Plaignant
M. André Boileau
Mis en cause
M. Patrice Roy, chef d’antenne, Mme Catherine Cano, rédactrice en chef, « Le Téléjournal 18h » et ICI Radio-Canada télé
Résumé de la plainte
Le 8 mai 2015, M. André Boileau dépose une plainte contre M. Patrice Roy, chef d’antenne à l’émission « Le Téléjournal 18h », au sujet de deux segments d’émission, diffusés le 13 avril et le 4 mai 2015. Le plaignant estime qu’à ces deux occasions, M. Roy a témoigné d’un parti pris en faveur du restaurant Chez Alexandre.
Dans les deux segments visés, il est question d’une nouvelle réglementation imposée aux terrasses à Montréal et de ses impacts estimés par le propriétaire du restaurant Chez Alexandre.
Analyse
Grief 1 : partialité
Le 13 avril, après la diffusion d’un reportage portant sur la nouvelle réglementation dans lequel le propriétaire de Chez Alexandre exprime son mécontentement vis-à-vis de celle-ci, M. Roy émet ce commentaire : « C’est pas comme si on avait les terrasses six ou huit, neuf mois par année pendant l’été… Faut les laisser en paix, quoi! » Par ce commentaire, estime le plaignant, M. Roy transgresse son rôle d’animateur neutre et « affiche clairement ses couleurs en faveur du restaurant récalcitrant ».
Le 4 mai, lors d’une entrevue que M. Roy réalise avec M. Laurent Morissette, v.-p. du Regroupement activiste pour l’inclusion du Québec (RAPLIQ), le chef d’antenne fait à nouveau preuve, selon le plaignant, de partialité, notamment : lorsqu’il souligne que M. Morissette a été le seul à porter plainte contre le restaurant Chez Alexandre; en présentant le problème de mobilité autour des terrasses comme moins important que celui présent dans le métro de Montréal; en menant l’entrevue « avec une allure policière ».
M. Boileau critique également la fin de l’entrevue où M. Roy évoque la possibilité que l’application du nouveau règlement entraîne la fermeture du restaurant : « si un jour le restaurant ferme, il va y avoir plus de place pour passer, mais il n’y aura plus de terrasse pour personne. Ni pour vous, ni pour nous ». Ces propos relèvent de la manipulation, selon le plaignant.
Au sujet du segment du 13 avril 2015, Mme Micheline Dahlander, pour les mis en cause, explique qu’avec son commentaire à la suite du reportage, M. Roy « a tenté, avec plus ou moins de succès, de faire un lien entre deux nouvelles. Il a en fait rebondi sur le sujet du reportage afin de présenter le volet suivant : la météo. […] Ce commentaire […] ne se voulait nullement accusateur ou partial. Mais dans un échange spontané, en direct, il peut arriver que les mots choisis pour exprimer une idée ne soient pas toujours des plus heureux. »
Au sujet de l’entrevue du 4 mai 2015, Mme Dahlander explique que la terrasse de Chez Alexandre, adossée à la façade, « ne semble pas gêner le passage des personnes en fauteuil roulant. Le chef d’antenne Patrice Roy interroge donc brièvement le plaignant, Laurent Morissette, afin de mieux comprendre ce qui pose problème dans l’aménagement de cette terrasse. Patrice Roy se fait insistant sur cette question. Il cherche à obtenir des réponses claires. Mais le ton n’est jamais irrespectueux ou méprisant. […] En demandant à M. Morissette de préciser son point de vue, M. Roy lui a donné l’occasion de bien faire valoir les enjeux en cause. »
Dans son guide Droit et responsabilités de la presse (DERP), le Conseil stipule : « En ce qui a trait à la nouvelle et au reportage, les médias et les professionnels de l’information doivent s’en tenir à rapporter les faits et à les situer dans leur contexte sans les commenter. Quel que soit l’angle de traitement retenu pour une nouvelle ou un reportage, les médias et les journalistes doivent transmettre une information qui reflète l’ensemble d’une situation et le faire avec honnêteté, exactitude et impartialité. » (p. 26)
Le Conseil estime que les propos de M. Roy tenus après le reportage du 13 avril ─ « C’est pas comme si on avait les terrasses six ou huit, neuf mois par année pendant l’été… Faut les laisser en paix, quoi! » ─ sont de l’ordre du commentaire, puisqu’ils démontrent clairement un parti dans une situation de conflit entre un commerçant et la Ville de Montréal.
Il en est de même pour les propos de M. Roy exprimés à la fin de l’entrevue avec M. Laurent Morissette, le 4 mai 2015 : « si un jour le restaurant ferme, il va y avoir plus de place pour passer, mais il n’y aura plus de terrasse pour personne. Ni pour vous, ni pour nous ».
Aux yeux du Conseil, à ces deux occasions, M. Roy a franchi la frontière du journalisme factuel – qui limite l’exercice de sa fonction de chef d’antenne – en commentant la nouvelle. Ce faisant, il a manqué à son obligation d’impartialité et commis de ce fait une faute déontologique.
Le grief de partialité est retenu à la majorité.
Deux membres du comité des plaintes ont exprimé une dissidence, jugeant que bien que M. Roy ait été insistant lors de l’entrevue du 4 mai 2015, il n’a pas versé dans le commentaire ou le parti pris. Ces membres arrivent à la même conclusion quant aux propos exprimés par M. Roy en marge du reportage du 13 avril 2015.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient, à la majorité, la plainte de M. André Boileau et blâme M. Patrice Roy, chef d’antenne, l’émission « Le Téléjournal 18h » et la ICI Radio-Canada télé, pour le grief de partialité.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.3)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Micheline Bélanger
- Paul Chénard
- Mme Jackie Tremblay
Représentant des journalistes :
- Mme Gabrielle Brassard-Lecours
- Jonathan Trudel
Représentants des entreprises de presse :
- Jed Kahane
- M. Raymond Tardif