Plaignant
Regroupement québécois des résidences pour aînés et M. Yves Desjardins
Mis en cause
Mme Héloïse Archambault, journaliste, M. Sébastien Ménard, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Québec
M. Dany Doucet, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Montréal
Les sites journaldemontreal.com et journaldequebec.com
Faits
M. Yves Desjardins, au nom du Regroupement québécois des résidences pour aînés, dépose une plainte le 27 mars 2015 contre la journaliste Héloïse Archambault, les sites Internet journaldemontreal.com et journaldequebec.com, ainsi que les quotidiens Le Journal de Québec et Le Journal de Montréal concernant l’article publié sur ces deux types de plateformes respectivement le 1er février et le 2 février 2015, sous le titre « Repas dangereux pour nos aînés ». Le plaignant déplore des informations incomplètes et du sensationnalisme.
Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec ont refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil rappelle que l’atteinte à la réputation n’est pas considérée comme du ressort de la déontologie journalistique et relève plutôt de la sphère judiciaire. Comme le Conseil de presse ne rend pas de décisions à ce titre, le grief pour atteinte à la réputation n’a pas été traité.
L’article fait état d’amendes imposées à des résidences pour aînés par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).
Analyse
Grief 1 : informations incomplètes
Le plaignant estime que l’article est incomplet, puisque trois informations essentielles auraient été omises.
1.1 Publication pendant deux ans
Le plaignant croit que pour mieux comprendre la portée du sujet traité dans l’article, il aurait été nécessaire d’indiquer que la liste des condamnations publiée sur le site Internet du MAPAQ y est disponible pendant deux ans, « même si les correctifs sont apportés par les gestionnaires des établissements. »
1.2 Le nombre d’établissements
Dans le même esprit, le plaignant estime que la journaliste aurait dû mentionner le nombre total de résidences pour aînés établies au Québec ou inspectées par le MAPAQ. Il estime que sans cette information, les lecteurs peuvent croire qu’une majorité de résidences sont « dangereuses » alors que la réalité est toute autre.
1.3 Température des aliments
Le plaignant juge également que la journaliste aurait dû utiliser le nombre exact d’infractions liées à la température interne des aliments, afin de présenter une information complète sans risquer de déformer la réalité. Il croit ainsi qu’il aurait été nécessaire de comparer le nombre d’amendes liées à cette infraction au nombre de résidences visitées par les inspecteurs plutôt que d’écrire : « À plusieurs endroits, les inspecteurs notent que la température interne des aliments est un facteur “potentiellement dangereux” pour l’intoxication. »
Le guide des Droits et responsabilités de la presse (DERP) stipule que « Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements. » (p. 21)
Aux yeux du Conseil, l’ajout des éléments suggérés par le plaignant n’était pas nécessaire pour la compréhension du dossier par les lecteurs. On doit reconnaître également que l’article est basé sur des faits qui ne seraient pas moins graves s’ils avaient été présentés sous forme de statistiques, comme l’aurait souhaité le plaignant.
Le grief pour informations incomplètes est donc rejeté par la majorité des membres du comité.
Deux membres (2/7) expriment cependant leur dissidence puisqu’ils estiment, au contraire, que l’absence d’une mise en contexte par le biais de statistiques empêchait les lecteurs d’apprécier la portée réelle du problème soulevé et risquait de les induire en erreur.
Grief 2 : sensationnalisme
Selon le plaignant, l’article est sensationnaliste sur deux points.
2.1 Titre et sous-titre
Le plaignant estime que le titre et le sous-titre, « Repas dangereux pour nos aînés – Aliments laissés sur le comptoir, excréments de rongeurs, moisissures [:] les constats des inspecteurs du MAPAQ dans les résidences font état de conditions pour le moins troublantes » sont sensationnalistes parce qu’ils brossent un portrait démesuré de la situation réelle. Il fait valoir qu’à l’exception d’un cas, « les repas servis dans les résidences pour aînés visitées ne sont pas “dangereux pour nos aînés”. »
2.2 Cas de rongeurs
Le plaignant estime que les deux cas liés à la présence de rongeurs ont été ajoutés « dans le but de pouvoir utiliser un titre sensationnel et ainsi invoquer la dangerosité. » Il observe que ces deux situations remontent à 2012 et 2013.
Le DERP rappelle que les médias « doivent traiter l’information recueillie sans déformer la réalité. Le recours au sensationnalisme et à “l’information spectacle” risque de donner lieu à une exagération et une interprétation abusive des faits et des événements et, d’induire le public en erreur quant à la valeur et à la portée réelles des informations qui lui sont transmises. » (p. 22) De plus, « […] les titres doivent respecter le sens, l’esprit et le contenu des textes auxquels ils renvoient. Les responsables doivent éviter le sensationnalisme et veiller à ce que les manchettes et les titres ne servent pas de véhicules aux préjugés et aux partis pris. » (p. 30)
Aux yeux du Conseil, les mis en cause n’ont pas fait preuve de sensationnalisme. Dans un premier temps, si l’on doit reconnaître que le titre est accrocheur, force est de constater qu’il représente fidèlement l’article auquel il se rattache : tous les éléments qui y sont énumérés sont décrits plus en profondeur dans l’article. Dans le cas des rongeurs, le Conseil estime qu’il n’y a aucune déformation de l’information dans le fait de mentionner que des excréments de rongeurs ont été découverts, même si ces découvertes se sont produites en 2012 et 2013, puisque les condamnations par le MAPAQ ont été prononcées dans les 24 mois précédents la rédaction de l’article et qu’elles étaient toujours affichées sur le site web de l’organisme.
Le Conseil rejette à la majorité (1/7) le grief de sensationnalisme.
Refus de collaborer
Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec ont refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil reproche au Journal de Montréal et Le Journal de Québec son manque de collaboration pour avoir refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte du Regroupement québécois des résidences pour aînés contre la journaliste Héloïse Archambault, les quotidiens Le Journal de Québec et Le Journal de Montréal et les sites Internet journaldemontreal.com et journaldequebec.com pour les griefs d’informations incomplètes et sensationnalisme.
Pour son manque de collaboration, en refusant de répondre à la présente plainte, le Conseil de presse blâme Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- Mme Audrey Murray
- Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentants des journalistes :
- Mme Katerine Belley-Murray
- M. Denis Guénette
Représentants des entreprises de presse :
- M. Gilber Paquette
- M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C12B Information incomplète
- C14A Sensationnalisme/exagération/insistance indue
- C24A Manque de collaboration