Plaignant
Yves Laberge
Mis en cause
Suzanne Colpron, journaliste
Le quotidien La Presse
Résumé de la plainte
Yves Laberge dépose une plainte le 13 mars 2021 contre un article de la journaliste Suzanne Colpron, intitulé « Champion du couvre-feu – Pourquoi le Québec y a adhéré », publié dans le quotidien La Presse le même jour. Il déplore une inexactitude.
CONTEXTE
Deux mois après l’imposition, le 9 janvier 2021, du premier couvre-feu au Québec, Suzanne Colpron dresse un bilan de l’efficacité de cette mesure sanitaire en interviewant plusieurs scientifiques. L’article traite de l’accueil de cette mesure au sein de la société québécoise, ainsi que des aléas de son application, notamment pour les itinérants. Il aborde aussi les raisons de l’instauration du couvre-feu après les Fêtes de fin d’année.
Analyse
GRIEF DU PLAIGNANT
Grief 1 : information inexacte
Principe déontologique applicable
Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : a) exactitude : fidélité à la réalité. (article 9 a) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont manqué à leur devoir d’exactitude dans la phrase suivante : « Au retour du congé de Noël, le nombre de cas fracassait les records chaque jour ».
Décision
Le Conseil de presse retient le grief d’information inexacte, car il juge que la journaliste a contrevenu à l’article 9 a) du Guide, mais absout les mis en cause, car le média a publié un correctif adéquat.
Analyse
Le plaignant estime que dans la phrase ci-dessus, « l’information véhiculée est que les cas de COVID-19 ont soit reparti ou augmenté après le congé des Fêtes. C’est complètement faux. »
Il avance que, selon les chiffres de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), « on voit très [bien] que les cas ont augmenté de façon régulière jusqu’au 29 décembre pour avoir un plateau jusqu’au 6 janvier et ensuite baisser, baisser et baisser. Le congé des Fêtes n’a eu aucune incidence sur la courbe des cas. Cela aurait été entre 7-10 jours après le congé des Fêtes ».
Les mis en cause soutiennent que « le retour du congé de Noël […] ne doit pas être confondu avec le retour du congé des Fêtes », car ils ne correspondent pas à la même période. Selon eux, le premier se situe au 28 décembre puisque « pour la plupart des travailleurs québécois, le lundi 27 décembre 2020 était donc un congé », et le second « coïncide dans le langage courant avec le retour à l’école », soit le 6 janvier « dans la plupart des centres de services scolaires du Québec ». Ils concluent que « dans le cas du 29 décembre, il s’agissait d’un record absolu depuis le début de la pandémie de COVID-19 au mois de mars 2020 ».
Même si effectivement les jours fériés légaux en 2020, publiés par le gouvernement, étaient le vendredi 25 et le lundi 28 décembre (report du lendemain de Noël) et que le retour du congé de Noël était donc le 29 décembre, la phrase en cause s’avère tout de même inexacte, car le nombre de cas de COVID-19 ne fracassait pas des records chaque jour.
Les chiffres de l’INSPQ montrent que le nombre de cas quotidiens s’élevait à 2857 le 29 décembre, avant de descendre à 2806 le 30 décembre, soit le lendemain du retour du congé de Noël, et à 2527 cas le 31 décembre. Le 29 décembre 2020 et le 6 janvier 2021, avec 2871 cas, sont deux journées qui, au moment de la publication de l’article, avaient connu des pics de cas depuis le début de la pandémie en mars 2020.
Bien que le nombre de cas le 29 décembre eut atteint un record depuis le début de la crise sanitaire, il n’est pas exact de dire qu’« au retour du congé de Noël, le nombre de cas fracassait les records chaque jour ». Fracasser signifie : « Battre (un record) avec une marge importante » (source : Antidote). On peut dire que le nombre de cas a fracassé des records le 29 décembre 2020, mais pas que les records ont été fracassés tous les jours.
Le média a corrigé son erreur et publié à la fin de l’article ce rectificatif : « La phrase “Au retour du congé de Noël, le nombre de cas fracassait les records chaque jour’’ a été modifiée par cette phrase : “Au retour du congé de Noël, le nombre de cas atteint des sommets. Un record est établi le 29 décembre avec 2865 cas. Le nombre de cas se maintiendra au-dessus de 2000 jusqu’à la mi-janvier’’. »
La faute a été corrigée de manière diligente tel que le prévoit l’article 27.1 du Guide sur la correction des erreurs : « Les journalistes et les médias d’information corrigent avec diligence leurs manquements et erreurs, que ce soit par rectification, rétractation ou en accordant un droit de réplique aux personnes ou groupes concernés, de manière à les réparer pleinement et rapidement. » Pour cette raison, les mis en cause sont absous.
Décision
Le Conseil de presse du Québec retient la plainte d’Yves Laberge contre l’article « Champion du couvre-feu – Pourquoi le Québec y a adhéré » de Suzanne Colpron, publié dans La Presse, pour inexactitude. Toutefois, le média ayant corrigé de manière diligente cette inexactitude, en publiant un rectificatif, il est absous et ne reçoit pas de blâme.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Suzanne Legault, présidente du comité des plaintes
Charles-Éric Lavery
Représentants des journalistes :
Denis Couture
Paule Vermot-Desroches
Représentants des entreprises de presse :
Jeanne Dompierre
Stéphan Frappier