Plaignant
Mme Noémie Lessard
Mis en cause
Mme Héloïse Archambault, journaliste
Le quotidien Le Journal de Montréal
TVA Nouvelles
Résumé de la plainte
CONTEXTE
L’article « Une infirmière coupable d’avoir couché avec un patient », publié le 10 novembre 2017, porte sur l’infirmière Audrey Langlois, qui a plaidé coupable d’inconduite sexuelle devant le Conseil de discipline de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). Au moment de la publication de l’article, le Conseil de discipline avait pris le dossier en délibéré pour établir la sanction.
La journaliste présente les circonstances des événements ayant mené Mme Langlois devant le Conseil de discipline. L’infirmière de Drummondville a reconnu avoir eu une relation sexuelle avec un patient. L’article rapporte que le « jeune homme schizophrène et vulnérable avait un lourd passé criminel ». Il relate les propos de l’avocate du syndic de l’OIIQ ainsi que ceux de l’avocate de l’infirmière, qui se prononcent sur ce que devrait être la sanction à imposer.
RÉSUMÉ DE LA PLAINTE
Mme Noémie Lessard dépose une plainte le 11 novembre 2017 contre la journaliste Héloïse Archambault, le Journal de Montréal et TVA Nouvelles. La plaignante déplore un manque d’équilibre, de l’incomplétude, du sensationnalisme et une atteinte à la dignité.
Grief non traité : atteinte à la réputation
La plaignante déplore « une atteinte à la réputation » de l’infirmière Audrey Langlois dans l’article mis en cause.
« La plainte ne peut constituer une plainte de diffamation, viser le contenu d’une publicité ou exprimer une divergence d’opinions avec l’auteur d’une publication ou d’une décision. » (Règlement No 2, article 13.03)
L’atteinte à la réputation n’est pas du ressort de la déontologie journalistique, mais relève plutôt de la sphère judiciaire. Le Conseil ne peut donc se pencher sur ce grief.
Grief non recevable : atteinte à la dignité
La plaignante dénonce une atteinte à la dignité dans l’article mis en cause : « Je reconnais qu’un tel geste doit être sanctionné, mais ça ne mérite pas un article biaisé qui porte atteinte […] à la dignité. »
« Une plainte doit viser un journaliste ou un média d’information et porter sur un manquement potentiel au Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec. Ce manquement doit être significatif et précis. » (Règlement No 2, article 13.01)
« Une plainte ne doit pas constituer simplement un commentaire ou une critique générale. » (Règlement No 2, article 13.02)
Considérant qu’il n’y a pas de précision sur cet aspect de la plainte, qui semble relever d’une critique générale, le Conseil ne peut se pencher sur ce grief.
Analyse
Grief 1 : manque d’équilibre
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération des points de vue des parties en présence. » (article 9 d) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si la journaliste a omis de présenter une juste pondération des points de vue des parties en présence.
Décision
Le Conseil rejette le grief de manque d’équilibre, car il juge que le journaliste a respecté l’article 9 d).
Analyse
Bien que la plaignante avance que « beaucoup plus de points de l’Ordre font partie de l’article pour suggérer la faute », le Conseil constate que la journaliste a présenté tant les points de vue de l’avocate du syndic de l’Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec (OIIQ) que ceux de l’avocate de l’infirmière. De plus, le Conseil souligne que l’article ne « suggère » pas la faute, mais rapporte des faits puisque l’infirmière, Mme Langlois, a plaidé coupable.
Par ailleurs, le Conseil souligne que l’équilibre ne s’évalue pas sur la base du nombre de lignes ou de mots alloués à chaque partie, l’important étant que le public puisse comprendre les divers points de vue des parties en présence. À ce sujet, dans le dossier D2015-05-138, qui visait la couverture journalistique d’un procès, il était reproché au journaliste de n’avoir pas accordé le même poids au point de vue de la défense qu’à celui de la Couronne. L’accusé estimait que ses arguments étaient moins étayés que ceux de la poursuite. Dans sa décision, le Conseil avait estimé qu’en dépit de la présence moins importante des points de vue de la défense, aucun élément essentiel à la compréhension du public n’avait été omis dans l’article. En conséquence, aux yeux du Conseil, le journaliste avait traité l’information de façon équilibrée et complète.
Dans le cas présent, les divers points de vues des parties en présence se retrouvaient dans l’article, juge le Conseil.
Grief 2 : incomplétude
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information – « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » (article 9 e) du Guide)
Décision
Le Conseil rejette le grief d’incomplétude, car il juge que le journaliste a respecté l’article 9 e).
Analyse
Mme Lessard aurait souhaité que l’article contienne certains éléments de la réintégration au travail de l’infirmière. Elle estime que l’article est incomplet parce qu’il n’aborde pas « les raisons de la réintégration au travail de l’infirmière et ce sans restriction, les appuis de ses supérieurs, des ressources humaines de l’hôpital, etc. »
En déontologie journalistique, une faute d’incomplétude représente l’omission d’une information essentielle à la compréhension du reportage. Dans le dossier D2016-07-013, le Conseil rappelle que sa jurisprudence « n’impose pas aux journalistes de couvrir tous les angles d’une nouvelle, mais plutôt de s’assurer d’en présenter les éléments essentiels à la compréhension des faits par le lecteur ».
Dans le cas présent, le Conseil considère que les éléments soulevés par la plaignante n’étaient pas essentiels à la bonne compréhension de l’article, dont le sujet était la reconnaissance de culpabilité de l’infirmière.
Grief 3 : sensationnalisme
Principe déontologique applicable
Sensationnalisme – « Les journalistes et les médias d’information ne déforment pas la réalité, en exagérant ou en interprétant abusivement la portée des faits et des événements qu’ils rapportent. » (article 14.1 du Guide)
Décision
Le Conseil rejette le grief de sensationnalisme.
Analyse
Mme Lessard se « questionne fortement à savoir s’il s’agit d’un article dans le but de faire du sensationnalisme », car « aucune accusation judiciaire n’a été portée et le média en question fait autant de place à cet article que s’il en était le cas ».
Le Conseil ne constate aucune déformation de la réalité. Les faits présentés étaient, par ailleurs, de nature publique.
De plus, le Conseil rappelle que « la liberté de presse exige que les médias d’information et les journalistes jouissent d’une liberté éditoriale et donc que les choix relatifs au contenu, à la forme, ainsi qu’au moment de publication ou de diffusion de l’information relèvent de la prérogative des médias d’informations et des journalistes ». (préambule c) du Guide) Ainsi, le grief de sensationnalisme est rejeté.
Le journal était donc libre de traiter de ce cas de reconnaissance de culpabilité d’une infirmière devant un conseil de discipline comme étant un sujet d’intérêt public méritant une couverture médiatique et cela, même si elle ne faisait face à aucun chef d’accusation.
Note
Les mis en cause n’ont soumis aucune réplique à la présente plainte. Le Conseil regrette le manque de collaboration du Journal de Montréal et de TVA Nouvelles.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Mme Lessard contre la journaliste Héloïse Archambault, le Journal de Montréal et TVA Nouvelles pour les griefs de manque d’équilibre, d’incomplétude et de sensationnalisme.
Michel Loyer
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Mme Ericka Alnéus
Mme Renée Lamontagne
M. Michel Loyer
M. Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
M. Simon Chabot
M. Martin Francoeur
Représentants des entreprises de presse :
M. Pierre-Paul Noreau
Mme Nicole Tardif