« Cette période est marquée par un accroissement des pressions qui pèsent sur l’information et sa déontologie », écrit le président de l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI), Patrick Eveno, en introduction du rapport annuel de l’association. Intitulé « L’information sous pressions », le rapport, rendu public le 17 octobre, dresse le portrait déontologique des médias français à travers leurs failles et leurs succès.
Avant de détailler les manquements constatés, le président soutient que les contraintes proviennent notamment de la situation économique des médias, de « l’impatience des acteurs de la vie publique » et des attentes irréalistes du public.
Les problèmes
Parmi les manquements déontologiques relevés par l’ODI, notons les reportages véhiculant des stéréotypes et des préjugés. Il semble que cela soit particulièrement fréquent dans les faits divers. Ainsi, « un délinquant sexuel est présenté comme frustré par l’abstinence imposée par sa femme », note l’ODI. La plainte pour viol déposée contre trois policiers par une touriste canadienne est également un exemple de traitement stéréotypé, selon l’association qui souligne que l’Espagne a une charte de bonnes pratiques journalistiques en matière de violence faite aux femmes.
Au niveau publicitaire, l’Observatoire émet des réserves à propos du marketing de contenu. « Cette publicité liée aux articles risque de mener à des dérives », estime-t-on en craignant que la direction des ventes intervienne dans les choix rédactionnels.
En matière d’exactitude, l’ODI est préoccupé par ce qu’il qualifie de « suivisme ». On donne l’exemple d’une manchette sur la violence à l’endroit des directions d’école. Cette nouvelle, qui s’est avérée fausse, a été reprise et amplifiée par de nombreux médias. « L’épisode illustre la pratique de plus en plus fréquente des médias à se recopier sans vérification, à grossir le trait pour attirer l’attention, à travailler sans recul ni réelle connaissance des dossiers », peut-on lire.
Au sujet des images violentes, notamment celles montrant la décapitation de journalistes par le groupe État islamique, l’ODI estime qu’il faut « montrer sans voyeurisme » et s’inscrit en faux contre la décision d’un patron de France Télévisions d’interdire la diffusion de ces images d’exécution. « La pression des évènements, si horrifiants soient-ils, ne doit pas conduire à promouvoir la censure et la propagande un siècle après les dérives de la presse durant le premier conflit mondial », soutient l’association.
D’autre part, la couverture accordée à la liaison extra conjugale du président de la République, François Hollande, amène l’ODI à conclure que « l’année 2014 a été marquée par la fin de la relative protection dont bénéficiait à tort ou à raison le monde politique français. Tout se dit et se montre au nom de la transparence. »
Constats positifs
Le rapport n’énumère pas uniquement les mauvais coups de la presse française, il souligne également certaines « bonnes pratiques ».
Si la culture de l’instantanéité insufflée par les médias sociaux met de la pression pour que les journalistes sortent rapidement la nouvelle, cette pression s’exerce également lorsqu’il est nécessaire de corriger une information inexacte. L’ODI a aussi constaté que les rédactions reconnaissent de plus en plus leurs erreurs.
De plus, l’ODI se réjouit de voir plusieurs médias proposer des rubriques dévoilant les dessous d’un reportage ou d’une enquête.
Le rapport pointe également les démarches effectuées par le Cercle des médiateurs de presse afin que le gouvernement incite fiscalement les entreprises à créer un poste de médiateur. Présentement, le paysage médiatique français compte 10 médiateurs de presse, dont le rôle est de répondre aux critiques déontologiques formulées par le public.
Rappelons que l’ODI n’est pas un conseil de presse. Il est composé de journalistes, d’entreprises de presse et de représentants du public. L’association a été mise sur pied en 2012.