Plaignant
M. David Lefrançois
Mis en cause
MM. Jeannot Ruel, journaliste et Louis Turbide, rédacteur en chef et le magazine Sentier CHASSE-PÊCHE
Résumé de la plainte
M. Jeannot Ruel signe un reportage relatant son expérience de pêche dans la réserve Mastigouche et fait état de mesures mises en place par la direction de la réserve afin d’assurer la qualité de la pêche. M. David Lefrançois estime que le journaliste s’est placé en situation de conflit d’intérêts en acceptant un séjour gratuit dans la réserve, offert par la SÉPAQ, et en ne mentionnant pas ce fait explicitement dans son reportage. Il reproche par ailleurs au journaliste d’avoir fait de la publicité déguisée pour la SÉPAQ, d’avoir rapporté des informations inexactes et incomplètes, d’avoir omis de vérifier la validité de l’information et d’avoir manqué de distance critique envers une source. Enfin, le plaignant relève un refus, de la part des mis en cause, de publier un correctif.
Analyse
Grief 1 : acceptation de voyage gratuit, omission de mentionner un voyage gratuit et conflit d’intérêts
M. Lefrançois fait valoir « qu’un média devrait payer ses frais pour réaliser un reportage sur une destination ». Il estime que le fait d’accepter des séjours gratuits offerts par la SÉPAQ et d’omettre de le mentionner dans son reportage a placé M. Ruel dans une situation de conflit d’intérêts.
M. Lefrançois fait référence aux séjours de pêche et de chasse au petit gibier dans la réserve de Mastigouche, réalisés en juin et octobre 2014 et offerts au journaliste par la SÉPAQ. Ces séjours ont permis à M. Ruel de réaliser son reportage.
M. Ruel note qu’il a mentionné, dans son reportage : « Quand on m’a offert d’aller expérimenter la pêche dans le secteur Marcotte […] je n’ai pas hésité à sauter sur l’occasion. » Selon M. Ruel, cela voulait dire que les autorités de la réserve avaient fait cette offre.
M. Turbide, rédacteur en chef du magazine, précise que « les frais de déplacement et tous les autres frais sont défrayés par Sentier CHASSE-PÊCHE » et que ces frais sont souvent supérieurs à la gratuité offerte.
M. Ruel ajoute qu’il est normal qu’un journaliste ne paye pas pour les séjours s’inscrivant dans la réalisation d’un reportage. Il souligne que d’autres magazines spécialisés québécois, ainsi que des chroniqueurs de journaux ou d’émissions de télévision bénéficient également de ce type de gratuités.
Dans son guide de déontologie Droits et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil stipule : « Les entreprises de presse et les journalistes doivent éviter les conflits d’intérêts. Ils doivent, au surplus, éviter toute situation qui risque de les faire paraître en conflit d’intérêts, ou donner l’impression qu’ils ont partie liée avec des intérêts particuliers ou quelque pouvoir politique, financier ou autre. […] Le Conseil de presse préconise que les médias se dotent d’une politique claire et de mécanismes de prévention et de contrôle adéquats en cette matière. […] Toute situation qui risque de ternir l’image d’indépendance et de neutralité des professionnels de l’information devrait y être traitée, notamment, les voyages gratuits. » (pp. 24-25)
En 1993, le Conseil publiait un avis, au sujet de « l’acceptation de voyages gratuits ou d’autres services semblables par des médias ou par des journalistes ». Il y était mentionné que « les entreprises de presse doivent s’interdire et interdire à leurs journalistes d’accepter de tels voyages », et qu’il appartient aux médias « de voir, en toutes ces situations comment doivent être respectés les principes et les règles que sont l’intérêt public, la liberté dans l’enquête et dans la recherche de l’information, l’indépendance de l’information, l’absence de conflits d’intérêts et d’apparence de tels conflits ».
L’avis notait cependant : « Si, en dernier recours et dans des circonstances exceptionnelles, un média estime devoir accepter un « voyage gratuit », ce média devra informer explicitement le public que le voyage et le reportage, ainsi rendus possibles, ont été effectués en tout ou en partie aux frais de l’entreprise ou de l’organisme concerné. Le Conseil de presse estime que cette information est elle-même d’intérêt public, et que le public y a droit. Se contenter de mentionner que le journaliste a été “invité” par cette entreprise ou cet organisme ne suffirait pas alors, cette seule mention pouvant prêter à ambiguïté. »
Dans le passé, le Conseil a rendu des décisions dans l’esprit de cet avis. Par exemple, dans les décisions Bernier c Le Soleil, 2013 (D2012-11-050B), et Pelletier c Cyberpresse, 2009 (D2008-09-014), le Conseil a reconnu une certaine ouverture à l’égard de l’acceptation de voyages gratuits dans le milieu journalistique. Il a cependant retenu dans les deux cas un grief d’omission de mentionner un voyage gratuit à l’encontre des journalistes, parce qu’ils n’avaient pas, dans leur reportage, mentionné la gratuité ou ne l’avaient pas fait suffisamment clairement.
Dans le cas présent, le Conseil juge également que M. Ruel n’a pas commis de faute déontologique en acceptant de séjourner gratuitement dans la réserve, à deux occasions, aux fins de son reportage.
Le journaliste et le magazine devaient cependant, dans le respect des principes relatifs aux conflits d’intérêts et à l’apparence de conflit d’intérêts, divulguer explicitement aux lecteurs qu’ils avaient bénéficié d’une gratuité de la SÉPAQ pour la réalisation du reportage.
Aux yeux du Conseil, la mention par M. Ruel, qu’« on » lui a « offert d’aller expérimenter la pêche » dans la réserve n’est pas suffisamment explicite. Quant au séjour gratuit de chasse au petit gibier, M. Ruel n’en fait pas mention. Dans les deux cas, l’omission de divulguer clairement que le magazine a bénéficié d’un service offert gratuitement par la SÉPAQ manque de transparence et est de nature à tromper le public.
En conséquence, le volet du grief lié à l’omission de mentionner un voyage gratuit et au conflit d’intérêts est retenu. Cependant, le volet du grief relatif à l’acceptation d’un voyage gratuit est rejeté.
Grief 2 : publicité déguisée
Selon M. Lefrançois, M. Ruel a réalisé un reportage complaisant à l’endroit de la SÉPAQ et de la réserve Mastigouche. « M. Ruel ne mentionne aucun point négatif qui pourrait faire perdre des clients potentiels à la réserve faunique Mastigouche » et a « mis de l’avant des arguments de vente plutôt que les faits bruts ». Il conclut que le texte de M. Ruel est assimilable à un publireportage.
M. Louis Turbide, rédacteur en chef, précise que lorsque le magazine accepte une gratuité de la part d’une pourvoirie ou d’une réserve faunique, ces derniers n’ont « aucun droit de regard sur le contenu rédactionnel du reportage ».
M. Turbide décrit ainsi la politique éditoriale de sa publication : « Si le journaliste juge que son expérience a suffisamment été intéressante pour représenter une destination qui pourrait convenir aux lecteurs du magazine, nous allons de l’avant. Si l’endroit, le service ou autre de ce pourvoyeur ou de cette réserve faunique laisse à désirer, le reportage n’est pas publié. »
Le plaignant juge qu’une telle politique éditoriale implique que tous les reportages publiés seront complaisants envers les destinations traitées. Selon lui, de façon générale, le magazine Sentier CHASSE-PÊCHE « est là pour vendre des destinations en publiant des textes qui font uniquement l’éloge des entreprises qui leur offrent des gratuités ». Ce faisant, le lecteur est privé d’être informé sur les aspects négatifs de certaines destinations, selon M. Lefrançois.
Dans son guide de déontologie, le Conseil stipule : « Les médias doivent établir une distinction nette entre l’information et la publicité sur tous les plans : contenu, présentation, illustration. Tout manquement à cet égard est porteur de confusion auprès du public quant à la nature de l’information qu’il croit recevoir. […] Les médias et les journalistes doivent éviter de faire de la publicité déguisée ou indirecte dans leur traitement de l’information ou de se faire les publicistes ou les promoteurs de quelque cause, produit, activité, événement culturel ou sportif que ce soit. » (DERP, p. 31)
Le Conseil observe que bien que le ton du reportage soit complaisant, on ne peut en conclure qu’il franchit la frontière de la publicité déguisée.
Le grief de publicité déguisée est donc rejeté.
COMMENTAIRE ÉTHIQUE
Le Conseil tient à souligner que la politique éditoriale du magazine, qui n’autorise la publication d’un reportage que lorsque la destination est jugée intéressante pour le lecteur, et qui exclut la publication d’un reportage lorsque la destination laisse à désirer, dessert le public en le privant d’informations utiles. En effet, le Conseil estime que cette décision équivaut à s’imposer une politique d’autocensure systémique, qui contrevient à l’obligation qu’ont les médias et les journalistes de placer au premier rang l’intérêt du public, plutôt que leurs intérêts privés (séjours gratuits) et ceux de leurs partenaires. En ce sens, elle est incompatible avec l’obligation des médias de prioriser l’intérêt du public et l’indépendance journalistique.
Grief 3 : inexactitudes
M. Lefrançois souligne plusieurs inexactitudes liées au passage suivant du reportage : « En plus d’avoir fait profiter le territoire d’aménagements pour favoriser la fraie naturelle, dans certains secteurs on effectue périodiquement des ensemencements de soutien avec des poissons de souche indigène de différentes tailles. Il ne s’agit cependant pas d’un simple système de dépôt-retrait, car ces ensemencements sont surtout effectués quand les plans d’eau sont fermés, de sorte que les poissons ont largement le temps de s’acclimater à leur environnement naturel avant d’avoir à faire face à la quête des pêcheurs. En ce sens, on peut dire qu’on affronte des individus vraiment sauvages. »
3.1 Nombre d’aménagements réalisés pour favoriser la fraie naturelle
Le plaignant fait valoir que contrairement à ce qu’affirme M. Ruel, la réserve Mastigouche n’a pas profité, dans un passé récent, de plusieurs aménagements pour favoriser la fraie naturelle. Selon une information obtenue par M. Lefrançois auprès de la SÉPAQ, un seul aménagement de ce type avait été réalisé au moment de la publication du reportage, dans la réserve Mastigouche, soit en 2014, au lac Ouabiti.
De façon générale, et pour tous les sous-griefs d’inexactitude formulés par M. Lefrançois, M. Ruel fait valoir que son reportage n’est « aucunement une forme d’enquête au sujet des habitudes d’ensemencement des gestionnaires, de la provenance de souche totalement ou partiellement indigène des poissons ou de la définition exacte sous-entendue lorsqu’il est fait mention d’ensemencement de soutien, ou encore si des ensemencements de type dépôt-retrait y sont ou non effectués et dans quels cas. S’il fallait chercher à enquêter à fond tous ces détails sur toutes les destinations faisant l’objet de reportages, réserves fauniques, pourvoiries ou autres, on n’en sortirait pas. »
Dans son guide de déontologie, le Conseil souligne que : « Quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. » (DERP, p. 26)
Le Conseil a validé l’information obtenue par le plaignant auprès de la SÉPAQ, selon laquelle un seul aménagement favorisant la fraie naturelle des poissons avait été réalisé, au moment de la publication du reportage. Le journaliste a donc fait preuve d’inexactitude, en parlant de plusieurs aménagements.
Le grief d’inexactitude est donc retenu sur ce point.
3.2 Étendue de l’ensemencement
M. Lefrançois soutient que M. Ruel induit le lecteur en erreur, lorsqu’il écrit que des ensemencements sont effectués dans « certains » secteurs, suggérant ainsi que seulement quelques secteurs de la réserve sont ensemencés. Or, plaide M. Lefrançois : « C’est tout à fait le contraire. La majorité des secteurs de cette réserve contient des lacs qui ont été ensemencés dans le passé. »
Vérification faite auprès du ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs (MFFP), le Conseil a appris que l’ensemencement est proscrit dans 69 % des lacs du territoire de la réserve et qu’il est concentré dans les secteurs sud et ouest. L’affirmation selon laquelle des ensemencements ont lieu dans « certains secteurs » est donc exacte.
Le grief d’inexactitude est donc rejeté sur ce point.
3.3 Poissons de souche indigène
M. Lefrançois signale qu’il est erroné d’affirmer, comme le fait M. Ruel, que les lacs de la réserve sont ensemencés avec des poissons de souche indigène. Le plaignant s’appuie sur des données obtenues auprès du MFFP relativement à l’ensemencement des lacs de la réserve Mastigouche depuis 1971. Ces données montrent que le recours à des poissons de lignée indigène s’est raréfié au fil des ans. Depuis 2009, les lacs ont été ensemencés exclusivement avec des poissons de lignée non indigène.
M. Ruel fait valoir que, lors de ses visites dans la réserve il n’a jamais entendu ses compagnons de pêche ou d’autres pêcheurs rencontrés sur le site « s’inquiéter du fait que les poissons capturés pouvaient provenir d’une souche totalement indigène ou autre ».
Le Conseil a demandé l’avis d’un biologiste et chercheur universitaire, du MFFP et de la SÉPAQ sur la question. Tous s’entendent pour dire que les poissons utilisés pour l’ensemencement des lacs de la réserve sont des poissons hybrides, puisqu’ils sont le résultat d’un croisement entre des poissons de souche indigène et des poissons de souche domestique. Ils ont donc un patrimoine génétique mixte et sont élevés en pisciculture avant d’être déversés dans un lac.
Le chercheur interrogé et le MFFP sont d’avis que parler de « poissons de souche indigène » pour désigner les spécimens utilisés pour l’ensemencement des lacs de la réserve est inexact. La SÉPAQ est cependant d’avis que le journaliste pouvait utiliser cette expression, notamment parce que ces poissons possèdent en partie un patrimoine génétique indigène.
Le Conseil estime que les arguments du chercheur universitaire et du MFFP sont plus convaincants sur ce point et juge conséquemment que le journaliste a commis une inexactitude en utilisant l’expression « poissons de souche indigène ».
Le grief d’inexactitude est donc retenu sur ce point.
3.4 Dépôt-retrait
Selon M. Lefrançois, le journaliste induit le public en erreur et ne dépeint pas la réalité correctement en présentant la pratique, en matière d’ensemencement de lacs dans la réserve, comme de l’ensemencement de soutien et en ajoutant qu’« il ne s’agit cependant pas d’un simple système de dépôt-retrait ». Le plaignant juge que cette description fournie par le journaliste n’est pas fidèle à l’information présentée dans le Plan d’ensemencement de la réserve faunique Mastigouche 2014-2024, qui souligne l’importance des ensemencements de type dépôt-retrait et dépôt-croissance-retrait.
Selon les recherches effectuées par le Conseil, le dépôt-retrait (effectué au printemps ou à l’été) et le dépôt-croissance-retrait (effectué à l’automne) sont deux types d’ensemencement qui visent uniquement à soutenir la pêche sportive à court et à moyen terme. L’ensemencement de soutien vise à augmenter ou maintenir la population de poissons, ce qui n’est pas un enjeu pour les deux autres types d’ensemencement.
Selon le MFFP et la SÉPAQ, des considérations techniques permettent d’utiliser, dans certaines circonstances, l’expression « ensemencement de soutien » comme synonyme d’ensemencement de type dépôt-croissance-retrait. « Nous estimons néanmoins qu’il s’agit de nuances très techniques qu’il est difficile d’exposer dans le cadre d’un article de pêche sportive », explique-t-on à la SÉPAQ.
Au-delà de ces considérations techniques, le MFFP et la SÉPAQ affirment que les types d’ensemencement les plus pratiqués dans la réserve sont le dépôt-retrait et le dépôt-croissance-retrait, afin de répondre à la demande de la pêche sportive à court et moyen terme. Le MFFP souligne que le dépôt-retrait connaît une hausse importante depuis 2008, passant de 38 % des lacs ensemencés à 68 %.
À la lumière de ces explications, le Conseil considère que pour dépeindre fidèlement et simplement la réalité de la réserve Mastigouche, sans tomber dans des considérations techniques ─ dans un reportage que le journaliste dit lui-même ne pas être une enquête sur les pratiques d’ensemencement ─ il fallait notamment refléter que le recours à l’ensemencement de type dépôt-retrait est important et en croissance dans la réserve.
De l’avis du Conseil, le journaliste a livré un portrait peu fidèle aux pratiques réelles ayant cours dans la réserve, en parlant d’ensemencement de soutien et en minimisant l’importance de l’ensemencement de type dépôt-retrait.
Le grief d’inexactitude est donc retenu sur ce point.
3.5 Poissons acclimatés à leur milieu et sauvages
M. Lefrançois note qu’il est faux d’affirmer, comme le fait M. Ruel dans son reportage, que les poissons ont « largement le temps de s’acclimater à leur environnement naturel » avant d’être pêchés et qu’ils sont à l’état sauvage. Le plaignant soutient qu’« au contraire, on pêche de plus en plus souvent au fil des années, des poissons qui ont été ensemencés tout récemment dans la réserve faunique Mastigouche ».
Pour étayer ses dires, M. Lefrançois évoque l’évolution des statistiques d’ensemencement de la réserve depuis 1999. Selon ces données, dit-il, le recours à l’ensemencement était d’abord limité à l’automne, puis a été étendu à l’été, puis au printemps, depuis 2009. Les ensemencements printaniers ont lieu peu de temps, voire quelques jours seulement, avant l’arrivée des pêcheurs, note-t-il.
M. Ruel affirme qu’à chacun de ses séjours à Mastigouche, il a constaté que les poissons que ses compagnons ou lui ont pêchés étaient sauvages. « Croyez-moi, après 40 ans de métier je sais reconnaître les caractéristiques d’un omble de fontaine de pisciculture fraîchement ensemencé. » M. Ruel soutient que si l’expérience du plaignant est à l’effet qu’on pêche souvent, à Mastigouche, des poissons fraîchement ensemencés, son expérience personnelle est tout autre.
Après avoir examiné les statistiques d’ensemencement et les dates d’ouverture des lacs, le Conseil constate que beaucoup de plans d’eau qui sont ensemencés le sont au printemps, souvent quelques jours avant l’ouverture de la saison et parfois le jour même. De plus, plusieurs lacs sont ensemencés plusieurs fois au cours de la saison de pêche.
Le MFFP confirme qu’avec l’accroissement du nombre d’ensemencements de type dépôt-retrait (ensemencements printaniers), les pêcheurs peuvent capturer davantage de poissons fraîchement déversés dans le lac.
De son côté, la SÉPAQ tient à préciser que « M. Ruel ne fait jamais mention que les individus vraiment sauvages sont associés aux ensemencements de dépôt-retrait. Il fait plutôt référence aux ensemencements de soutien ou dépôt-croissance-retrait où les souches croisées ou semi-sauvages sont utilisées. »
Le Conseil souligne que le devoir de M. Ruel était de refléter fidèlement la réalité de la réserve Mastigouche. Or, au-delà des considérations techniques évoquées par la SÉPAQ, au sujet du type d’ensemencement mentionné par le journaliste, la réalité, en ce qui concerne les lacs ensemencés de la réserve, est que les pêcheurs ont de plus en plus de chances de pêcher des poissons fraîchement déposés dans le plan d’eau.
Le Conseil note que le passage visé par le plaignant ─ « les poissons ont largement le temps de s’acclimater à leur environnement naturel avant d’avoir à faire face à la quête des pêcheurs. En ce sens, on peut dire qu’on affronte des individus vraiment sauvages » ─ s’applique à l’ensemble de la réserve Mastigouche. Ainsi, bien qu’il soit possible que le journaliste ait pêché des truites sauvages lors de son séjour dans le secteur Marcotte, il ne pouvait prétendre, à la lumière des informations recueillies par le Conseil, que son expérience reflétait la réalité de l’ensemble de la réserve.
Le grief d’inexactitude est donc retenu sur ce point.
3.6 Titre et sous-titre inexacts
Le titre et sous-titre du reportage se lisent comme suit : « Mastigouche, revu et amélioré/ Une réserve faunique peu éloignée des grands centres dont la qualité de pêche ne se dément pas et qui a récemment profité d’un vent de renouveau ».
Le plaignant est d’avis que « rien de nouveau dans les faits avancés par M. Ruel sur le plan de gestion, comme l’échelonnage des ouvertures des lacs à la pêche, les lacs de remplacement et la réduction de la limite quotidienne de prises à sept poissons ».
À la lecture du reportage, le Conseil déduit que les améliorations et le renouveau annoncé dans le titre et le sous-titre sont abordés à la deuxième page, sous l’intertitre : « Des nouveautés ». Dans cette section, le journaliste présente la transformation de deux secteurs de la réserve en sites d’hébergement et l’amélioration des chemins forestiers de la réserve comme des nouveautés. De l’avis du Conseil, ces éléments permettent d’affirmer que le territoire a été « revu et amélioré » et que la réserve a « profité d’un vent de renouveau ».
Le grief d’inexactitudes est donc rejeté sur ce point.
Au vu de tout ce qui précède, le grief d’inexactitudes est retenu sur les points concernant le nombre d’aménagements réalisés pour favoriser la fraie naturelle, les poissons de souche indigène, le dépôt-retrait et les poissons acclimatés à leur milieu et sauvages.
Grief 4 : omission de vérifier l’information et manque de distance critique envers une source
M. Lefrançois écrit, au sujet des inexactitudes qu’il a relevées : « J’ignore si M. Ruel a été induit en erreur par le relationniste de la SÉPAQ, mais il avait la responsabilité de vérifier les faits. » Selon le plaignant, « le magazine [Sentier CHASSE-PÊCHE] n’a fait aucun effort pour vérifier les faits », alors qu’il était facile de le faire, selon lui, à l’aide de simples recherches avec Google ou en consultant le site Web de la SÉPAQ.
M. Lefrançois impute l’omission du journaliste de vérifier l’information à un manque de distance critique envers la SÉPAQ : « Il suffisait d’être à la recherche des faits plutôt qu’à la recherche de plaire à la SÉPAQ », écrit-il.
M. Ruel mentionne avoir obtenu ses informations, au sujet de la gestion de la pêche, par le biais d’« entretiens avec les gestionnaires » de la SÉPAQ. Il ne mentionne aucune autre source.
Dans son guide de déontologie, le Conseil souligne qu’il est important que les journalistes « fassent preuve d’esprit critique, tant à l’égard de leurs sources que des informations qu’ils en obtiennent. […] Ils doivent également prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de la fiabilité de leurs sources et pour vérifier, auprès d’autres sources indépendantes, l’authenticité des informations qu’ils en obtiennent. » (DERP, p. 32)
De plus, le guide stipule : « La presse ne peut se permettre de taire ou de donner une image déformée des faits sous prétexte qu’ils sont l’objet de quelque tabou ou qu’ils sont susceptibles de compromettre certains intérêts particuliers. De même, elle ne devrait pas se limiter à la seule publication ou diffusion de l’information de source officielle, mais, au contraire, chercher à aller au-delà de celle-ci pour refléter la réalité de façon complète et exacte. » (DERP, p. 23)
Pour satisfaire aux principes de la déontologie journalistique, M. Ruel aurait dû vérifier ses informations auprès d’une source indépendante, ce qui n’était pas le cas de la SÉPAQ, directement concernée par son reportage. Cette démarche de vérification, qui requérait un certain sens critique par rapport à la SÉPAQ et aux informations qui en émanaient, n’a pas été entreprise par le journaliste.
En conséquence, le grief d’omission de vérifier l’information et de manque d’esprit critique envers une source est retenu.
Grief 5 : information incomplète
M. Lefrançois relève plusieurs incomplétudes dans le reportage de M. Ruel, nommément : la mention de l’importance de l’ensemencement de type dépôt-retrait dans la réserve; l’existence d’autres types d’ensemencement; l’ensemencement passé dans le secteur Marcotte; des détails concernant l’attribution des plans d’eau par tirage dans le secteur Marcotte; la profitabilité de la pêche en hébergement.
M. Ruel explique que l’objectif de son reportage était de « rendre compte des possibilités et du potentiel de pêche d’un territoire, ainsi que des modalités de séjour et des autres éléments d’information technique pertinente au bénéfice des lecteurs » et que son reportage couvrait déjà une somme importante d’informations techniques et pratiques.
Dans son guide de déontologie, le Conseil précise que : « Les organes de presse et les journalistes ont le devoir de livrer au public une information complète, rigoureuse et conforme aux faits et aux événements. » (DERP, p. 21)
Il est toutefois également mentionné que « la façon de présenter et d’illustrer l’information relève du jugement rédactionnel et demeure des prérogatives des médias et des professionnels de l’information ». (DERP, p. 13)
Le Conseil estime que les informations jugées manquantes par le plaignant n’étaient pas essentielles pour la compréhension du lecteur. Le journaliste avait la prérogative de choisir l’angle de son reportage et, aux yeux du Conseil, M. Ruel a livré une information complète, étant donné le cadre qu’il s’était donné.
Le grief d’information incomplète est donc rejeté.
Grief 5 : refus de publier un correctif
M. Lefrançois déplore que les mis en cause n’aient pas corrigé leurs erreurs, malgré sa demande adressée par courriel au rédacteur en chef, M. Louis Turbide, le 22 mars 2015.
M. Louis Turbide a répondu à M. Lefrançois en ces termes : « Je n’ai trouvé aucun élément [dans le reportage de M. Ruel] qui justifierait une quelconque rectification de notre part. »
Dans son guide de déontologie, le Conseil mentionne : « Il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs […] dans leurs productions journalistiques que celles-ci relèvent de l’information ou de l’opinion. […] Les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs, que les victimes l’exigent ou non, et ils doivent consacrer aux rétractations et aux rectifications qu’ils publient ou diffusent une forme, un espace, et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses. » (DERP, p. 46)
Étant donné les inexactitudes constatées, le Conseil juge que le magazine Sentier CHASSE-PÊCHE devait publier un correctif, ce qu’il n’a pas fait.
Le grief pour refus de publier un correctif est donc retenu.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de M. David Lefrançois et blâme le journaliste Jeannot Ruel et le magazine Sentier CHASSE-PÊCHE, pour les griefs d’omission de mentionner un voyage gratuit et conflit d’intérêts, d’inexactitudes, d’omission de vérifier l’information et manque de distance critique envers une source et de refus de publier un correctif. Le Conseil rejette cependant les griefs d’acceptation d’un voyage gratuit, de publicité déguisée et d’information incomplète.
En outre, le Conseil émet un commentaire éthique voulant que la politique éditoriale du magazine, qui n’autorise la publication d’un reportage que lorsque la destination est jugée intéressante pour le lecteur, et qui exclut la publication d’un reportage lorsque la destination laisse à désirer, est incompatible avec l’obligation des médias de prioriser l’intérêt du public et l’indépendance journalistique.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.2)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- Mme Micheline Rondeau-Parent
- Mme Jackie Tremblay
Représentants des journalistes :
- M. Marc-André Sabourin
- M. Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
- M. Raymond Tardif
Analyse de la décision
- C03B Sources d’information
- C11B Information inexacte
- C12B Information incomplète
- C19A Absence/refus de rectification
- C21A Publicité déguisée en information
- C22A Voyage gratuit
Date de l’appel
13 June 2016
Appelant
M. Jeannot Ruel, journaliste; M. Louis Turbide, rédacteur en chef et le magazine Sentier CHASSE-PÊCHE
Décision en appel
PRÉAMBULE
Lors de l’étude d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
GRIEFS DES APPELANTS
Les appelants contestent la décision de première instance relativement à cinq griefs :
- Grief 1 : acceptation de voyage gratuit, omission de mentionner un voyage gratuit et conflit d’intérêts
- Grief 2 : publicité déguisée (commentaire éthique)
- Grief 3 : inexactitudes
- Grief 4 : omission de vérifier l’information et manque d’esprit critique envers une source
- Grief 6 : refus de publier un correctif
Grief 1 : acceptation de voyage gratuit, omission de mentionner un voyage gratuit et conflit d’intérêts
L’appelant, M. Jeannot Ruel, conteste la décision rendue concernant le conflit d’intérêts. Il fait valoir que l’acceptation du séjour gratuit ne le place pas en conflit d’intérêts et il se demande de quelle façon un séjour gratuit réalisé dans le cadre d’un reportage peut être considéré « un intérêt personnel indu ». L’appelant demande donc que la décision concernant le grief de conflit d’intérêts soit renversée.
L’intimé réplique en citant le Guide de déontologie de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec : « Il y a conflit d’intérêts lorsque les journalistes, par divers contrats, faveurs et engagements personnels, servent ou peuvent sembler servir des intérêts particuliers, les leurs ou ceux d’autres individus, groupes, syndicats, entreprises, partis politiques, etc. plutôt que ceux de leur public. (…) Les conflits d’intérêts ne deviennent pas acceptables parce que les journalistes sont convaincus, au fond d’eux-mêmes, d’être honnêtes et impartiaux. L’apparence de conflit d’intérêts est aussi dommageable que le conflit réel. » Il fait également valoir le « credo » de l’Outdoor Writers of Canada qui stipule que les membres ne peuvent solliciter des biens ou des services qui pourraient influencer la qualité du reportage.
Les membres du comité de première instance ont appliqué le principe relatif à l’indépendance et aux conflits d’intérêts ou l’apparence de conflits d’intérêts : « Les entreprises de presse et les journalistes doivent éviter les conflits d’intérêts. Ils doivent, au surplus, éviter toute situation qui risque de les faire paraître en conflit d’intérêts, ou donner l’impression qu’ils ont partie liée avec des intérêts particuliers ou quelque pouvoir politique, financier ou autre. […] Le Conseil de presse préconise que les médias se dotent d’une politique claire et de mécanismes de prévention et de contrôle adéquats en cette matière. […] Toute situation qui risque de ternir l’image d’indépendance et de neutralité des professionnels de l’information devrait y être traitée, notamment, les voyages gratuits. » (Droits et responsabilités de la presse, pp. 24-25)
La décision de première instance cite un avis publié en 1993 par le Conseil concernant « l’acceptation de voyages gratuits ou d’autres services semblables par des médias ou par des journalistes ». On y lit : « Si, en dernier recours et dans des circonstances exceptionnelles, un média estime devoir accepter un « voyage gratuit », ce média devra informer explicitement le public que le voyage et le reportage, ainsi rendus possibles, ont été effectués en tout ou en partie aux frais de l’entreprise ou de l’organisme concerné. Le Conseil de presse estime que cette information est elle-même d’intérêt public, et que le public y a droit. Se contenter de mentionner que le journaliste a été “invité” par cette entreprise ou cet organisme ne suffirait pas alors, cette seule mention pouvant prêter à ambiguïté. »
Les décisions Bernier c. Le Soleil, 2013 (D2012-11-050B), et Pelletier c. Cyberpresse, 2009 (D2008-09-014) sont également citées dans la décision de première instance. Le Conseil a reconnu une certaine ouverture à l’égard de l’acceptation de voyages gratuits dans le milieu journalistique. Il a cependant retenu dans les deux cas un grief d’omission de mentionner un voyage gratuit à l’encontre des journalistes, parce qu’ils n’avaient pas, dans leur reportage, mentionné la gratuité ou ne l’avaient pas fait suffisamment clairement.
Dans leur décision, les membres du comité de première instance estimaient aux paragraphes [11] et [12] : « Dans le cas présent, le Conseil juge également que M. Ruel n’a pas commis de faute déontologique en acceptant de séjourner gratuitement dans la réserve, à deux occasions, aux fins de son reportage. »
« Le journaliste et le magazine devaient cependant, dans le respect des principes relatifs aux conflits d’intérêts et à l’apparence de conflit d’intérêts, divulguer explicitement aux lecteurs qu’ils avaient bénéficié d’une gratuité de la SÉPAQ pour la réalisation du reportage. »
Finalement, au paragraphe [14] de cette décision, les membres concluaient : « En conséquence, le volet du grief lié à l’omission de mentionner un voyage gratuit et au conflit d’intérêts est retenu. Cependant, le volet du grief relatif à l’acceptation d’un voyage gratuit est rejeté. »
Les membres de la commission d’appel concluent que le comité de première instance n’a pas appliqué correctement le principe déontologique relatif au conflit d’intérêts puisque le comité de première instance avait statué que le journaliste n’avait pas commis de faute en acceptant un séjour gratuit et qu’il ne se trouvait donc pas dans une situation de conflit d’intérêts suffisant pour constituer une faute. Les membres de la commission d’appel renversent la décision sur ce point et jugent que l’appelant n’a pas commis de faute reliée au conflit d’intérêts.
Les membres de la commission d’appel, conscients qu’il ne s’agit pas d’une pratique généralisée, invitent les médias à mentionner de façon explicite les gratuités reçues par les journalistes.
Grief 2 : publicité déguisée (commentaire éthique)
M. Louis Turbide, rédacteur en chef, considère que le commentaire éthique rédigé par le comité de première instance est « non fondé et tout à fait gratuit, car le Conseil de presse n’a même pas cherché à connaître la réelle mission d’entreprise du magazine en ce qui a trait aux reportages présentés dans ses pages. » (sic) Il précise que les destinations présentées dans les reportages doivent répondre aux « critères de qualité établis par l’équipe de rédaction », ce qui nécessite une validation sur le terrain. « Ainsi, en conformité avec la mission d’entreprise du magazine, la décision d’endosser en quelque sorte une destination et de publier un reportage survient à la fin du processus et les supposés intérêts privés (séjour gratuit) ne pèsent aucunement dans la balance dans notre processus décisionnel ». Il insiste sur le fait que l’intérêt public est respecté puisqu’un séjour gratuit ne garantit pas un reportage. L’appelant demande à ce que le commentaire éthique lié au grief de publicité déguisée soit retiré.
Dans sa réplique, l’intimé fait valoir que le rédacteur en chef a lui-même admis dans sa réplique présentée en première instance que son magazine « censure » certaines informations.
Les membres du comité de première instance ont fait référence au principe concernant la distinction entre la publicité et l’information : « Les médias doivent établir une distinction nette entre l’information et la publicité sur tous les plans : contenu, présentation, illustration. Tout manquement à cet égard est porteur de confusion auprès du public quant à la nature de l’information qu’il croit recevoir. […] Les médias et les journalistes doivent éviter de faire de la publicité déguisée ou indirecte dans leur traitement de l’information ou de se faire les publicistes ou les promoteurs de quelque cause, produit, activité, événement culturel ou sportif que ce soit. » (DERP, p. 31)
Après avoir rejeté le grief de publicité déguisée, les membres du comité de première instance ont émis au paragraphe [22] un commentaire éthique : « Le Conseil tient à souligner que la politique éditoriale du magazine, qui n’autorise la publication d’un reportage que lorsque la destination est jugée intéressante pour le lecteur, et qui exclut la publication d’un reportage lorsque la destination laisse à désirer, dessert le public en le privant d’informations utiles. En effet, le Conseil estime que cette décision équivaut à s’imposer une politique d’autocensure systémique, qui contrevient à l’obligation qu’ont les médias et les journalistes de placer au premier rang l’intérêt du public, plutôt que leurs intérêts privés (séjours gratuits) et ceux de leurs partenaires. En ce sens, elle est incompatible avec l’obligation des médias de prioriser l’intérêt du public et de l’indépendance journalistique. »
Dans la décision D2012-07-008(2), la commission d’appel a statué que le comité des plaintes a le droit « de se saisir d’un commentaire éthique, ce qui constitue un simple rappel des hauts standards de la déontologie journalistique ».
Les membres de la commission d’appel concluent que les membres de la première instance étaient justifiés d’émettre le commentaire éthique qu’ils souhaitaient et maintiennent ainsi la décision de première instance sur ce point.
Grief 3 : informations inexactes
M. Jeannot Ruel demande à la commission d’appel de renverser la décision du comité de première instance concernant quatre informations inexactes : (1) le nombre d’aménagements réalisés pour favoriser la fraie naturelle; (2) les poissons de souche indigène; (3) le dépôt-retrait et (4) l’acclimatation des poissons à leur milieu et sauvages.
L’intimé répond aux faits présentés par l’appelant.
Les membres du comité de première instance ont basé leur analyse des six inexactitudes alléguées sur le principe déontologique lié à l’exactitude des faits : « Quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. » (DERP, p. 26)
Après analyse des faits, les membres du comité de première instance ont retenu le grief d’inexactitudes en ce qui a trait au (1) nombre d’aménagements réalisés pour favoriser la fraie naturelle; (2) poissons de souche indigène; (3) dépôt-retrait et (4) à l’acclimatation des poissons à leur milieu et sauvages. Les deux autres éléments du grief ont été rejetés.
Compte tenu des faits présentés par les mis en cause en première instance, les membres de la commission d’appel jugent la décision du comité de plaintes légitime et rejettent l’appel sur ce point.
Grief 4 : omission de vérifier l’information et manque d’esprit critique envers une source
Le journaliste conteste le jugement de faits des membres du comité de première instance. Il demande que le grief d’omission de vérifier l’information et manque d’esprit critique envers une source soit renversé.
L’intimé répond aux faits présentés par l’appelant.
Dans leur décision, les membres du comité de première instance ont rappelé le principe concernant la fiabilité des sources : « Il est par ailleurs d’égale importance qu’ils fassent preuve d’esprit critique, tant à l’égard de leurs sources que des informations qu’ils en obtiennent. […] Ils doivent également prendre tous les moyens à leur disposition pour s’assurer de la fiabilité de leurs sources et pour vérifier, auprès d’autres sources indépendantes, l’authenticité des informations qu’ils en obtiennent. » (DERP, p. 32)
Le comité de première instance a également fait référence au principe sur l’absence d’autocensure : « La presse ne peut se permettre de taire ou de donner une image déformée des faits sous prétexte qu’ils sont l’objet de quelque tabou ou qu’ils sont susceptibles de compromettre certains intérêts particuliers. De même, elle ne devrait pas se limiter à la seule publication ou diffusion de l’information de source officielle, mais, au contraire, chercher à aller au-delà de celle-ci pour refléter la réalité de façon complète et exacte. » (DERP, p. 23)
Les membres du comité de première instance ont conclu au paragraphe [64] que : « Pour satisfaire aux principes de la déontologie journalistique, M. Ruel aurait dû vérifier ses informations auprès d’une source indépendante, ce qui n’était pas le cas de la SÉPAQ, directement concernée par son reportage. Cette démarche de vérification, qui requérait un certain sens critique par rapport à la SÉPAQ et aux informations qui en émanaient, n’a pas été entreprise par le journaliste. »
Compte tenu des faits présentés par les mis en cause en première instance, les membres de la commission d’appel jugent la décision du comité de plaintes légitime et rejettent l’appel sur ce point.
Grief 6 : refus de publier un correctif
L’appelant ne précise pas les motifs de son appel sur ce point.
L’intimé n’a soumis aucune réplique à cet élément de l’appel.
Dans leur décision, les membres du comité de première instance se sont appuyés sur le principe concernant la correction des erreurs : « Il relève de la responsabilité des médias de trouver les meilleurs moyens pour corriger leurs manquements et leurs erreurs […] dans leurs productions journalistiques que celles-ci relèvent de l’information ou de l’opinion. […] Les médias n’ont aucune excuse pour se soustraire à l’obligation de réparer leurs erreurs, que les victimes l’exigent ou non, et ils doivent consacrer aux rétractations et aux rectifications qu’ils publient ou diffusent une forme, un espace, et une importance de nature à permettre au public de faire la part des choses. » (DERP, p. 46)
Les membres du comité de première instance ont conclu au paragraphe [75] : « Étant donné les inexactitudes constatées, le Conseil juge que le magazine Sentier CHASSE-PÊCHE devait publier un correctif, ce qu’il n’a pas fait. »
Compte tenu des faits présentés par les mis en cause en première instance, les membres de la commission d’appel jugent la décision du comité de plaintes légitime et rejettent l’appel sur ce point.
DÉCISION
Après examen, les membres de la commission d’appel ont conclu à l’unanimité de renverser la décision rendue en première instance concernant le grief de conflit d’intérêts. Cependant, ils maintiennent à l’unanimité les décisions rendues en première instance concernant les griefs de publicité déguisée, inexactitudes, omission de vérifier l’information et manque d’esprit critique envers une source et refus de publier un correctif.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, le dossier cité en titre est fermé.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales. L’article 9.3 s’applique aux décisions de la commission d’appel : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.3)
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Hélène Deslauriers
- M. Pierre Thibault
Représentant des journalistes :
- M. Claude Beauchamp
Représentant des entreprises de presse :
- M. Pierre Sormany