Plaignant
François Gosselin
Mis en cause
Joseph Facal, chroniqueur
Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
François Gosselin dépose une plainte le 14 février 2019 contre le chroniqueur Joseph Facal et le site Internet journaldemontreal.com concernant l’article intitulé « Les Bissonnette ont raison », publié le même jour. Le plaignant reproche une information inexacte et de la discrimination.
CONTEXTE
Le 8 février 2019, l’auteur de la tuerie de la Grande Mosquée de Québec, Alexandre Bissonnette, est condamné à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 40 ans. Deux jours après, ses parents envoient une lettre ouverte aux médias dans laquelle ils jugent cette peine « très sévère ». Le surlendemain, le chroniqueur Joseph Facal soutient qu’ils « ont raison » et répond à ceux qui considèrent cette peine comme insatisfaisante.
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEFS DU PLAIGNANT
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 a) du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le chroniqueur a manqué à son devoir d’exactitude en écrivant : « Ici, nous ne sommes pas non plus au Moyen-Orient, où le droit criminel est fondé sur la loi du talion et la rétribution vengeresse. »
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’information inexacte, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 a) du Guide.
Analyse
François Gosselin affirme que Joseph Facal tient des « propos erronés », car les proches des victimes « n’ont jamais réclamé une justice alternative telle que celle qui se trouve dans un pays étranger, au Moyen-Orient ou ailleurs ». Cependant, le Conseil constate que le plaignant fonde son argumentation sur une perception erronée en prêtant au chroniqueur une affirmation qu’il n’a pas écrite.
Le Conseil observe par ailleurs que François Gosselin n’explique pas pourquoi l’information prétendument rapportée par Joseph Facal est inexacte. Au demeurant, le Conseil estime que même si l’affirmation du chroniqueur manque de nuance, elle n’est pas pour autant inexacte puisqu’il existe des endroits au Moyen-Orient où la loi du talion s’applique.
Grief 2 : discrimination
Principe déontologique applicable
Discrimination : « (1) Les journalistes et les médias d’information s’abstiennent d’utiliser, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés. » (article 19 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le chroniqueur utilise, à l’endroit de personnes ou de groupes, des représentations ou des termes qui tendent, sur la base d’un motif discriminatoire, à susciter ou attiser la haine et le mépris, à encourager la violence ou à entretenir les préjugés dans le passage suivant : « Mais nous ne sommes pas au Texas. Ici, nous ne sommes pas non plus au Moyen-Orient, où le droit criminel est fondé sur la loi du talion et la rétribution vengeresse. Dans ces pays, la justice n’a rien à cirer de notre article 718 du Code criminel, qui permet la prise en compte de l’état de santé du condamné, ou de l’article 12 de la charte canadienne sur la protection contre les “châtiments cruels et inusités”. Nous ne sommes pas dans une de ces sociétés où, après un attentat terroriste en Occident, des foules haineuses et en liesse descendent dans la rue pour fêter le geste du “héros”. Ici, rien de tel après l’horreur. Je répète qu’on peut comprendre la douleur de ces gens. Mais il leur revient de comprendre l’éthique fondamentale de la société qui leur a ouvert ses bras. »
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de discrimination, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 19 (1) du Guide.
Analyse
Le plaignant estime que le chroniqueur « crée une dichotomie entre les musulmans et celles et ceux qu’il évalue « de souche » » et qu’il tient des propos « racistes ».
Après analyse, le Conseil considère que si les propos de Joseph Facal peuvent paraître cinglants, ils ne sont pas pour autant de nature à susciter ou à attiser la haine ou le mépris, pas plus qu’ils n’encouragent à la violence ou n’entretiennent des préjugés envers les musulmans.
Le Conseil rappelle que les journalistes d’opinion disposent d’une grande latitude dans le choix du style et du ton qu’ils adoptent. Dans le cas présent, on peut juger que les propos de Joseph Facal manquent de sensibilité envers les proches des victimes d’Alexandre Bissonnette, mais il s’agit toutefois de l’opinion du chroniqueur et il avait la liberté de l’exprimer.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal, qui n’est pas membre du Conseil de presse, en ne répondant pas à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de François Gosselin contre le chroniqueur Joseph Facal et le site Internet journaldemontreal.com concernant les griefs d’information inexacte et de discrimination.
Michel Loyer
Président du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Michel Loyer
Richard Nardozza
Représentants des journalistes :
Simon Chabot
Martin Francoeur
Représentants des entreprises de presse :
Pierre Champoux
Pierre-Paul Noreau