Le tribunal d’honneur du Conseil de presse du Québec a rendu et publié sept (7) nouvelles décisions reliées à des plaintes qu’on lui avait soumises. Cinq (5) d’entre elles ont été retenues, une (1) a été rejetée et une (1) autre a été jugée irrecevable par le comité des plaintes. Cinq d’entre elles sont ici résumées.
Gilles Duceppe, imputable devant le Conseil pour une chronique dans le JdM et le JdQ?
Une plainte déposée par l’honorable François Rolland, juge en chef de la Cour supérieure du Québec, et visant une chronique publiée par M. Gilles Duceppe a obligé le Conseil à devoir se pencher sur la question, complexe, de l’imputabilité déontologique dont doivent faire preuve certains chroniqueurs qui ont — ou ont pu avoir — des engagements pouvant les détourner de leur devoir d’indépendance.
Considérant que la profession journalistique est complètement ouverte, le Conseil estime qu’il est plus facile de chercher à définir ce qui constitue un acte journalistique que de définir ce qu’est un journaliste. Et dans les circonstances, le Conseil a jugé que les chroniques de M. Duceppe publiées dans le Journal de Montréal devaient être considérées comme des actes journalistiques : d’abord parce qu’étant donné qu’il n’occupait plus depuis un certain temps de rôle politique officiel comme député ou chef d’un groupe politique, il est permis de présumer que M. Duceppe disposait de l’indépendance idéologique nécessaire pour poser de tels actes, ensuite parce que ses chroniques ne sont pas différentes, sur la forme, de celles publiées par d’autres chroniqueurs du Journal, et donc que du point de vue du public et de sa protection, elles doivent être traitées de la même façon.
La plainte a ainsi été analysée et le comité des plaintes a jugé, sous division, que M. Duceppe avait effectivement commis une des quatre inexactitudes que lui reprochait le juge Rolland : sa chronique laissait effectivement entendre que ce dernier accordait peu d’importance à la langue française, un jugement qui ne s’appuyait sur aucun fait vérifiable, mais plutôt sur une interprétation erronée d’une lettre signée par le juge.
La plainte a ainsi été retenue partiellement, de sorte que M. Duceppe, de même que le Journal de Montréal et le Journal de Québec, ont été blâmés.
Manquement à l’obligation de protéger l’identité des mineurs : une faute inexcusable
C’est à l’unanimité que le comité des plaintes a décidé d’adresser un blâme sévère au journaliste Hamadi Tounsi, ainsi qu’à la station de télévision ICI Télévision pour manque d’équilibre et atteinte au droit à l’anonymat d’une personne mineure. Le plaignant dans cette affaire, dont le Conseil a choisi de taire le nom puisqu’il est le père de l’enfant dont l’identité a injustement été dévoilée, reprochait à la station d’avoir diffusé, durant l’émission « Le Grand Maghreb Arabe », des informations inexactes, d’avoir manqué d’équilibre et d’avoir porté atteinte au droit à l’anonymat d’une personne mineure, en l’occurence son fils. Les deux derniers griefs ont été retenus, tandis que le comité a refusé de se prononcer sur le premier, puisque la question au centre du litige portait sur des informations hautement confidentielles, auxquelles le Conseil n’avait pas accès.
Aux yeux du comité, en se limitant à la version des faits relatée par la mère d’un enfant pris en charge par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), ICI Télévision a clairement manqué à son devoir d’équilibre : il aurait fallu, au minimum, permettre au père de donner sa propre version des faits, puisque le récit de la mère l’impliquait.
C’est par ailleurs en raison d’une seconde faute, bien plus grave aux yeux du comité, qu’un blâme sévère a été adressé aux mis en cause : l’identification d’un mineur, alors que celle-ci pouvait compromettre son développement. Principe maintes fois réaffirmé par le Conseil, l’obligation de protéger l’anonymat des jeunes impliqués dans des drames humains vise à éviter que ces derniers ne soient stigmatisés une seconde fois. En identifiant nommément la mère, en montrant à l’écran une photo de l’enfant et en donnant son prénom, les mis en cause ont manqué de façon flagrante à leur devoir à cet égard.
En rafale
D2015-05-127 : Le monde à l’envers
Une plainte visant le site web d’ICI Radio-Canada a été retenue. Le plaignant reprochait à la station d’avoir diffusé, dans le cadre de sa couverture d’émeutes survenue à Baltimore, aux États-Unis, dans la foulée des funérailles du jeune Freddie Gray, une vidéo sur le mode reculons. Ainsi, les manifestants qu’elle mettait en scène semblaient reculer devant les forces de l’ordre, tout en « attrapant » des pierres — l’exact contraire de ce qui s’était réellement produit. ICI Radio-Canada a ainsi été blâmée.
Le Conseil s’est par ailleurs montré surpris de constater que les mêmes images avaient été réutilisées par Radio-Canada dans le cadre d’une autre émission, alors que les mis en cause avaient déjà reconnu leur erreur.
D2015-05-130 : Voyage gratuit, inexactitudes, absence de correctif
Le comité des plaintes a donné en bonne partie raison à M. David Lefrançois, dont la plainte visait un article signé par M. Jeannot Ruel et paru dans le magazine Sentier CHASSE-PÊCHE.
Ainsi, les griefs pour acceptation – sans le mentionner – d’un voyage gratuit, inexactitudes et absence de publication d’un correctif ont tous été retenus, tandis que les griefs pour publicité déguisée et information incomplète ont été rejetés. Le comité a cependant tenu à souligner son inconfort devant la politique éditoriale du magazine Sentier CHASSE-PÊCHE, qui interdit la publication de reportages peu flatteurs sur certaines destinations, puisqu’une telle pratique prive le public d’informations utiles et équivaut à s’imposer une certaine forme d’autocensure, contraire au droit du public à l’information.
En conséquence, le magazine Sentier CHASSE-PÊCHE et son journaliste Jeannot Ruel ont été blâmés.
D2015-05-131 : Nouveau chapitre d’une querelle dans la communauté philippine
Le Conseil de presse était, pour la troisième fois, appelé à trancher un différend opposant la Fédération des associations Canado-Philippines du Québec et le Filipino Forum, cette fois concernant l’appropriation, illégitime aux yeux du média, d’une somme de 250$ par la Fédération.
Le plaignant, M. Felix Reyes, ex-président de la Fédération, dénonce une série d’inexactitudes, un manque d’équilibre et de l’acharnement à son endroit. Le comité des plaintes lui a donné raison sur les deux derniers griefs, mais a refusé de trancher quant au premier, estimant que la question de savoir à qui revenait la prérogative de recueillir les fonds provenant d’une activité de financement relevait davantage des tribunaux que d’un organe déontologique.
Le Conseil a par ailleurs noté qu’afin « d’éviter d’être instrumentalisé dans des conflits n’ayant rien à voir avec la déontologie, le Conseil se réserve le droit de ne pas traiter de futurs dossiers, en totalité ou en partie, impliquant la Fédération et le Filipino Forum ».