Plaignant
Les Peintures Pyramidales inc.
Me Richard Dion
Mis en cause
Mme Danny Côté, journaliste
Le Groupe TVA-Québec
Résumé de la plainte
Me Richard Dion dépose le 3 mars 2017, au nom de l’entreprise Les Peintures Pyramidales inc., une plainte contre la journaliste Danny Côté et le Groupe TVA-Québec concernant le reportage « Les pratiques d’une entreprise de Québec mises en doute » diffusé le 17 février 2017. Le plaignant déplore de l’information inexacte, des informations incomplètes, le manque de fiabilité de la source et le bris d’une entente de communication avec une source.
Les mis en cause n’ont pas souhaité répondre à la présente plainte.
La plainte vise un reportage mettant en cause les pratiques d’Isolation Pro-Inspect, appartenant à l’entreprise plaignante Les Peintures Pyramidales inc.
Analyse
Grief 1 : information inexacte
Le plaignant considère que le reportage donne à tort l’impression que les pratiques de l’entreprise Isolation Pro-Inspect sont malhonnêtes et que ses prix sont disproportionnés par rapport au marché.
Le Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec stipule, à l’article 9, alinéa a), que « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ».
Dans la décision D2015-11-064, le Conseil a rejeté un grief d’informations inexactes concernant deux éléments d’information en indiquant que le plaignant n’avait pas fait la démonstration des inexactitudes alléguées.
Dans le cas présent, le Conseil juge que le plaignant n’a pas avancé les preuves démontrant qu’il y a avait eu inexactitude. Après visionnement du reportage, le Conseil n’y voit pas d’inexactitude puisque les prix mentionnés concernent deux types de travaux différents, une nuance d’ailleurs mise de l’avant par les experts témoignant dans le reportage.
Le grief d’information inexacte est rejeté.
Grief 2 : informations incomplètes
Le plaignant considère que les mis en cause ont omis trois informations essentielles dans le reportage.
2.1 Plaintes OPC
Le plaignant considère que la journaliste a transmis de l’information incomplète lorsqu’elle mentionne que 18 plaintes ont été déposées à l’Office de la protection du consommateur (OPC) contre Isolation Pro-Inspect. Selon lui, elle aurait dû préciser qu’à la suite de ces plaintes, l’entreprise n’a pas reçu d’avis d’infraction, n’a pas plaidé coupable et n’a pas été déclarée coupable par un tribunal.
Le plaignant met en preuve la fiche de son entreprise disponible sur le site de l’OPC. Celle-ci est précédée de l’avertissement suivant :
« Ce document présente les plaintes reçues à l’Office de la protection du consommateur depuis 2 ans. Ces plaintes ont été analysées sommairement et portent sur le non-respect d’une disposition d’une loi dont l’Office assure la surveillance. Il s’agit toutefois d’affirmations non vérifiées. Elles pourraient faire l’objet de vérifications plus approfondies si des activités de surveillance visent ce commerçant.
« L’existence de plaintes ne signifie pas que le commerçant est incompétent ou malhonnête. Il y a aussi lieu de considérer l’importance de l’entreprise, le volume de transactions qu’elle réalise et sa date d’immatriculation au Registraire des entreprises. »
Un deuxième document présentant le résultat de recherche sur le site de l’Office de la protection du consommateur est mis en preuve. On y lit :
« Ce commerçant :
n’a pas reçu d’avis d’infraction de l’Office depuis les 3 dernières années;
ou n’a pas plaidé coupable ou n’a pas été déclaré coupable à la suite d’une poursuite pénale de l’Office au cours des 5 dernières années;
ou n’a pas signé d’engagement volontaire avec l’Office. »
En matière de complétude, le Guide de déontologie journalistique prévoit à l’article 9, alinéa e) : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : […] e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. »
À la majorité (6/7 membres), le comité juge qu’il était essentiel à la compréhension du reportage de faire état des mises en garde de l’Office de la protection du consommateur concernant l’interprétation à tirer des résultats de recherche présentés sur leur site Internet. En ne précisant pas que « l’existence d’une plainte ne signifie pas que le commerçant est incompétent ou malhonnête », la journaliste a donné aux faits une portée qu’ils n’ont pas.
Le grief est retenu à la majorité (6/7 membres) sur ce point.
2.2 1200 chantiers
Le plaignant déplore que la journaliste n’ait pas mentionné que l’entreprise Isolation Pro-Inspect a réalisé plus de 1200 chantiers depuis sa création.
Dans la décision D2015-08-023, le Conseil a pris en compte l’angle de l’article choisi par les mis en cause et jugé que les informations que le plaignant aurait souhaité voir ajoutées dans l’article n’étaient pas essentielles à la compréhension du public.
Après analyse, le Conseil juge que le reportage portant sur une soumission précise, il n’était pas essentiel à la compréhension du reportage de mentionner que l’entreprise en question avait réalisé plus de 1200 chantiers depuis sa création.
Le grief est rejeté sur ce point.
2.3 Preuves
Le plaignant déplore que la journaliste ait ignoré les explications et les preuves démontrant que l’entretoit de la maison, dont il est question dans le reportage, était contaminé. Il soutient que lors d’une rencontre, la journaliste a eu la preuve que la concentration de moisissures était élevée.
Au cours de l’analyse du dossier, le Conseil a demandé au plaignant d’indiquer quelles étaient les preuves soumises à la journaliste. Cette requête est restée sans suite. Devant ce manque de preuve, le Conseil conclut que le plaignant n’a pas fait la démonstration de la faute.
Le grief est rejeté sur ce point.
Au vu de ce qui précède, le grief d’informations incomplètes est retenu, à la majorité (6/7 membres), en ce qui a trait à la mise en garde de l’Office de protection du consommateur.
Grief 3 : manque de fiabilité de la source
Le plaignant déplore que le reportage présente l’opinion de l’expert Daniel Fiset, même si le représentant de l’entreprise Isolation Pro-Inspect avait mis en doute sa compétence lors de l’entrevue avec la journaliste.
L’article 11 du Guide de déontologie journalistique, consacré à la fiabilité des informations transmises par les sources indique : « Les journalistes prennent les moyens raisonnables pour évaluer la fiabilité des informations transmises par leurs sources, afin de garantir au public une information de qualité. »
Le Conseil constate que le plaignant ne précise pas dans sa plainte les raisons pour lesquelles il met en doute l’expertise de M. Daniel Fiset.
Par ailleurs, les vérifications du Conseil ont permis de découvrir que M. Daniel Fiset, présenté dans le reportage comme un inspecteur en bâtiment est membre de l’Association internationale des inspecteurs immobiliers certifiés. Tout comme M. Gilles Gingras, directeur d’Isolation Écologik, qui parvient aux mêmes conclusions que M. Fiset. De plus, le Conseil constate que M. Fiset rapporte dans le reportage avoir inspecté l’entretoit de la maison dont il est question.
En conclusion, le Conseil juge que les mis en cause n’ont pas commis de manquement déontologique en présentant l’analyse de M. Fiset puisqu’elle était corroborée et que les deux sources sont d’autant plus fiables qu’il s’agit de gens de métier.
Le grief de manque de fiabilité de la source est rejeté.
Grief 4 : bris d’une entente de communication avec une source
Le plaignant estime qu’en nommant l’entreprise dont il est question dans le reportage, la journaliste a contrevenu à l’entente de confidentialité intervenue avec elle comme condition préalable à une entrevue avec un représentant de l’entreprise plaignante.
Le plaignant, Me Richard Dion, met en preuve un échange de courriels qu’il a eu avec la journaliste, la veille de l’entrevue. Me Dion écrit :
« Suite à notre dernière conversation téléphonique, je vous confirme qu’un représentant de ma cliente sera présent à mon cabinet vendredi le 17 courant à 13h30 afin de répondre à vos questions relatives à l’isolation et la décontamination d’un entretoit d’une maison, le tout en conformité avec les pratiques de l’entreprise de ma cliente.
Par ailleurs, je comprends que cette entrevue est conditionnelle à ce que le nom de ma cliente demeure inconnu pendant comme après l’entrevue précédemment mentionnée. »
La journaliste répond par courriel le lendemain à 10h15 :« Bonjour M. Dion. Je serai là à 13h30. »
Dans une lettre datée du 17 février 2017 et adressée à la journaliste, Me Dion affirme :
« […] nous considérons que le refus de notre cliente d’être spécifiquement nommé dans votre reportage était très clair lors d’un précédent échange de courriels, et ce, pendant et après l’entrevue. Nous avions spécifiquement énoncé cette condition et nous considérons que vous avez acquiescé par votre réponse à ladite correspondance courriel et votre présence à nos bureaux. » (soulignement du plaignant)
Les ententes de communication avec une source sont encadrées par l’article 13(1) du Guide qui prévoit : « Les journalistes tentent par tous les moyens à leur disposition de respecter les ententes de communication avec une source (confidentialité, off the record, non-attribution, embargo, etc.) pour lesquelles ils ont donné leur accord explicite, sauf si la source les a volontairement trompés. »
Dans le dossier D2016-05-149, le Conseil a retenu un grief de bris de confidentialité avec une source en faisant valoir : « De plus, le Conseil relève que des ententes de confidentialité claires ont été prises à plusieurs reprises entre les deux hommes. Plusieurs passages de leur correspondance témoignent du fait que le plaignant transmettait de l’information au mis en cause à condition que ce dernier s’engage à protéger son anonymat, ce qu’il acceptait en assurant au plaignant qu’il pouvait lui faire confiance. »
La majorité des membres (6/7) rejette le grief en faisant valoir que le courriel envoyé par la journaliste ne constitue pas une preuve explicite de consentement. Or, le Guide et la jurisprudence indiquent clairement que pour être valable l’entente de confidentialité doit avoir été explicitement acceptée par le ou la journaliste.
Le grief de bris d’une entente de communication avec une source est rejeté.
Refus de collaborer
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Groupe TVA-Québec, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient, à la majorité (6/7 membres), la plainte et blâme la journaliste Danny Côté et le Groupe TVA-Québec pour le grief d’informations incomplètes. Cependant, le Conseil rejette les griefs d’information inexacte, de manque de fiabilité de la source et de bris d’une entente de communication avec une source.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
Linda Taklit
Présidente du sous-comité des plaintes
La composition du sous-comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- M. Paul Chénard
- M. Jacques Gauthier
- M. Luc Grenier
- Mme Linda Taklit
Représentantes des journalistes :
- Mme Audrey Gauthier
- Mme Lisa-Marie Gervais
Représentant des entreprises de presse :
- M. Raymond Tardif