Plaignant
M. Martin Clément
Mis en cause
Mme Marie-Christine Noël, journaliste, M. Dany Doucet, rédacteur en chef et le quotidien Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
M. Martin Clément dépose une plainte le 18 octobre 2015 contre la journaliste Marie-Christine Noël et le quotidien Le Journal de Montréal concernant l’article « Uber veut séduire les électeurs », publié le 17 octobre 2015. Le plaignant reproche la publication d’information inexacte, d’information incomplète et un manque d’équilibre.
Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
L’article rapporte que le service Uber a profité de la journée des élections fédérales pour s’attirer une nouvelle clientèle en offrant gratuitement des trajets.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
M. Martin Clément soutient qu’il serait faux d’affirmer qu’Uber est un « service de covoiturage ». À son avis, le service UberX correspond, au sens de la Loi concernant les services de transport par taxi, à la définition d’un service de taxi et non de covoiturage.
Dans son commentaire à la réplique de la journaliste, le plaignant souligne que si Uber utilisait le mot « taxi » pour décrire ses services, l’entreprise s’avouerait être dans l’illégalité puisqu’elle ne possède pas les permis requis pour opérer des taxis ou même agir comme intermédiaire.
La journaliste Marie-Christine Noëlle souligne que le mot « covoiturage » est utilisé sur le site officiel d’Uber. À son avis, le mot n’est donc pas erroné quand on parle du service utilisé. De plus, Mme Noël souligne que Le Larousse définit ainsi le mot « covoiturage » : « utilisation d’une même voiture particulière par plusieurs personnes effectuant le même trajet, afin d’alléger le trafic routier et de partager les frais de transport. »
Par ailleurs, la journaliste précise que dans le cadre de son article, le mot « covoiturage » est utilisé en tout premier lieu dans l’amorce de l’article, accompagné du qualificatif « controversé » : « Le controversé service de covoiturage ». Par ailleurs, ajoute-t-elle, sur plusieurs mois ses collègues du Journal de Montréal ont mis en lumière la « controverse » entourant Uber et les chauffeurs de taxi. Les mots « controversé service de covoiturage » résument très bien la situation.
En matière d’exactitude, le Guide de déontologie journalistique mentionne : « Les journalistes et les médias d’information produisent selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a)
De l’avis du Conseil, l’utilisation du qualificatif « controversé » vient relativiser l’utilisation du terme « covoiturage », en rappelant justement tout le débat qui existe autour des mots et concepts à utiliser pour décrire les services offerts par Uber. Le Conseil n’y voit donc aucune faute professionnelle.
Le grief d’information inexacte est rejeté.
Grief 2 : information incomplète
Selon le plaignant, l’article serait incomplet parce qu’il omet de dire que le service Uber est illégal. Il souligne que cette information est pourtant connue et facilement vérifiable. À son avis, cet élément serait essentiel pour permettre une compréhension juste du sujet traité par l’article. Les articles 4 et 117 de la Loi concernant les services de transport par taxi de même que l’article 36 de la Loi sur les transports sont les bases légales qui définissent l’illégalité d’Uber, en plus de la réglementation en vigueur (Règlement sur le transport par taxi – RCG 10-009).
La journaliste souligne que son texte est un court article et non un article de fond sur la concurrence dans l’industrie du taxi.
Le Guide de déontologie journalistique mentionne en regard des qualités de l’information en regard de la complétude : « Les journalistes et les médias d’information produisent selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e)
Dans le cas présent, l’article rapporte que le service Uber a profité de la journée des élections fédérales pour s’attirer une nouvelle clientèle en offrant gratuitement des trajets. De l’avis du Conseil, un journaliste est toujours libre d’exclure certaines informations, pour peu que ce choix ne prive pas le public d’informations essentielles, considérant l’angle de traitement choisi. Dans le cas présent, le Conseil estime que la journaliste a satisfait à ses obligations déontologiques en la matière, puisque l’angle de traitement ne nécessitait pas d’aborder la question de la légalité d’un service comme Uber.
Le grief d’information incomplète est rejeté.
Grief 3 : manque d’équilibre
Selon le plaignant, la journaliste aurait dû contacter le Bureau du taxi et du remorquage de Montréal, le Contrôle routier du Québec, l’organisme de régulation du taxi au Québec, la Commission des transports du Québec et les instances politiques fortement impliquées dans cette histoire, afin d’offrir aux lecteurs un portrait plus équilibré.
La journaliste, pour sa part, rétorque qu’en plus de rappeler que les chauffeurs de taxi sont contre l’initiative d’Uber, elle a fait directement référence à un autre article publié 3 jours avant le sien par son collègue Christopher Nardi, lequel laissait une très grande place au point de vue opposé à Uber, soit celui de l’industrie du taxi : « Cette offre promotionnelle pourrait faire encore plus rager les compagnies de taxi qui ont déjà énoncé bruyamment et à plusieurs reprises la “concurrence déloyale” d’Uber. En effet, Le Journal rapportait mercredi dernier qu’un voyage en UberX coûte maintenant la moitié du prix d’un taxi […]. »
La journaliste ajoute que dans les derniers mois, Le Journal a écrit de nombreux articles sur la controverse et la concurrence dans le domaine du taxi. À son avis, le lecteur moyen a assurément été mis au courant de la situation.
En matière d’équilibre, le Guide de déontologie journalistique mentionne : « Les journalistes et les médias d’information produisent selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence. » (article 9 d)
Par ailleurs, le Guide dans son préambule c) précise : « Attendu que la liberté de presse exige que les médias d’information et les journalistes jouissent d’une liberté éditoriale et donc que les choix relatifs au contenu, à la forme, ainsi qu’au moment de publication ou de diffusion de l’information relèvent de la prérogative des médias d’information et des journalistes. »
La jurisprudence du Conseil a établi dans plusieurs dossiers que l’équilibre ne se mesure pas seulement de façon quantitative, sur la base d’un nombre de lignes ou du temps d’antenne, pas plus qu’il ne s’évalue à partir d’une seule édition ou d’une seule émission. Elle doit être évaluée de façon qualitative, en fonction de l’importance de l’information et de son degré d’intérêt public.
Considérant la publication antérieure d’articles présentant la version des chauffeurs de taxi, le Conseil estime que la journaliste n’avait pas l’obligation de rapporter la position de l’industrie du taxi et d’autres organismes responsables de l’application de la loi dans son article. Le Conseil ne constate donc aucune faute professionnelle et rejette le grief.
Le grief de manque d’équilibre est rejeté.
Refus de collaborer
Le Journal de Montréal a refusé de répondre à la présente plainte.
Le Conseil déplore le fait que le quotidien Le Journal de Montréal ait refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant. Cette remarque ne s’applique pas à Mme Marie-Christine Noël qui a répondu à la plainte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de M. Martin Clément contre la journaliste Marie-Christine Noël et le quotidien Le Journal de Montréal, pour les griefs d’information inexacte, d’information incomplète et de manque d’équilibre.
Le Conseil déplore le fait que le quotidien Le Journal de Montréal ait refusé de répondre, devant le Tribunal d’honneur, de la plainte les concernant.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- M. Paul Chénard
- Mme Audrey Murray
- Mme Micheline Rondeau-Parent
Représentante des journalistes :
- Mme Katherine Belley-Murray
Représentants des entreprises de presse :
- M. Pierre-Paul Noreau
- M. Gilber Paquette
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C12A Manque d’équilibre
- C12B Information incomplète