Plaignant
Jacques Langevin
Mis en cause
André-Philippe Côté, caricaturiste
Le quotidien Le Soleil
Résumé de la plainte
Jacques Langevin dépose une plainte le 10 octobre 2019 contre le caricaturiste André-Philippe Côté et le quotidien Le Soleil concernant une caricature publiée le 6 octobre 2019. Le plaignant dénonce de l’information inexacte.
CONTEXTE
La caricature mise en cause s’inscrit dans la foulée de la promesse faite par le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, le 21 septembre 2019, d’interdire les armes d’assaut s’il est reconduit à la tête du gouvernement canadien après les élections fédérales du 21 octobre 2019.
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEF DU PLAIGNANT
Grief 1 : Information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. » (article 9 a) du Guide).
Le Conseil doit déterminer si le caricaturiste et le média ont manqué à leur devoir d’exactitude en publiant une caricature montrant un chasseur en train de viser puis de tirer sur un orignal avec une arme de type militaire, tout en disant dans chacune des trois vignettes, respectivement : « Trudeau veut interdire les armes d’assaut », « Pourquoi? » et « On s’en sert pour la chasse. »
Décision
Le Conseil de presse rejette le grief d’inexactitude, car il juge que le caricaturiste et le média n’ont pas contrevenu à l’article 9 a) du Guide.
Analyse
Le plaignant reproche au caricaturiste « une caricature fausse et mensongère, laissant croire aux lecteurs que les chasseurs désirent posséder pour la chasse des armes de configuration militaire tirant en mode complètement automatique ».
Il avance également que « les chargeurs grande capacité pouvant contenir plus de 5 cartouches pour les armes semi-automatiques longues sont complètement prohibés par le Code criminel, et [que] toute infraction est passible de prison. »
Les mis en cause répondent que « la liberté éditoriale du caricaturiste lui permet de donner son opinion sur une situation, [de] s’en moquer, [de] la détourner à des fins comiques menant à une critique ou à une réflexion. »
Avant d’analyser le présent cas, il importe de rappeler que la caricature a un statut spécial au sein du journalisme d’opinion. Le caricaturiste jouit d’une liberté éditoriale et artistique qui lui permettent non seulement de donner son opinion sur une situation, mais de créer des situations irréalistes pour susciter une réflexion sur un sujet d’actualité.
L’essence même du caricaturiste est d’exagérer les situations ou les faits; si on ne lui permet pas de faire cela, on dénature le processus même de la caricature.
Dans le présent dossier, la caricature fait directement écho aux propos tenus par le premier ministre Justin Trudeau dans un discours électoral, prononcé le 20 septembre 2019, annonçant son intention de bannir les armes d’assaut s’il est réélu à la tête du pays : « […] nous allons continuer de respecter les agriculteurs et les chasseurs canadiens […] Mais nous savons que vous [les agriculteurs et les chasseurs] n’avez pas besoin d’une arme d’assaut de type militaire conçue pour tuer le plus de gens dans les plus brefs délais pour tuer un chevreuil. »
Cette caricature expose une situation qui n’a pas pour but de refléter la réalité, et ne doit pas être interprétée de manière littérale puisque les chasseurs n’utilisent pas de telles armes. Il s’agit bien, par conséquent, d’une scène comique et d’une démonstration par l’absurde, comme les mis en cause l’expriment.
Malgré l’interprétation qu’en fait le plaignant, la caricature mise en cause ne dit pas que les chasseurs « désirent » posséder des armes de type militaire. La caricature illustre les propos tenus par Justin Trudeau en montrant l’absurdité qui consisterait à utiliser une arme de type militaire pour la chasse.
Plus généralement, le Conseil met en garde contre une interprétation au premier degré des caricatures. Le travail du caricaturiste consiste précisément à exagérer ou inventer des situations pour pousser à la réflexion ou susciter le débat. Chacun peut ensuite interpréter la caricature à sa manière.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Jacques Langevin contre André-Philippe Côté et Le Soleil concernant le grief d’information inexacte.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Luc Grenier
Linda Taklit, présidente du comité des plaintes
Représentants des journalistes :
Lisa-Marie Gervais
Simon Chabot-Blain
Représentants des entreprises de presse :
Jeanne Dompierre
Éric Trottier