Plaignant
Mme Lynn Kearney, directrice générale
MRC de La Vallée-de-la-Gatineau
Mis en cause
M. Jean Lacaille, journaliste
L’hebdomadaire La Gatineau
Résumé de la plainte
Mme Lynn Kearney, directrice générale de la MRC de La Vallée-de-la-Gatineau, dépose une plainte le 28 avril 2016 contre le journaliste Jean Lacaille et l’hebdomadaire La Gatineau concernant les articles « “Place Merlow” ne fait pas l’unanimité » et « “La MRC est une machine à dépenser” » publiés le 21 avril 2016. La plaignante déplore des informations inexactes et incomplètes, l’absence d’identification des sources ainsi que l’absence de rectification.
Les articles mis en cause font état d’un projet d’édifice multifonctionnel contesté et critiquent la gestion de la MRC de la Vallée-de-la-Gatineau.
Analyse
Grief 1 : informations inexactes et incomplètes
La plaignante considère que l’article « “Place Merlow” ne fait pas l’unanimité » comporte trois informations inexactes et incomplètes.
1.1 Augmentation de taxes
Dans l’extrait suivant, la plaignante estime qu’il est inexact d’utiliser de parler de « taxe », d’une part, et que les informations concernant l’augmentation elle-même sont incomplètes : « la MRC-VG [MRC de la Vallée-de-la-Gatineau] a augmenté les taxes des résidents de Low de 7,8 % pour 2016. » La plaignante explique qu’il s’agit plutôt de quote-part, qui n’est pas une taxe. Une quote-part est une contribution des municipalités locales aux dépenses de la MRC, tandis qu’une taxe est une contribution facturée aux contribuables pour les dépenses des municipalités, fait-elle valoir.
De plus, le montant de l’augmentation est présenté hors contexte, selon la plaignante. Elle considère que le journaliste aurait dû préciser que l’augmentation attribuée aux frais de fonctionnement de la MRC était de 1,56 %, et que le reste de l’augmentation était dû à la création, par les élus, d’un fonds autonome de développement.
La directrice générale de l’hebdomadaire, Mme Denise Lacoursière, soutient qu’il y a eu une confusion dans les données reçues par le journaliste. Elle admet que le terme « quote-part » aurait dû être utilisé au lieu du terme « taxes ». Elle nuance en argumentant que les taxes municipales servent en partie à payer les quotes-parts dues à la MRC.
1.2 Quote-part de Low
La plaignante affirme qu’il est inexact et incomplet d’écrire : « En 2009, la somme était de 99,830 $. En 2016, la taxe atteint les 205,399 $. Plus que le double dans un mouvement hors de contrôle. » La plaignante soutient que la quote-part de Low en 2009 s’élevait à 132 280 $ et non 99 830 $. Elle juge que les données comparées ne sont pas équivalentes et qu’il aurait fallu préciser dans l’article qu’entre 2009 et 2016, les services mis en commun par les municipalités via la MRC ne sont pas les mêmes.
Dans sa réplique, Mme Lacoursière reconnaît l’inexactitude et explique que pour l’année 2009, le site internet de la municipalité de Low présentait deux données séparément, alors qu’elles ont été regroupées par la suite.
Dans ses commentaires, la plaignante fait valoir que le journaliste avait la responsabilité de valider les données factuelles avant la publication de l’article.
1.3 Nombre d’employés
La plaignante considère inexactes et incomplètes, les affirmations suivantes : « La MRC-VG compte 50 employés, comparativement à seulement 35 pour la MRC Pontiac. La MRC-VG a l’un des plus grands ratios d’employés par rapport à la densité de sa population de tout le Québec. » Elle soutient d’abord que la MRC compte 40 employés et non 50. De plus, la plaignante estime que le journaliste a transmis de l’information incomplète puisqu’il aurait dû préciser que la MRC de la Vallée-de-la-Gatineau offre des services que n’offre pas celle de Pontiac, ce qui explique le plus grand nombre d’employés.
Dans sa réplique, Mme Lacoursière affirme « donner le bénéfice du doute » à la plaignante concernant le nombre d’employés de la MRC, cependant elle estime que le document envoyé au journaliste prête à confusion.
Le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec rappelle à l’article 9 aux alinéas a) et e) les devoirs d’exactitude et de complétude : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. […] e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. »
Le Conseil constate que les mis en cause reconnaissent eux-mêmes l’inexactitude et l’incomplétude des informations publiées.
Le grief d’informations inexactes et incomplètes est donc retenu.
Grief 2 : absence d’identification des sources
Dans l’article « “La MRC est une machine à dépenser” », la plaignante estime que le journaliste a commis une faute en n’identifiant pas ses sources dans le cas de l’affirmation : « Les quotes-parts payées annuellement à la MRC de la Vallée-de-la-Gatineau (MRC-VG) par les municipalités qui en sont membres font sourciller la majorité des élus municipaux val-gatinois. »
La directrice générale de l’hebdomadaire réplique : « Évidemment que nous ne mentionnons pas nos sources. » Elle ajoute que la MRC compte 17 municipalités et que plusieurs élus sont insatisfaits et considèrent que la MRC coûte trop cher aux contribuables, des opinions qui auraient été partagées aux journalistes de l’hebdomadaire.
Dans ses commentaires, la plaignante souligne que les mis en cause évoquent l’insatisfaction de plusieurs élus à l’égard de la MRC, mais qu’ils ne précisent pas le nombre d’insatisfaits ni leur provenance. Selon les informations qu’elle a obtenues, la plaignante soutient qu’aucun des 17 maires du territoire de la MRC n’a été contacté avant la publication de l’article.
L’article 12 du Guide stipule : « Les journalistes identifient leurs sources d’information, afin de permettre au public d’en évaluer la valeur, sous réserve des dispositions prévues à l’article 12.1 du présent Guide. » Ce dernier article encadre l’utilisation de sources anonymes : « (1) Les journalistes ont recours à des sources anonymes lorsque ces trois conditions sont réunies : a) l’information sert l’intérêt public; b) l’information ne peut raisonnablement être obtenue autrement; c) la source peut subir un préjudice si son identité est dévoilée. (2) Lorsqu’ils garantissent l’anonymat à une source d’information, les journalistes la décrivent suffisamment dans leur reportage afin que le public puisse apprécier sa valeur et sa crédibilité, sans cependant divulguer des éléments pouvant permettre son identification. »
Après analyse, le Conseil juge que les mis en cause ont manqué à leurs obligations déontologiques en n’identifiant pas leurs sources et en omettant d’indiquer les raisons ayant incité leurs sources à exiger l’anonymat. De plus, le Conseil constate que les sources citées sont mal identifiées puisque l’article fait d’abord référence à une « majorité des élus municipaux », puis dans un rectificatif, les mis en cause précisent qu’il s’agit plutôt de « certains des élus val-gatinois ».
Le grief pour absence d’identification des sources est retenu.
Grief 3 : absence de rectification
La plaignante reproche aux mis en cause de ne pas avoir rectifié les faits à la suite de la publication du communiqué émis le 25 avril 2016 par la MRC qui demandait la correction d’inexactitudes et la remise en contexte de certaines informations présentées dans l’article.
Dans sa réplique, la directrice générale de l’hebdomadaire rapporte qu’un rectificatif a été publié dans l’édition du 5 mai 2016. Elle indique qu’il n’a pas été publié dans l’édition du 28 avril, car la demande de la plaignante a été transmise à 15 h 35 la veille de la tombée (à midi), soit dans un délai ne permettant pas de vérifier et confirmer les informations contenues dans le communiqué.
L’article 27.1 du Guide rappelle : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. »
Le Conseil constate dans un premier temps que le rectificatif a été publié. Quant aux raisons expliquant qu’il n’ait pas été publié dans l’édition suivant la parution des articles mis en cause, le Conseil juge légitime le fait que les mis en cause aient retardé la publication du rectificatif afin de procéder à des vérifications.
Le grief pour absence de rectification est rejeté.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Mme Lynn Kearney et blâme le journaliste Jean Lacaille et l’hebdomadaire La Gatineau pour les griefs d’informations inexactes et incomplètes et d’absence d’identification des sources. Cependant, le Conseil rejette le grief d’absence de rectification.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membre s’engagent pour leur part à respecter cette obligation, et à faire parvenir au secrétariat du Conseil une preuve de cette diffusion au maximum 30 jours suivant la date de la décision. » (Règlement No 2, article 9.3)
Audrey Murray
Présidente par intérim du sous-comité des plaintes
La composition du sous-comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- Mme Ericka Alnéus
- Mme Audrey Murray
- Mme Linda Taklit
Représentant des journalistes :
- M. Luc Tremblay
Représentants des entreprises de presse :
- M. Éric Latour
- Mme Nicole Tardif