Plaignant
Stéphanie Cloutier
Mis en cause
Le Journal de Montréal
Québecor Média
Résumé de la plainte
Stéphanie Cloutier dépose une plainte le 26 mars 2021 au sujet de la lettre intitulée « Comment supporter de tels voisins? », publiée dans la rubrique « Psycho : Courrier de Louise » sur le site Internet du Journal de Montréal, le 21 mars 2021. La plaignante déplore la publication d’une contribution du public discriminatoire qui ne respecte pas la dignité de personnes handicapées.
CONTEXTE
La contribution des lecteurs visée par la plainte a été publiée dans la rubrique « Psycho : Courrier de Louise » du Journal de Montréal, dans laquelle la comédienne, animatrice et chroniqueuse Louise Deschâtelets répond aux confidences et aux questions personnelles des lecteurs qui lui écrivent. Le Journal décrit la rubrique comme ceci : « À chaque semaine, Louise Deschâtelets vous présente ses articles, points de vue et opinions sur Le Journal de Montréal ». Depuis plus de 20 ans, Mme Deschâtelets conseille ceux et celles qui font appel à elle, sur des sujets psychologiques de toute sorte et parfois intimes.
La personne qui écrit à Louise Deschâtelets dans l’édition du 21 mars 2021 signe simplement « Sagesse ». Elle y expose un « problème » que ses voisins et elle vivent. Elle écrit à Mme Deschatelets que près de chez elle « habite une famille qui a deux enfants âgés de 40 et 38 ans, qui sont des handicapés mentaux que leurs parents promènent dans des fauteuils roulants ». Elle affirme ensuite qu’« à cause de leur maladie, ces deux hommes sont affectés par des tics disgracieux et font des grimaces à tout bout de champ, ce qui rend leur présence désagréable » et causerait des cauchemars la nuit à certains enfants. La lettre se termine par cette question adressée à Louise Deschâtelets : « À part souhaiter fortement que ces gens finissent par déménager de quartier, quelle solution voyez-vous personnellement à notre problème? »
Dans sa réponse, Louise Deschâtelets recommande notamment à celle qui lui écrit « de se pencher sur une solution qui fasse l’affaire de tout le monde, qui ne stigmatise personne, en visant une plus grande ouverture d’esprit de la part de tout un chacun ». Elle poursuit: « Si vous preniez le temps d’expliquer aux enfants apeurés que les deux personnes handicapées ne sont mues par aucune méchanceté et ne sont surtout pas responsables des réactions corporelles qui les rendent rébarbatives aux yeux des autres. »
Analyse
GRIEF DE LA PLAIGNANTE
Grief 1 : publication d’une contribution du public discriminatoire qui ne respecte pas la dignité de personnes handicapées
Principe déontologique applicable
Contributions du public : « (1) Les médias d’information qui choisissent d’accepter les contributions du public doivent tenter de refléter une diversité de points de vue. (2) Les médias d’information peuvent apporter des modifications aux contributions du public, mais veillent, ce faisant, à ne pas en changer le sens ou à trahir la pensée des auteurs. (3) Les médias d’information prennent les moyens raisonnables pour s’assurer que les contributions du public respectent la dignité et la vie privée des personnes et ne soient pas discriminatoires. » (article 16 du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Le Conseil doit déterminer si le média d’information a pris les moyens raisonnables pour s’assurer que les contributions du public respectent la dignité des personnes handicapées et ne soient pas discriminatoires.
Décision
Le Conseil rejette le grief de publication d’une contribution du public discriminatoire qui ne respecte pas la dignité de personnes handicapées. Louise Deschâtelets n’est pas visée par cette plainte puisque la responsabilité de la publication des contributions du public revient au média d’information.
Analyse
La plainte vise le passage suivant de la contribution du public :
« Pas très loin de nos domiciles respectifs, habite une famille qui a deux enfants âgés de 40 et 38 ans, qui sont des handicapés mentaux que leurs parents promènent dans des fauteuils roulants.
À cause de leur maladie, ces deux hommes sont affectés par des tics disgracieux et font des grimaces à tout bout de champ, ce qui rend leur présence désagréable. Leur façon d’être n’affecte pas nos enfants à qui on a expliqué les raisons de leur comportement, mais elle affecte considérablement les enfants gardés par nos voisins. Leur mère m’a même dit qu’ils avaient tellement peur d’eux, au point d’en faire des cauchemars la nuit. »
La plaignante considère que cette « lettre du public […] contenait des propos haineux à l’endroit des personnes handicapées. Ces propos incitaient au mépris et au dégoût et contribuaient à entretenir les préjugés à l’égard des personnes handicapées. » Elle déplore que le média « n’a[it] pas pris les moyens nécessaires pour s’assurer que le choix de la lettre publiée respectait la dignité des personnes handicapées ».
L’analyse de ce grief doit se faire en prenant en compte la contribution du public et la réponse formulée par Louise Deschâtelets qui est publiée en réponse à cette lettre, sur la même page.
La plaignante estime que cette réponse « est peu convaincante » et elle aurait souhaité que Mme Deschâtelets « condamne lourdement ces propos haineux, méprisants et remplis de préjugés à l’endroit des personnes handicapées ».
Bien que les propos contenus dans la lettre aient pu heurter la sensibilité de lecteurs et qu’ils puissent paraître offensants, voire méprisants envers les personnes handicapées, le point de vue qui y est défendu existe dans la société. Le Guide encourage d’ailleurs les médias à « tenter de refléter une diversité de points de vue » à travers les contributions du public qu’ils publient. En choisissant de publier cette lettre, le média se devait cependant de l’encadrer, ce qu’il a fait par le biais de la réponse signée par Louise Deschâtelets.
Dans cette réponse, Mme Deschâtelets invite, entre autres, l’auteur de la lettre à « se pencher sur une solution qui fasse l’affaire de tout le monde, qui ne stigmatise personne, en visant une plus grande ouverture d’esprit de la part de tout un chacun ». Elle ajoute : « Pour atteindre ce but, pourquoi ne pas inciter toutes les personnes impliquées à se parler pour se comprendre. Si vous preniez le temps d’expliquer aux enfants apeurés que les deux personnes handicapées ne sont mues par aucune méchanceté et ne sont surtout pas responsables des réactions corporelles qui les rendent rébarbatives aux yeux des autres. En plus de faire œuvre utile, vous contribueriez à ouvrir leur esprit à une réalité différente de la leur, une réalité qu’ils risquent de croiser de nouveau au cours de leur vie. »
Cette réponse de Louise Deschâtelets constitue une forme de condamnation des propos contenus dans la lettre de Sagesse, toute en nuance et en douceur, mais tout de même soutenue. Cette réponse qui modère les propos de Sagesse témoigne du fait que Le Journal de Montréal a pris les moyens raisonnables pour s’assurer que cette contribution du public respecte la dignité des personnes handicapées et ne soit pas discriminatoire.
Note Le Conseil déplore le refus de collaborer du Journal de Montréal, qui n’est pas membre du Conseil de presse et n’a pas répondu à la présente plainte.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Stéphanie Cloutier visant la contribution du public intitulée « Comment supporter de tels voisins? », publiée sur le site Internet du Journal de Montréal, concernant le grief de publication d’une contribution du public discriminatoire qui ne respecte pas la dignité de personnes handicapées.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public :
Renée Lamontagne, présidente du comité des plaintes
Olivier Girardeau
Représentantes des journalistes :
Madeleine Roy
Paule Vermot-Desroches
Représentants des entreprises de presse :
Maxime Bertrand
Éric Grenier