Dans un jugement rendu le 10 octobre, la Cour européenne des droits de l’homme rappelle que les médias ont la responsabilité de modérer les commentaires des lecteurs publiés sur leur site Internet.
La Cour a jugé que la modération des commentaires n’est pas en contravention avec l’article sur la liberté d’expression de la Convention européenne des droits de l’homme puisque ce dernier autorise les interventions afin de protéger la réputation d’autrui.
L’affaire concernait Delfi AS, une entreprise basée en Estonie possédant l’un des plus importants sites Internet d’information du pays. En 2006, un article publié sur son site concernant une compagnie de traversiers a suscité de nombreux messages qualifiés « d’extrêmement injurieux ou menaçants » par la Cour européenne des droits de l’homme.
En raison de la nature de l’article publié, la société Delfi AS aurait dû prévoir la publication de commentaires insultants et aurait dû être vigilante afin d’éviter de se faire accuser d’atteinte à la réputation d’autrui, estime la Cour. Elle constate également que le système de filtrage automatique et le système de notification n’ont pas permis de supprimer les messages litigieux.
Premières instances
Avant que Delfi AS porte le dossier devant la Cour européenne des droits de l’homme, le propriétaire de l’entreprise de traversier avait eu gain de cause devant les tribunaux estoniens. Les messages avaient été jugés diffamatoires et de nature à engager la responsabilité de la société Delfi AS. Cette dernière a d’ailleurs été condamnée à payer 320 € à titre de dommages et intérêts. En 2009, elle a été déboutée du recours qu’elle avait porté devant la Cour suprême d’Estonie.
« Ayant estimé que Delfi contrôlait la publication des messages apparaissant sur son site, les juridictions estoniennes rejetèrent la thèse de l’intéressée selon laquelle ses activités de société de prestation de services Internet ou de stockage revêtaient un aspect purement technique, automatique et passif au sens de la directive de l’Union européenne 2000/31/CE sur le commerce électronique », rapporte le jugement de la Cour européenne.
Jugement
La Cour européenne des droits de l’homme en vient donc à la conclusion que « la reconnaissance, par les juridictions estoniennes, de la responsabilité de la société requérante s’analyse en une restriction justifiée et proportionnée à la liberté d’expression de celle-ci compte tenu notamment du caractère extrêmement insultant des messages incriminés, du manquement de la société propriétaire du portail à empêcher leur divulgation, du profit tiré par cette société des messages en question, de la garantie d’anonymat qu’elle offrait aux auteurs des messages en question et du caractère raisonnable de la condamnation infligée par les tribunaux ».
Le requérant a un délai de trois mois pour en appeler. L’affaire serait alors renvoyée devant la Grande Chambre de la Cour.