D2021-07-113 (2)
Décision d’appel
Appelant
Clément Fontaine
Intimé
Le journal Le Quotidien
Date de dépôt de l’appel
Le 3 mars 2023
Date de la décision de la commission d’appel
Le 25 avril 2023
Rôle de la commission d’appel
Lors de la révision d’un dossier, les membres de la commission d’appel doivent s’assurer que les principes déontologiques ont été appliqués correctement en première instance.
Contexte
Clément Fontaine a déposé une plainte contre Le Quotidien concernant l’absence de diversité de points de vue du public, et le refus de publier une contribution du public.
Le comité des plaintes rejeté sa plainte, constatant que Le Quotidien avait publié, dans sa section « Carrefour des lecteurs », près d’une centaine de contributions du public au sujet de GNL Québec au cours des deux années précédant le dépôt de la plainte, provenant autant de partisans du projet que d’opposants et que de cette façon, la diversité de points de vue était respectée. Il a estimé également que le journal avait la liberté éditoriale de refuser de publier la contribution du plaignant puisqu’il n’était pas motivé par un parti pris en faveur des partisans ou des opposants au projet de GNL Québec.
M. Fontaine fait appel de la décision relativement aux deux griefs cités.
Motif de l’appelant
L’appelant conteste la décision de première instance relativement au grief d’absence de diversité de points de vue du public.
Grief 1 : absence de diversité de points de vue du public
Principe déontologique applicable
Contributions du public : « (1) Les médias d’information qui choisissent d’accepter les contributions du public doivent tenter de refléter une diversité de points de vue. » (article 16 (1) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec)
Les membres de la commission d’appel doivent déterminer si l’appelant apporte des éléments qui démontrent que la première instance, qui a rejeté le grief d’absence de diversité de points de vue du public du plaignant, a mal appliqué le principe déontologique qui s’y rattache.
Décision
Les membres de la commission d’appel estiment que l’article 16 (1) du Guide a été appliqué correctement en première instance.
La commission d’appel maintient la décision rendue en première instance.
Analyse
L’appelant avance que « le directeur du Quotidien n’explique pas pourquoi aucune réplique d’un opposant n’est parue dans le Carrefour des lecteurs dans les 11 jours suivant la publication de la lettre du porte-parole du groupe Sag-Lac exhortant le premier ministre François Legault à autoriser le projet de GNL Québec, et cela en dépit du rapport très défavorable que le BAPE venait de livrer à ce sujet. »
Il ajoute qu’« une lettre critiquant le même projet parue deux jours avant ne justifie pas cette lacune. Pour respecter le principe de l’alternance que M. Saint-Hilaire [le directeur du Quotidien] invoque lui-même, ma réplique ou celle d’un autre opposant aurait dû être publiée dans les jours suivant la lettre au premier ministre de Pierre Charbonneau. »
Les intimés n’ont pas souhaité faire d’observations sur l’appel.
Le comité des plaintes a appliqué correctement le principe de contributions du public en estimant que le média avait reflété une diversité de points de vue relativement au projet de GNL Québec dans sa rubrique « Carrefour des lecteurs ». Il s’est appuyé sur le fait que le média avait publié près d’une centaine de contributions du public traitant de ce sujet au cours des deux années précédant la plainte de M. Fontaine, provenant autant de partisans du projet que d’opposants.
Le principe du Guide de déontologie du Conseil de presse du Québec stipule que « les médias d’information qui choisissent d’accepter les contributions du public doivent tenter de refléter une diversité de points de vue », ce que Le Quotidien a bien respecté. Le Guide ne prévoit pas de « principe d’alternance » dans les points de vue du public comme l’avance l’appelant.
Par ailleurs, la liberté éditoriale constitue un principe fondamental de la liberté de presse, tel qu’il est souligné dans le préambule du Guide : « (…) la liberté de presse exige que les médias d’information et les journalistes jouissent d’une liberté éditoriale et donc que les choix relatifs au contenu, à la forme, ainsi qu’au moment de publication ou de diffusion de l’information relèvent de la prérogative des médias d’information et des journalistes ».
Grief 2 : refus de publier une contribution du public
Principe déontologique applicable
Refus de publication : « Les médias d’information peuvent refuser de publier ou de diffuser une contribution reçue du public, à condition que leur refus ne soit pas motivé par un parti pris ou le désir de taire une information d’intérêt public. » (article 16.1 du Guide)
Les membres de la commission d’appel doivent déterminer si l’appelant apporte des éléments qui démontrent que la première instance, qui a rejeté le grief de refus de publier une contribution du public du plaignant, a mal appliqué le principe déontologique qui s’y rattache.
Décision
Les membres de la commission d’appel estiment que l’article 16.1 du Guide a été appliqué correctement en première instance.
La commission d’appel maintient la décision rendue en première instance.
Analyse
L’appelant avance que « l’analyse du comité revient sur le principe de l’alternance des contributions du public qui aurait été respecté par Le Quotidien, alors que le motif principal de [s]a plainte s’appuie ici sur le refus explicite de M. Saint-Hilaire de publier dorénavant [s]es contributions à cause d’une première plainte qu’[il a ]logée au Conseil de presse, deux mois plus tôt.
Le comité des plaintes a bien appliqué le principe de refus de publication, puisque M. Fontaine n’a pas fait la démonstration que ce refus fût motivé par un parti pris ou le désir de taire une information d’intérêt public, tel que le prévoit le Guide.
L’appelant avance que c’est en raison d’une première plainte déposée au Conseil de presse que le média a refusé de publier sa lettre d’opinion. Or, comme il a été démontré au grief 1, le média a reflété une diversité de points de vue en publiant autant de contributions du public de partisans du projet de GNL Québec que d’opposants.
La commission d’appel a par ailleurs constaté que Le Quotidien avait publié au moins trois autres textes de Clément Fontaine depuis le dépôt de sa plainte en juillet 2021 et le traitement de ce dossier en première instance, en janvier 2023, l’un en décembre 2021 et deux en janvier 2022.
Conclusion
Après examen, les membres de la commission d’appel concluent à l’unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.
Par conséquent, conformément aux règles de procédure, le dossier est clos.
Le Conseil de presse du Québec rappelle que les décisions de la commission d’appel sont finales. L’article 31.02 s’applique aux décisions de la commission d’appel : « Lorsqu’une plainte est retenue, l’entreprise de presse visée par la décision a l’obligation morale de la publier ou de la diffuser. Les entreprises de presse membres s’engagent à respecter cette obligation et à faire parvenir au Conseil une preuve de cette publication ou diffusion dans les 30 jours de la décision. » (Règlement No 2, article 31.02)
La composition de la commission d’appel lors de la prise de décision :
Représentant du public
Jacques Gauthier, président de la commission d’appel
Représentant des journalistes
Vincent Larouche
Représentant des entreprises de presse
Renel Bouchard
Décision de première instance
Plaignant
Clément Fontaine
Mis en cause
Le journal Le Quotidien
Date de dépôt de la plainte
Le 11 juillet 2021
Date de la décision
Le 27 janvier 2023
Résumé de la plainte
Clément Fontaine dépose une plainte le 11 juillet 2021 contre Le Quotidien, journal publié dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, concernant l’absence de publication d’une réplique. Le plaignant déplore l’absence de diversité de points de vue du public et le refus de publier une contribution du public.
Contexte
Le sujet de ce dossier touche le débat houleux entourant le projet de construction d’un complexe de liquéfaction de gaz naturel de l’entreprise GNL Québec à Saguenay, qui a reçu un avis défavorable de la part du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) dans un rapport rendu public en mars 2021. Le 30 juin 2021, Le Quotidien publie, dans la section « Carrefour des lecteurs », une lettre ouverte adressée au premier ministre du Québec, François Legault, signée par un porte-parole du groupe GNL Sag-Lac, Pierre Charbonneau. Ce dernier demande que soit octroyé le décret afin « de permettre le démarrage du projet [de] GNL au Saguenay ». Selon le plaignant, Le Quotidien aurait dû publier « une réplique d’un opposant au GNL résidant au Saguenay » à la lettre de M. Charbonneau, à savoir sa propre lettre, envoyée au journal deux jours plus tard.
Griefs du plaignant
Grief 1 : absence de diversité de points de vue du public
Principe déontologique applicable
Contributions du public : « (1) Les médias d’information qui choisissent d’accepter les contributions du public doivent tenter de refléter une diversité de points de vue. » (article 16 (1) du Guide de déontologie journalistique du Québec)
Le Conseil doit déterminer si le mis en cause, dans son choix de contributions dans sa section « Carrefour des lecteurs », n’a pas reflété la diversité de points de vue concernant le projet GNL Sag-Lac.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief d’absence de diversité de points de vue du public.
Analyse
Le plaignant déplore que le journal Le Quotidien « n’a[it] toujours pas publié [dans la section “Carrefour des lecteurs”] une réplique d’un opposant au GNL résidant au Saguenay », 11 jours après la publication de la lettre d’un porte-parole du groupe GNL Sag-Lac. Il dit que pourtant, « la direction du journal a reçu au moins un texte à cet effet : le mien. Il a été soumis deux jours plus tard. »
Le directeur général et rédacteur en chef du Quotidien, Marc St-Hilaire, explique qu’« en fonction de [ses] politiques internes, [le journal] tent[e] d’équilibrer le débat et de limiter les répétitions, notamment lorsqu’il s’agit d’un dossier aussi polarisé que celui engendré par le projet [de] GNL Québec ». Il souligne qu’« au cours des deux dernières années, le média a publié « 15 textes signés par Clément Fontaine, dont 9 au sujet de GNL Québec […] Au cours de cette même période, ce sont plus de 100 textes qui ont été publiés sur le même thème, dans [la] section Carrefour des lecteurs. »
Il ajoute : « M. Fontaine omet de dire que deux jours avant la publication du texte de M. Charbonneau (le 28 juin 2021), nous avons partagé une lettre de Marcel Lapointe, un opposant de la première heure à ce projet de liquéfaction du gaz naturel […] Nous avons offert une couverture journalistique rigoureuse et objective dans ce dossier, et nous avons tenté, autant que possible, de donner la parole aux deux parties de façon équitable, incluant dans notre section dédiée au public. »
Les recherches du Conseil ont en effet permis de constater que Le Quotidien a publié, dans sa section « Carrefour des lecteurs », près d’une centaine de contributions du public au sujet de GNL Québec au cours des deux années précédant la présente plainte, provenant autant de partisans du projet que d’opposants.
Il relève de la liberté éditoriale d’un média de publier ou non une contribution du public pour peu que celles qu’il fait paraître reflètent une diversité de points de vue. Le Quotidien pouvait décider de ne pas publier la lettre de Clément Fontaine, puisque dans le cas présent, la diversité des points de vue a été respectée, notamment par la publication de la lettre d’opinion d’un autre opposant au projet de liquéfaction du gaz naturel, Marcel Lapointe, deux jours avant celle du porte-parole du groupe GNL Sag-Lac.
Grief 2 : refus de publier une contribution du public
Principe déontologique applicable
Refus de publication : « Les médias d’information peuvent refuser de publier ou de diffuser une contribution reçue du public, à condition que leur refus ne soit pas motivé par un parti pris ou le désir de taire une information d’intérêt public. » (article 16.1 du Guide)
Le Conseil doit déterminer si le mis en cause a refusé de publier une contribution du public en étant motivé par un parti pris ou un désir de taire une information d’intérêt public.
Décision
Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de refus de publier une contribution du public.
Analyse
Le plaignant estime que Le Quotidien refuse de publier sa lettre dans la section « Carrefour des lecteurs » parce qu’il a déjà déposé une plainte auprès du Conseil de presse concernant une précédente contribution. Il joint à sa plainte une copie du courriel que lui a transmis le directeur général et rédacteur en chef du journal Le Quotidien, Marc St-Hilaire, le 11 juillet 2021. Dans ce courriel, ce dernier écrit : « Au-delà de vos positions et de notre volonté de donner à tous une tribune d’expression, nous sommes devenus très hésitants à publier vos commentaires dans nos éditions […] Nous ne prendrons plus le risque de nous retrouver devant le Conseil de presse pour avoir modifié un temps de verbe (de bonne foi, je le répète…), ou toutes autres fautes dans vos textes ».
Spécifions d’emblée que le fait que le plaignant avait déjà porté plainte au Conseil de presse contre ce média ne change en rien les règles déontologiques qui s’appliquent au média dans le cas présent.
Le mis en cause rappelle qu’il appartient aux médias de publier ou non une contribution du public. Il ajoute que 15 textes signés par Clément Fontaine, dont 9 au sujet de GNL Québec, ont déjà été publiés dans la section « Carrefour des lecteurs » du Quotidien au cours des deux dernières années.
La quantité de lettres publiées pour et contre le projet de GNL Québec témoigne en effet de l’absence de partis pris du journal au sujet de ce projet controversé. Au sens de l’article 16.1 du Guide, un parti pris implique un point de vue particulier à propos d’un sujet, qui dans le cas présent est le projet de GNL Québec. Tant qu’un média ne refuse pas de publier une lettre de lecteur en raison d’un parti pris pour un sujet en particulier, les raisons de refus de publication lui appartiennent.
Dans le dossier D2019-07-097, le plaignant déplorait « que le média n’ait pas publié son “anti-chronique”, car c’était, selon lui, “la façon juste et équitable de corriger [une] désinformation” » dans une chronique de Patrick Lagacé. Ce grief a été rejeté. Selon le Conseil, « les médias sont libres de publier les contributions des lecteurs de leur choix, selon leur jugement éditorial. Le Conseil pourrait considérer comme une faute déontologique le refus de publier une contribution du public seulement s’il avait les preuves que ce refus était motivé par un parti pris de la part du média ou que le média tentait de cacher des informations d’intérêt public, par exemple parce qu’il se trouvait en situation de conflit d’intérêts. Dans [ce] cas […], le plaignant n’apport[ait] pas la preuve d’un quelconque parti pris de la part de La Presse ou d’un désir du média de taire une information. »
Pareillement, dans le cas présent, le journal avait la liberté éditoriale de refuser de publier la contribution du plaignant puisqu’il n’était pas motivé par un parti pris en faveur des partisans ou des opposants au projet de GNL Québec.
Conclusion
Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Clément Fontaine contre le journal Le Quotidien concernant l’absence de diversité de points de vue du public et le refus de publier une contribution du public.
La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :
Représentants du public
François Aird, président du comité des plaintes
Mathieu Montégiani
Représentants des journalistes
Simon Chabot-Blain
Lisa-Marie Gervais
Représentants des entreprises de presse
Marie-Andrée Chouinard
Jean-Philippe Pineault