Plaignant
Raphaël Gaudet Boily
Un plaignant en appui
Mis en cause
Dominic Maurais, animateur et chroniqueur
CHOI 98,1 Radio X
RNC Media
Résumé de la plainte
Raphaël Gaudet Boily et une autre personne déposent une plainte le 29 avril et le 14 mai 2019 contre l’animateur et chroniqueur Dominic Maurais et CHOI 98,1 Radio X concernant l’émission « Maurais Live », diffusée le 23 avril 2019. Les plaignants déplorent de l’information inexacte, un manque de rigueur de raisonnement, de l’incomplétude, un manque de courtoisie, une absence de correction des erreurs, de la partialité et un manque d’équilibre.
CONTEXTE
Lors de l’émission « Maurais Live » du 23 avril 2019 sur les ondes de Radio X, Dominic Maurais commente, en compagnie de Dany Gravel et Laurent Gaulin (qui ne sont pas mis en cause), les déclarations d’une étudiante mobilisée pour le climat, Sarah Montpetit, et donne son point de vue sur les revendications de certains Québécois concernant la lutte contre les changements climatiques. Il estime que celles-ci sont vaines puisque le « Québec ne compte pas » à l’échelle de la planète et qu’agir au Québec ferait « zéro différence sur le climat ». Pour le chroniqueur, ces revendications témoignent d’« une grande vague de maladie mentale ».
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEFS DU PLAIGNANT
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » ( article 9 alinéa a du Guide)
Le Conseil doit déterminer si Dominic Maurais a manqué à son devoir d’exactitude en qualifiant les manifestants pour le climat de personnes souffrant d’anxiété.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’information inexacte, car il juge que l’animateur n’a pas contrevenu à l’article 9 alinéa a du Guide.
Analyse
Bien que Raphaël Gaudet Boily déplore que Dominic Maurais « qualifie la vague de manifestations pour l’environnement du 22 avril de « vague de maladie mentale » [et qu’il] suggère aussi que les jeunes qui se mobilisent pour l’environnement sont des personnes souffrant d’anxiété », le Conseil constate que le chroniqueur ne rapporte pas une information, mais qu’il partage son opinion au sujet des appels à l’action pour réduire le réchauffement climatique. Ses propos expriment clairement un jugement de valeur qui implique une évaluation et une appréciation subjective, souligne le Conseil qui rappelle que les journalistes d’opinion disposent d’une grande latitude pour émettre leurs points de vue.
Comme le plaignant l’indique, Dominic Maurais ne « dispose pas de l’autorité médicale nécessaire » pour poser un diagnostic au sujet des personnes qui se préoccupent des changements climatiques. Mais M. Maurais ne prétend pas être médecin et il ne pose pas ici de diagnostic médical. Il utilise plutôt une figure de style pour exprimer son opinion selon laquelle les manifestants s’en font beaucoup trop pour les changements climatiques.
Grief 2 : manque de rigueur de raisonnement
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : b) rigueur de raisonnement. » ( article 9 alinéa b du Guide)
Le Conseil doit déterminer si Dominic Maurais a manqué de rigueur de raisonnement en affirmant, au sujet des préoccupations environnementales de certains Québécois : « On est en train de vivre une grande vague de maladie mentale ».
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de manque de rigueur de raisonnement, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 9 alinéa b du Guide.
Analyse
Le plaignant estime que Dominic Maurais vise les manifestations pour l’environnement du 22 avril 2019 lorsqu’il déclare : « On est en train de vivre une grande vague de maladie mentale ». Cependant, après analyse de l’extrait en cause, le Conseil constate que les propos de l’animateur ne visent pas spécifiquement les manifestations organisées ce jour-là, mais qu’ils concernent plus généralement les préoccupations environnementales de la population, tel que le témoigne, par exemple, ce passage : « Donnez-moi des faits. Si demain matin, le Québec cesse de vivre, cesse de produire quelque richesse que ce soit, interdit les voitures, je l’ai dit donc. On bannit les avions et tout. Ça change quoi? Tsé, quand je vous dit gogo, gaga gougou là. C’est complètement farfelu, c’est out there. Je m’en viens quasiment à me demander si c’est vraiment pas un cas de maladie mentale. L’anxiété, c’est un cas de maladie mentale. L’anxiété extrême… »
Dominic Maurais justifie son affirmation en détaillant sa pensée. Pour lui, il est inutile que le Québec agisse pour atténuer les changements climatiques, car cela n’aurait pas d’impact à l’échelle de la planète. Vouloir que le Québec en fasse davantage pour le climat relève ainsi de la « maladie mentale », selon le chroniqueur. Dans sa critique acerbe de tous ceux qui se préoccupent de l’environnement, il y a une certaine logique qui part de sa prémisse que nos actions n’ont aucun impact sur les changements climatiques. Cette opinion, même si elle va à l’encontre du consensus scientifique et de l’opinion de bien des gens, lui appartient et la liberté d’expression lui permet de la diffuser. Le Conseil ne saurait voir de manque de rigueur de raisonnement dans les termes employés par le chroniqueur pour partager son opinion.
Grief 3 : incomplétude
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : e) complétude : dans le traitement d’un sujet, présentation des éléments essentiels à sa bonne compréhension, tout en respectant la liberté éditoriale du média. » ( article 9 alinéa e du Guide)
Le Conseil doit déterminer si Dominic Maurais a omis des informations essentielles en n’expliquant pas pourquoi certains Québécois se préoccupent des changements climatiques.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’incomplétude, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu au principe déontologique énoncé à l’article 9, alinéa e, du Guide.
Analyse
Comme le soutient Raphaël Gaudet Boily, Dominic Maurais ne présente effectivement pas les éléments nécessaires à la compréhension des changements climatiques. Toutefois, le Conseil considère que le journaliste n’était pas tenu de les présenter puisque, dans le passage visé par le plaignant, il raille les manifestants et leurs préoccupations pour l’environnement, sans traiter spécifiquement des changements climatiques. Il n’avait donc pas l’obligation déontologique de présenter les tenants et aboutissants de cet enjeu particulier, puisque ce n’était pas l’angle choisi pour cette portion d’émission et que ce choix relève de la liberté éditoriale du média.
Grief 4 : manque de courtoisie
Principe déontologique applicable
Interactions avec le public : « Les journalistes et les médias d’information font preuve de courtoisie dans leurs rapports avec le public. » ( article 27 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si Dominic Maurais a manqué de courtoisie dans ses rapports avec le public.
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief de manque de courtoisie, car il juge que le journaliste n’a pas contrevenu à l’article 27 du Guide.
Analyse
Raphaël Gaudet Boily estime que Dominic Maurais a manqué de courtoisie vis-à-vis des manifestants pour l’environnement en suggérant qu’ils « présentent des troubles mentaux ». Cependant, le principe déontologique visé par le plaignant ne s’applique pas au cas présent. Tel qu’énoncé par l’article 27 du Guide, la courtoisie concerne les interactions des journalistes avec le public, or Dominic Maurais n’interagit pas avec les manifestants, il exprime plutôt son opinion à leur sujet.
Le Conseil rappelle que les chroniqueurs disposent d’une grande latitude pour exprimer leurs points de vue et le fait qu’ils critiquent une personne, ou un groupe de personnes, n’est pas constitutif d’un manque de courtoisie.
Grief 5 : correction des erreurs
Principe déontologique applicable
Correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » (article 27.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont manqué à leur devoir déontologique en matière de correction des erreurs.
Décision
Le Conseil n’ayant constaté aucun manquement déontologique, il rejette le grief de correctif insuffisant.
Griefs non traités : partialité et manque d’équilibre
Bien que le plaignant reproche aux mis en cause d’avoir « un parti pris » et de « caricaturer la vision des manifestations », ces griefs de partialité et de manque d’équilibre ne sont pas traités puisque les journalistes d’opinion ne sont pas soumis à ces obligations déontologiques, comme stipulé à l’article 10.2 (3) du Guide.
Note
Les mis en cause n’ont soumis aucune réplique à la présente plainte. Le Conseil regrette le manque de collaboration de CHOI 98,1 Radio X.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Raphaël Gaudet Boily contre l’animateur et chroniqueur Dominic Maurais et CHOI 98,1 Radio X concernant les griefs d’information inexacte, de manque de rigueur de raisonnement, d’incomplétude, de manque de courtoisie et d’absence de correction des erreurs.
Renée Lamontagne
Présidente du comité des plaintes
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Paul Chénard
Renée Lamontagne
Représentants des journalistes :
Simon Chabot
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Jed Kahane
Éric Trottier