Plaignant
Mme Marianne Giguère
M. Alexandre Jean
Mme Myriam Labrecque
M. Sylvain Trudel
Avec 65 appuis
Mis en cause
M. André Arthur, chroniqueur
M. Marc-André Lord, coanimateur
Mme Nathalie Normandeau, animatrice
L’émission « 100 % Normandeau »
La radio BVLD 102.1 FM
Résumé de la plainte
Mmes Marianne Giguère et Myriam Labrecque, MM. Alexandre Jean et Sylvain Trudel ainsi que 65 autres plaignants en appui déposent une plainte les 28 et 29 mars 2017 contre M. André Arthur, chroniqueur, Mme Nathalie Normandeau, animatrice et M. Marc-André Lord, coanimateur et la station BLVD 102.1 FM, concernant l’émission « 100 % Normandeau » diffusée le 27 mars 2017. Les plaignants dénoncent la diffusion de propos incitant à la haine et à la violence.
Au micro du 102.1 FM, dans une conversation à laquelle participent l’animatrice Nathalie Normandeau et le coanimateur Marc-André Lord, le chroniqueur, André Arthur se livre à des commentaires sur la pratique du vélo en hiver.
Points sur la recevabilité
M. Jean-François Leclerc, vice-président de la station BLVD 102.1 FM estime que la présente plainte devrait être jugée irrecevable, considérant que (1) l’émission en cause n’est pas un produit de nature journalistique; (2) que Mme Nathalie Normandeau ainsi que MM. André Arthur et Marc-André Lord ne sont pas journalistes; et que (3) des erreurs nominatives ont été relevées dans certaines plaintes.
En matière de genres journalistiques, le Conseil énonce dans son Guide de déontologie journalistique, à l’article 10 : « (1) Il existe fondamentalement deux genres journalistiques ayant chacun leurs exigences propres : le journalisme factuel et le journalisme d’opinion. »
Le Conseil, dans sa jurisprudence, s’est prononcé, sur la fonction d’un animateur ou collaborateur exerçant une activité journalistique. Dans la décision D2003-12-024, le Conseil jugeait que M. Jean Lapierre exerçait une activité journalistique : « Une précision additionnelle s’impose. Dans ses commentaires, le vice-président de l’information et des opérations régionales du Réseau Radiomédia, Michel Lorrain, indique que M. Jean Lapierre n’est pas journaliste, mais animateur-commentateur. À ce sujet, le Conseil rappelle que lorsqu’un employé effectue en ondes des fonctions assimilables à celles d’un journaliste (entrevue, information, commentaires), il est réputé agir dans une fonction journalistique et il est alors considéré à ce titre dans la portion d’émission consacrée à cette fonction. »
Le Conseil constate que la station présente ainsi l’émission « 100 % Normandeau » sur son site Internet : « Le nouveau rendez-vous incontournable à Québec avec Nathalie Normandeau et son équipe qui traiteront de tous les sujets qui touchent les gens de Québec. Actualité, culture, politique, consommation, sports, entrevues. »
En regard de ces considérations, le Conseil juge que l’émission en cause est de nature journalistique et que Mme Normandeau ainsi que MM. Arthur et Lord posent un acte journalistique appartenant au genre du journalisme d’opinion.
M. Leclerc soulève, par ailleurs, des « erreurs » d’ordre technique dans certaines des soixante-neuf plaintes. Le comité des plaintes a étudié quatre plaintes jugées représentatives de l’ensemble des plaintes. Ces plaintes respectent les conditions de recevabilité édictées aux articles 9 et 10 du Règlement 2. Les autres plaintes sont jointes en appui. Le Conseil rappelle qu’une seule plainte déposée selon les critères édictés suffit pour engendrer l’analyse d’un dossier.
Conséquemment, le Conseil estime que la contestation du mis en cause ne peut être retenue et que la présente plainte est considérée comme recevable.
Analyse
Grief 1 : propos incitant à la haine et à la violence
Les plaignants considèrent que la déclaration d’André Arthur est une incitation à la haine et à la violence à l’égard des cyclistes qui roulent l’hiver : « Ça, c’est la définition d’un idiot. Aujourd’hui, quelqu’un en bicycle, là, frappez-les, soulagez-le, faites quelque chose. »
Certains plaignants considèrent également que l’absence de contrepartie de la part de Mme Nathalie Normandeau et M. Marc-André Lord les rend complices des propos tenus par M. Arthur.
M. Leclerc, vice-président de la station BLVD FM souligne qu’aucune forme d’incitation à la violence ou à la haine n’est tolérée sur ses ondes. Il souligne, par ailleurs, que M. Arthur a présenté ses excuses dès le lendemain de la tenue de ses propos. La rétractation était sincère et très claire, selon lui, et affirmait qu’il n’avait aucune mauvaise intention et que les mots employés n’exprimaient pas le fruit de sa pensée.
M. Leclerc rappelle que le Conseil de presse reconnaît une grande latitude aux chroniques et critiques dans le traitement d’un sujet et que les « journalistes d’opinion » jouissent d’une très grande liberté d’expression. À cet égard, le mis en cause considère que bien que les paroles prononcées par M. Arthur aient été de mauvais goût, elles ne doivent pas être interprétées comme jetant la haine ou le mépris sur les cyclistes. Il est d’avis que l’auditeur ne peut avoir entendu dans le ton et le propos de M. Arthur une réelle invitation à « frapper les cyclistes », bien que les mots employés étaient « inappropriés ».
Quant au rôle de Nathalie Normandeau et de Marc-André Lord, M. Leclerc souligne qu’aucun fait, parole, acte ou omission que ce soit ne peuvent leur être reprochés dans le cadre de ce dossier.
En matière de discrimination, le Guide de déontologie journalistique, à l’article 19 (1) mentionne : « Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, de représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. »
Dans sa jurisprudence (cf. D2014-05-117), le Conseil de presse établit que des propos sont haineux s’ils incitent à la violence et/ou à l’exécration et au dénigrement d’une personne ou d’un groupe.
Après écoute du segment de l’émission mis en cause, le Conseil observe qu’en commentant la pratique du vélo en hiver, M. Arthur y va des propos suivants : « Ça, c’est la définition d’un idiot. Aujourd’hui, quelqu’un en bicycle, là, frappez-les, soulagez-le, faites quelque chose ».
Aux yeux du Conseil, il ne fait aucun doute que les propos dénoncés par les plaignants constituent une incitation à la haine et à la violence envers les cyclistes qui roulent l’hiver. Encourager les automobilistes à frapper des cyclistes peut mettre des vies en danger. Il s’agit d’un manque flagrant aux principes de déontologie journalistique. Bien que le Conseil reconnaisse une grande latitude aux journalistes d’opinion, il considère que dans le présent cas, M. Arthur a largement outrepassé les limites permises à ce genre.
Quant à la responsabilité de Mme Normandeau et M. Lord, le Conseil estime que, dans le présent cas, M. Arthur est le seul responsable de ses fautes, et considère que ces derniers n’ont ni renchéri ni acquiescé aux propos de M. Arthur. Le Conseil estime que, dans le présent cas, ils n’ont pas commis de faute professionnelle.
Bien que le Conseil note que M. Arthur se soit excusé de ses propos au lendemain de l’émission, expliquant qu’il avait eu « une crampe au cerveau », ces excuses n’étaient pas proportionnelles à la gravité des propos tenus.
Le grief d’incitation à la haine est retenu à la majorité (5/6 membres) et le grief d’incitation à la violence est retenu à l’unanimité.
Décision
Au vu de ce qui précède, le Conseil de presse du Québec retient les plaintes de Mmes Marianne Giguère et Myriam Labrecque, MM. Alexandre Jean et Sylvain Trudel et blâme, à la majorité (5/6 membres), M. André Arthur et la station BLVD 102.1 FM, pour propos incitant à la haine et, à l’unanimité, pour propos incitant à la violence. Le Conseil rejette cependant les plaintes à l’encontre de Mme Nathalie Normandeau et M. Marc-André Lord.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
Linda Taklit
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
- M. Paul Chénard
- M. Jacques Gauthier
- M. Luc Grenier
- Mme Linda Taklit
Représentante des journalistes :
- Mme Audrey Gauthier
Représentant des entreprises de presse :
- M. Raymond Tardif