Plaignant
Jean-Michel Smolsky
Yves Boyer
Mis en cause
John Jantak, journaliste
The Journal
Résumé de la plainte
Jean-Michel Smolsky et Yves Boyer déposent une plainte le 31 janvier et le 14 février 2019 contre le journaliste John Jantak et The Journal pour un article intitulé « Two Vaudreuil-Dorion residents voice opposition to proposed Muslim cemetery » (Deux résidents de Vaudreuil-Dorion s’opposent au projet de cimetière musulman), publié le 24 janvier 2019. Ils déplorent de la partialité, un manque d’équité et un manque d’équilibre.
CONTEXTE
Le journaliste John Jantak rapporte des discussions survenues lors de la période de questions du public au conseil municipal de Vaudreuil-Dorion du 21 janvier 2019 relativement à la possibilité d’établir un cimetière musulman dans la municipalité. Ces échanges interviennent entre deux citoyens – Jean-Michel Smolsky et Yves Boyer (les plaignants dans ce dossier), qui ont manifesté leur opposition à un projet de cimetière musulman – et le maire de la municipalité, Guy Pilon, qui appuie ce projet porté par un propriétaire privé.
Analyse
Grief 1 : partialité
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : c) impartialité : absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier. » (article 9 alinéa c du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec).
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a manqué à son devoir d’impartialité en employant dans son article le terme « raciste » en faisant référence à l’attitude de MM. Boyer et Smolsky relativement à un projet de cimetière musulman, dans le passage suivant : « Mayor Guy Pilon didn’t mince words when he criticized two citizens for their blatant racist attitude after they said they opposed plans to build a Muslim cemetery next to an existing Catholic cemetery in Vaudreuil-Dorion. » (Le maire Guy Pilon n’a pas mâché ses mots pour critiquer l’attitude raciste flagrante de deux citoyens après qu’ils se sont opposés au projet de construire un cimetière musulman à proximité d’un cimetière catholique existant à Vaudreuil-Dorion).
Décision
Le Conseil de presse retient le grief de partialité, car il juge que le journaliste a contrevenu à l’article 9 c) du Guide.
Analyse
Dans leur réplique au Conseil de presse, les mis en cause affirment que le maire Guy Pilon et des conseillers présents au conseil municipal ont fait référence à M. Boyer et à M. Smolsky comme étant « racistes », lors de conversations tenues en marge du conseil municipal. Cependant, rien n’indique dans le passage en cause que ces propos aient été tenus plus tard. Qui plus est, le paragraphe suivant fait clairement référence à la période de questions du conseil municipal du 21 janvier. John Jantak écrit : « Residents Yves Boyer, a former municipal councillor, and Jean-Michel Smolsky voiced their opposition during the second question period at the Monday evening council period on January 21. (Les résidents Yves Boyer, ancien conseiller municipal, et Jean-Michel Smolsky ont manifesté leur opposition lors de la deuxième période de questions de la séance du conseil municipal du lundi 21 janvier.) » Aucune indication voulant que le maire ait tenu de tels propos en marge du conseil municipal n’y est apportée. À l’écoute de l’enregistrement de la séance, le Conseil de presse constate que le maire n’a pas traité certains citoyens de racistes ni même insinué qu’ils pouvaient l’être.
Par ailleurs, le Conseil de presse juge que si, comme l’avancent les mis en cause, le terme « raciste » avait été utilisé par le maire et des conseillers en marge de la séance du conseil municipal, le journaliste aurait dû attribuer ces propos à qui de droit.
Le mot raciste n’est pas neutre, il comporte un jugement de valeur et, même si le journaliste paraphrasait les propos d’élus, le fait que ce terme ne soit pas accompagné de guillemets laisse transparaître de la partialité puisqu’il semble provenir de la plume du journaliste, juge le Conseil.
Les plaignants avançaient également que le journaliste avait été partial en les qualifiant d’intolérants. Toutefois, le Conseil a constaté que ce mot n’était pas utilisé dans l’article en cause.
Grief 2 : manque d’équité
Principe déontologique applicable
Équité : « Les journalistes et les médias d’information traitent avec équité les personnes et les groupes qui font l’objet de l’information ou avec lesquels ils sont en interaction. » (article 17 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a manqué à son devoir d’équité.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de manque d’équité.
Analyse
Les plaignants reprochent au mis en cause de ne pas leur avoir demandé l’autorisation de publier leurs noms dans son article. Or, MM. Boyer et Smolsky ont pris la parole dans une assemblée publique, en l’occurrence lors de la période de questions du public au conseil municipal de Vaudreuil-Dorion du 21 janvier 2019. Ces deux citoyens se sont présentés au moment de prendre la parole, tel que le requiert le processus entourant la période de questions.
Le Conseil a déjà rappelé le caractère public des séances municipales, notamment dans le dossier D2018-01-004 : « Un conseil municipal est une assemblée publique. Les médias d’information et les journalistes, en diffusant les images et le contenu de ces rencontres publiques, exercent leur travail fondamental d’informer les citoyens ».
De la même façon, dans le cas présent, le Conseil juge que les deux plaignants, en s’exprimant devant une assemblée publique, devaient s’attendre à être cités et à ce que leurs propos soient rapportés dans les médias.
Grief 3 : manque d’équilibre
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : d) équilibre : dans le traitement d’un sujet, présentation d’une juste pondération du point de vue des parties en présence. » (article 9 alinéa d du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le journaliste a manqué à son devoir d’équilibre.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de manque d’équilibre.
Analyse
Bien que les plaignants reprochent au journaliste de ne pas les avoir contactés pour avoir leur opinion ou des précisions sur les questions qu’ils ont posées au conseil municipal et « qu’un seul côté de la médaille [ait] suffi [au journaliste] », le Conseil constate que leur point de vue est largement exposé dans l’article et conclut que le journaliste n’a pas manqué à son devoir d’équilibre.
Dans la décision D2015-05-138, qui visait la couverture journalistique d’un procès, il était reproché au journaliste de n’avoir pas accordé le même poids au point de vue de la défense qu’à celui de la Couronne. L’accusé estimait que ses arguments étaient moins étayés que ceux de la poursuite. Le Conseil avait estimé qu’en dépit de la présence moins importante des points de vue de la défense, aucun élément essentiel à la compréhension de l’article n’avait été omis. Dans le cas présent, les points de vue des deux plaignants sont largement repris dans l’article mis en cause.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Jean-Michel Smolsky et d’Yves Boyer et blâme le journaliste John Jantak et The Journal pour partialité. Le Conseil rejette les griefs de manque d’équité et de manque d’équilibre.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Paul Chénard
Renée Lamontagne
Représentants des journalistes :
Lisa-Marie Gervais
Simon Chabot
Représentants des entreprises de presse :
Jed Kahane
Éric Trottier