Plaignant
Dietrik Reinhardt
Mis en cause
Denise Bombardier, chroniqueuse
Le Journal de Montréal
Résumé de la plainte
Dietrik Reinhardt dépose une plainte le 8 mai 2020 au sujet de la chronique « 90 % » de la chroniqueuse Denise Bombardier publiée sur le site web du Journal de Montréal, le même jour. Le plaignant déplore une information inexacte.
CONTEXTE
La chronique mise en cause a été publiée au cours de la première vague de la pandémie de COVID-19. À ce moment, les décès étaient nombreux dans les résidences pour personnes âgées et les CHSLD. Dans sa chronique, Denise Bombardier déplore que les personnes âgées vivant dans les CHSLD meurent dans l’indifférence. Elle évoque les raisons qui pourraient expliquer le désintérêt de la population pour les enjeux liés à ces établissements de soins de longue durée.
Analyse
PRINCIPE DÉONTOLOGIQUE RELIÉ AU JOURNALISME D’OPINION
Journalisme d’opinion : (1) Le journaliste d’opinion exprime ses points de vue, commentaires, prises de position, critiques ou opinions en disposant, pour ce faire, d’une grande latitude dans le choix du ton et du style qu’il adopte. (2) Le journaliste d’opinion expose les faits les plus pertinents sur lesquels il fonde son opinion, à moins que ceux-ci ne soient déjà connus du public, et doit expliciter le raisonnement qui la justifie. (3) L’information qu’il présente est exacte, rigoureuse dans son raisonnement et complète, tel que défini à l’article 9 du présent Guide. (article 10.2 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
GRIEF DU PLAIGNANT
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité ». (article 9 alinéa a du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si la chroniqueuse a transmis de l’information inexacte dans le passage suivant : « Cette pandémie fait mourir, ici comme ailleurs, environ 90 % des personnes âgées de plus de 65 ans. »
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient le grief d’information inexacte.
Analyse
Le plaignant affirme que le chiffre « 90% » est erroné, car il n’est pas vrai que 90% des personnes âgées de plus de 65 ans meurent de la COVID. Il fait valoir qu’en date du 20 juillet 2020, les données sur les décès dus à la COVID-19 étaient de moins de 10 000 morts au Canada depuis le début de la pandémie. Or, « il y [a] environ 1,5 million de personnes de plus de 65 ans au Québec. Avez-vous vu 1,35 million de morts ici (qui représentent 90% de nos aînés) ? », demande-t-il.
La démonstration du plaignant est exacte. En affirmant que la COVID-19 faisait mourir 90 % des personnes de plus de 65 ans, la chroniqueuse était très loin de la réalité.
Au Québec, environ 19 % de la population québécoise est âgée de 65 ans et plus, selon les chiffres les plus récents de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Cela représente plus de 1 600 000 personnes. Si on applique l’information présentée par la chroniqueuse voulant que « cette pandémie fait mourir […] environ 90 % des personnes âgées de plus de 65 ans », cela signifierait qu’il y aurait eu plus de 1 400 000 décès de personnes âgées de 65 ans et plus. Or, au moment de la publication de la chronique, le total cumulatif des décès liés à la COVID-19 au Québec (tous âges confondus) était de 3668, ce qui est sans commune mesure.
Cette énorme différence a induit le public en erreur, à un moment où la société entière s’inquiétait grandement des ravages de la COVID-19 sur les personnes âgées. La réalité était tout autre, comme dans le dossier D2019-08-107 qui portait sur un article inexact au sujet du nombre d’accouchements assistés par des sages-femmes. Les données obtenues auprès de l’Institut de la statistique du Québec montraient qu’il y avait eu 1135 (non pas 44) accouchements assistés par sages-femmes en 2004 au Québec et 2614 (non pas 511) en 2016. Dans cette décision antérieure, le Conseil faisait valoir qu’il s’agissait « d’une erreur de faits significative qui affect[ait] la compréhension du sujet, car il exist[ait] une marge considérable entre les chiffres rapportés par la journaliste et la réalité ». C’est également le cas dans le présent dossier où l’affirmation de la chroniqueuse laisse croire, avec ces « 90 % », que la COVID-19 tue la quasi-totalité des personnes de plus de 65 ans, ce qui est loin d’être vrai.
Note
Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal qui n’est pas membre du Conseil de presse, et qui n’a pas répondu à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte de Dietrik Reinhardt visant la chronique « 90 % » et blâme Denise Bombardier et le Journal de Montréal concernant le grief d’information inexacte.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Richard Nardozza, président du comité des plaintes
François Aird
Représentants des journalistes :
Simon Chabot-Blain
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse :
Jed Kahane
Yann Pineau