Quelle valeur a une carte de presse, aujourd’hui, aux yeux de la police? La question semble plus pertinente que jamais, alors qu’un policier a affirmé mercredi soir au journaliste du quotidien Le Devoir Marco Bélair-Cirino en pointant sa carte de presse: « ça ne vaut plus rien ». Vraiment ?
Journaliste vigile au quotidien de la rue Bleury, Marco Bélair-Cirino terminait avant-hier sa journée peu avant minuit, alors qu’était envoyée à l’impression l’édition du journal du lendemain. Constatant que la manifestation étudiante qu’il avait couverte plus tôt se poursuivait, il décide de retourner sur le terrain, pour être certain de ne pas manquer d’événements importants.
En route vers la Place Émilie-Gamelin accompagné de deux étudiants en journalisme (Marco Bélair-Cirino enseigne aussi un cours en presse écrite à l’UQAM), il croise un peloton de policiers encerclant un manifestant. Alors qu’il fouille dans son sac pour récupérer son téléphone et son calepin, il se fait pousser par-derrière par un policier antiémeute. « Je lui ai dit que je faisais mon travail en sortant ma carte de presse, et c’est là qu’il m’a répondu que ‘ça ne valait plus rien maintenant’. Il m’a demandé de circuler à deux reprises, ce que j’ai fait, et m’a laissé tranquille; mais j’étais tellement loin de l’événement que je ne pouvais plus suivre l’action. C’était une entrave à mon travail », raconte le journaliste.
« Pourtant, à d’autres reprises, j’ai pu bénéficier des privilèges de ma carte de presse, par exemple, lorsque les policiers forment un cordon pour repousser la foule dans une manifestation. Si on est pris entre les manifestants et les policiers, ils décident parfois d’ouvrir une brèche pour nous laisser passer et éviter qu’on soit piégé.
On sent une lassitude du côté des policiers et certains manquent de discernement. Ils doivent prendre acte des critiques qui ont été formulées lors des dernières manifestations. Je pense que le message est entendu du côté de l’organisation du SPVM, mais il y a clairement un décalage entre les consignes et le travail qui est effectué par chacun des policiers sur le terrain. »
Avec la multiplication des médias alternatifs, le SPVM souligne qu’il est de plus en plus difficile de distinguer qui est journaliste. « Il y a en effet beaucoup de jeunes adultes qui ont un appareil photo dans les manifestations. Moi-même, ce n’est pas écrit sur mon front que je suis journaliste professionnel. Est-ce que les policiers peuvent avoir du mal à distinguer un journaliste de presse écrite de quelqu’un qui a un blogue ou d’un autre qui participe à un média étudiant? Ou de quelqu’un qui prend des photos pour lui même? » se demande Marco Bélair-Cirino.
Quelles solutions peuvent être envisagées pour rétablir l’équilibre entre journalistes et policiers? « La FPJQ et les corps de police devraient s’entendre pour que chacun puisse faire son travail. Le SPVM devrait s’engager à ne pas faire entrave au travail des journalistes et les règles auraient intérêt à être clarifiées. Et en cas de dérapage, il faut condamner.
« On ne demande pas la lune. On demande aux journalistes de couvrir des événements et pour couvrir des événements, il faut y avoir accès et avoir une certaine liberté de circulation », rappelle-t-il.