre ses couleurs politiques sans aucun ménagement », le plaignant affirme qu’il n’a pas fait la morale à son interlocuteur.
1.4 Demande de s’adresser à lui en français
Le plaignant estime qu’il était inexact d’écrire « Même s’il demande qu’on s’adresse à lui en français, Martin Smith est bilingue. » Il affirme qu’il n’a jamais demandé à des citoyens de s’adresser à lui en français.
1.5 Refus d’être contacté
Dans l’article d’opinion « Vous avez un problème avec la Ville? », le mis en cause affirme que « Seul le conseiller municipal Martin Smith ne veut pas être contacté au numéro de téléphone cellulaire qu’il a donné à la Ville. » Une affirmation fausse aux yeux du plaignant. Le plaignant fait valoir que son numéro de téléphone cellulaire apparaît sur le site Internet de la municipalité et que de nombreux citoyens l’ont contacté de cette façon.
1.6 Politique de communication
Dans l’article d’opinion « Vous avez un problème avec la Ville? », le mis en cause soutient que le plaignant a une « politique de communiquer en français seulement ». Une affirmation mensongère, selon le plaignant, qui affirme qu’il n’a aucune politique du genre. Il rapporte qu’il a accordé des entrevues et répondu à des questions du public en anglais, lors de réunions du conseil municipal.
Dans sa réplique, la représentante du mis en cause, Mme Barbara Noetzel, affirme que l’enregistrement audio de la réunion du conseil municipal « reflète fidèlement » le compte-rendu de la réunion présenté dans l’article « Smith montre ses couleurs politiques sans aucun ménagement ». Elle fait notamment valoir que l’enregistrement permet de constater que le ton du plaignant était « cassant et agressif ».
Dans ses commentaires, le plaignant note que la représentante du mis en cause ne précise pas si le journaliste s’est uniquement basé sur l’enregistrement de la séance pour écrire son article factuel. Il fait également valoir que l’interprétation de la bande audio par le mis en cause est erronée puisqu’aucun micro ne capte les commentaires du public.
Le guide des Droits et responsabilités de la presse (DERP) stipule : « Quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. » (p. 26)
Après l’écoute de l’enregistrement audio de la période de questions de la séance du conseil municipal de Saint-Lambert, le Conseil juge que les affirmations relevées dans les points 1.1 à 1.6 sont inexactes. En ce qui concerne le refus d’être contacté par les citoyens sur son cellulaire, le Conseil estime que rien n’indique que le plaignant aurait fait une telle demande, tout comme il ne peut conclure que le plaignant aurait une politique de « communiquer en français seulement ».
Le Conseil retient le grief pour informations inexactes.
Grief 2 : manque d’équilibre
Le plaignant déplore que le mis en cause ne lui ait pas demandé sa version des faits avant de publier l’article « Smith montre ses couleurs politiques sans aucun ménagement », ce qui constituerait, selon lui, un manquement au devoir d’équilibre.
Le DERP rappelle : « Dans les cas où une nouvelle ou un reportage traite de situations ou de questions controversées, ou de conflits entre des parties, de quelque nature qu’ils soient, un traitement équilibré doit être accordé aux éléments et aux parties en opposition. » (p. 26)
Le Conseil juge que le mis en cause n’a pas respecté son devoir d’équilibre dans l’article « Smith montre ses couleurs politiques sans aucun ménagement » puisqu’il n’a pas présenté la version des faits du plaignant, alors que l’article abordait la délicate question de l’usage des langues lors d’un conseil municipal et ne présentait le plaignant que sous un angle défavorable.
Le Conseil retient le grief de manque d’équilibre.
Grief 3 : partialité et incitation à manifester son désaccord
Le plaignant estime que dans le texte d’opinion intitulé « Le système de santé aura le dessus sur le Dr Barrette gagner » (sic), le mis en cause a attisé le ressentiment de certaines personnes à son égard en incitant les lecteurs à l’appeler pour lui faire part de leur avis sur les faits rapportés dans l’article intitulé « Smith montre ses couleurs politiques sans aucun ménagement ».
La représentante du mis en cause fait valoir que « le droit de critiquer le comportement des élus est un droit fondamental dans une société démocratique ». Elle ajoute : « Quiconque se présente ou oeuvre comme conseiller municipal accepte implicitement d’être l’objet de critiques, que ces critiques proviennent des médias ou des contribuables qu’on représente. »
Le DERP rappelle la liberté accordée au journalisme d’opinion. « La chronique, le billet et la critique sont des genres journalistiques qui laissent à leurs auteurs une grande latitude dans le traitement d’un sujet d’information. Ils permettent aux journalistes qui le pratiquent d’adopter un ton polémiste pour prendre parti et exprimer leurs critiques, dans le style qui leur est propre, même par le biais de l’humour et de la satire. » (p. 18) Le guide rappelle également que « Les auteurs de chroniques, de billets et de critiques ne sauraient se soustraire aux exigences de rigueur et d’exactitude. Ils doivent éviter, tant par le ton que par le vocabulaire qu’ils emploient, de donner aux événements une signification qu’ils n’ont pas ou de laisser planer des malentendus qui risquent de discréditer les personnes ou les groupes. S’ils peuvent dénoncer avec vigueur les idées et les actions qu’ils réprouvent, porter des jugements en toute liberté, rien ne les autorise cependant à cacher ou à altérer des faits pour justifier l’interprétation qu’ils en tirent. » (p. 28)
Considérant qu’il s’agissait d’un article d’opinion, ce qui permet au journaliste de prendre position, et que le numéro de téléphone publié était disponible sur le site Internet de la ville, le Conseil juge que le mis en cause n’a pas contrevenu à la déontologie en invitant les lecteurs à contacter le conseiller municipal pour lui faire part de leur opinion.
Le Conseil rejette le grief de partialité et incitation à manifester son désaccord.
Grief 4 : refus de rétractation
À la suite des articles « Smith montre ses couleurs politiques sans aucun ménagement » et « Le système de santé aura le dessus sur le Dr Barrette gagner » (sic), le plaignant a demandé au mis en cause de se rétracter parce qu’il estime que ce dernier n’a pas « livrer au public une information rigoureuse, complète et conforme aux faits et aux événements ».
Le DERP rappelle aux médias : « […] les rétractations et les rectifications devraient être faites de façon à remédier pleinement et avec diligence au tort causé. Les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs, que les victimes l’exigent ou non, et ils doivent consacrer aux rétractations et rectifications qu’ils publient ou diffusent une forme, un espace, et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses. » (p. 46)
Ayant retenu les griefs d’informations inexactes et de manque d’équilibre, le Conseil juge que le mis en cause a manqué à son devoir déontologique en n’apportant pas les correctifs nécessaires comme le lui demandait le plaignant.
Le Conseil retient le grief pour refus de rétractation.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. Martin Smith et blâme l’éditeur David Leonardo ainsi que l’hebdomadaire Le Journal de Saint-Lambert pour les griefs d’informations inexactes, manque d’équilibre et refus de rétractation. Cependant, il rejette le grief pour partialité et incitation à manifester son désaccord.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Audrey Murray
- Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
- Mme Katerine Belley-Murray
- M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
- M. Gilber Paquette
- M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C13A Partialité
- C19A Absence/refus de rectification