Plaignant
José Breton
Fondation Belles rondeurs, Productions Belles rondeurs et www.missplump.net
Mis en cause
Anne-Louise Despatie, journaliste
Myriam Fimbry, journaliste
Le Téléjournal d’ICI Radio-Canada
Le Radiojournal d’ICI Radio-Canada
ICI Radio-Canada
Résumé de la plainte
José Breton dépose une plainte le 20 avril 2018 contre les journalistes Anne-Louise Despatie et Myriam Fimbry, le Téléjournal d’ICI Radio-Canada, le Radiojournal d’ICI Radio-Canada ainsi qu’ICI Radio-Canada concernant les reportages télé et radio – respectivement intitulés « L’efficacité d’une taxe sur les boissons sucrées » et « Une vaste étude fournit des arguments à ceux qui réclament l’imposition de taxes plus élevées sur les boissons sucrées » – diffusés le 4 avril 2018. Le plaignant reproche un manque d’indépendance, des inexactitudes et une confusion des genres journalistiques.
CONTEXTE
Les journalistes Anne-Louise Despatie et Myriam Fimbry rapportent les conclusions d’une analyse publiée par la revue scientifique médicale The Lancet qui met en évidence l’efficacité des politiques visant à taxer les produits malsains pour la santé (tabac, alcool, boissons sucrées et collations) dans l’adoption de saines habitudes de vie et la prévention de certaines maladies.
Dans son reportage télévisuel, Anne-Louise Despatie traite la nouvelle sous l’angle de la taxation des boissons sucrées et recueille les réactions à cette étude du directeur de la prévention à l’Institut de Cardiologie de Montréal, le Dr Martin Juneau, de la directrice de la Coalition québécoise sur la problématique du poids, Corinne Voyer, et du chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), Bertrand Schepper.
Dans son reportage radio, Myriam Fimbry adopte le même angle que sa collègue et rapporte les réactions du Dr Martin Juneau et de Bertrand Schepper à l’étude de The Lancet.
Analyse
Grief 1 : manque d’indépendance
Principe déontologique applicable
Influence des préoccupations politiques, idéologiques et commerciales : « Les médias d’information ne laissent, en aucun cas, leurs intérêts commerciaux, politiques, idéologiques ou autres primer sur l’intérêt légitime du public à une information de qualité, ni ne restreignent l’indépendance professionnelle des journalistes. » (article 6.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont manqué d’indépendance dans le traitement de l’information en faisant primer des intérêts idéologiques sur l’intérêt du public à une information de qualité.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de manque d’indépendance, car il juge que les journalistes n’ont pas contrevenu à l’article 6.2 du Guide.
Analyse
Bien que le plaignant affirme que le service des nouvelles de Radio-Canada s’est « placé au service d’un groupe de pression en diffusant une fausse nouvelle seulement pour soutenir l’opinion de ce groupe de pression », le Conseil observe qu’il n’apporte pas la preuve de l’existence de ce groupe de pression ni de quelque lien qu’un tel groupe, s’il existait, aurait eu avec Radio-Canada.
Le Conseil constate que les journalistes en cause rapportent de manière factuelle les conclusions de l’étude de la revue scientifique The Lancet dont il est question dans leurs reportages.
Grief 2 : informations inexactes
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a), Guide)
2.1 Étude scientifique ou billet éditorial
Le Conseil doit déterminer si les journalistes ont manqué à leur devoir d’exactitude en rapportant que le texte publié dans The Lancet, auquel leurs reportages font référence, est une nouvelle étude scientifique.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que les mis en cause n’ont pas contrevenu à l’article 9 alinéa a du Guide.
Analyse
Le plaignant affirme qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle étude, mais d’« un billet éditorial après consultation de recherches déjà faites sur les dangers du sucre ». Or, le document auquel les deux journalistes font référence est une méta-analyse de 68 études scientifiques sur l’efficacité des politiques de prévention des maladies chroniques visant à taxer les produits malsains pour la santé (tabac, alcool, boissons sucrées et collations). Le Conseil estime donc que les allégations du plaignant ne sont pas fondées.
La méta-analyse étant une démarche scientifique reconnue en tant que telle, le texte publié par The Lancet aurait pu être qualifié de nouvelle étude, expression qui n’est d’ailleurs pas employée dans les deux reportages en cause, remarque le Conseil. Il constate également que les reportages en cause ont été diffusés le jour même de la publication de l’étude par The Lancet, alors que le « billet éditorial » auquel le plaignant fait référence a été publié en décembre 2016.
2.2 Effet de la taxation des boissons sucrées sur la santé
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont rapporté une information inexacte en indiquant que le texte publié dans The Lancet conclut que la taxation des boissons sucrées a un impact positif sur la santé.
Décision
Le Conseil rejette le grief d’information inexacte sur ce point, car il juge que les mis en cause n’ont pas contrevenu à l’article 9 alinéa a du Guide.
Analyse
José Breton prétend qu’« il n’existe pas d’étude démontrant que taxer les boissons sucrées améliorerait le niveau de santé d’une population » et considère qu’« encourager les gens à manger moins de sucre leur ferait perdre du poids et les rendrait en meilleure santé ne constitue qu’une opinion non basée sur de réels faits ». Le Conseil observe cependant que l’étude de The Lancet dont il est question montre que les taxes sur les produits malsains pour la santé (comme les boissons sucrées) ont un impact positif sur la prévention de certaines maladies et donc améliorent la santé des personnes concernées. Le Conseil constate également que des études scientifiques font le lien entre consommation de sucre et perte de poids alors que d’autres montrent que l’on est en meilleure en santé lorsqu’on a un poids équilibré.
Dans le cas présent, le Conseil estime que les deux reportages en cause sont fidèles à la réalité telle qu’elle est présentée dans l’étude publiée par The Lancet, une revue scientifique médicale britannique de renommée internationale, à laquelle pouvaient se fier les journalistes mis en cause.
Le Conseil a déjà souligné à M. Breton, dans une décision antérieure (D2017-04-062) qui concernait un reportage sur les impacts de la consommation de boissons sucrées au Canada, « qu’aucune étude scientifique crédible ne démontre que les boissons sucrées seraient inoffensives pour la santé » et qu’il « existe un très large consensus au sein du milieu médical et de la communauté scientifique autour des risques liés à une trop grande consommation de sucre ». Le Conseil rappelle ici à M. Breton que le fait pour un journaliste de présenter les résultats d’une étude scientifique ne constitue pas une faute, même si le plaignant n’est pas d’accord avec les conclusions de l’étude.
Grief 3 : confusion des genres journalistiques
Principe déontologique applicable
Genres journalistiques : « Le genre journalistique pratiqué doit être facilement identifiable afin que le public ne soit pas induit en erreur. » (article 10 (2), Guide)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont correctement identifié le genre journalistique du reportage d’Anne-Louise Despatie.
Décision
Le Conseil rejette le grief de confusion des genres journalistiques, car il juge que les mis en cause n’ont pas contrevenu à l’article du 10 (2) du Guide.
Analyse
Même si le plaignant affirme que le reportage d’Anne-Louise Despatie « n’en est pas un, parce qu’il ne contenait aucun fait, il n’a été qu’un éditorial en faveur de l’opinion des gens qui sont en faveur d’une taxe sur les boissons sucrées », le Conseil constate qu’aucun élément de ce reportage ne correspond à du journalisme d’opinion. Après avoir exposé les faits, la journaliste les a mis en perspective en faisant intervenir des experts et aucun élément de son reportage ne crée de la confusion quant au genre journalistique pratiqué.
Commentaire
Le Conseil tient une nouvelle fois à rappeler à José Breton que même s’il estime que le sucre n’a pas d’effet néfaste sur la santé de celles et ceux qui en consomment – opinion qui a été le fondement de plusieurs plaintes de M. Breton ayant été rejetées par le Conseil de presse -, les journalistes ne commettent aucune faute déontologique du simple fait de rapporter les conclusions d’études scientifiques qui font un lien entre consommation de sucre et risques pour la santé.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de José Breton contre les journalistes Anne-Louise Despatie et Myriam Fimbry, le Téléjournal d’ICI Radio-Canada, le Radiojournal d’ICI Radio-Canada ainsi qu’ICI Radio-Canada pour les griefs de manque d’indépendance, d’inexactitudes et de confusion des genres journalistiques.
Michel Loyer
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public
Ericka Alneus
Paul Chénard
Richard Nardozza
Michel Loyer
Représentant des journalistes :
Simon Chabot
Représentantes des entreprises de presse :
Marie-Andrée Prévost
Nicole Tardif