D2022-03-154

Plaignant

Samuel Chatigny

Mis en cause

TVA Nouvelles

Le Journal de Montréal

Québecor Média

Date de dépôt de la plainte

Le 21 mars 2022

Date de la décision

Le 16 juin 2023

Résumé de la plainte 

Samuel Chatigny dépose une plainte le 21 mars 2022 au sujet de l’article « Vol des influenceurs à Cancun : six autres “ostrogoths” mis à l’amende par Transports Canada » signé TVA Nouvelles, publié dans Le Journal de Montréal, le 21 mars 2022. Le plaignant déplore de la partialité. 

Contexte

Le 30 décembre 2021, une centaine de personnes prenaient part à un voyage organisé pour célébrer le Nouvel An au Mexique. Le Québec enregistrait alors des records de cas de COVID-19 et allait entamer un nouveau couvre-feu pour endiguer la pandémie. Dans l’avion, des fêtards, dont des « influenceurs » se sont filmés faisant fi des règles de l’aviation et des mesures sanitaires. Des images de la fête du vol de Sunwing ont circulé sur les réseaux sociaux.

Le premier ministre Justin Trudeau, qui a commenté l’événement quelques jours plus tard, a qualifié ces contrevenants de « sans-dessein » et « d’ostrogoths en vacances ». 

L’article rapporte que six nouveaux passagers du vol des « influenceurs perturbateurs sur les ailes de Sunwing » sont mis à l’amende par Transports Canada. 

Grief du plaignant

Grief 1 : partialité

Principe déontologique applicable

Qualités de l’information : « Les journalistes et les médias d’information produisent, selon les genres journalistiques, de l’information possédant les qualités suivantes : c) impartialité : absence de parti pris en faveur d’un point de vue particulier. » (article 9 c) du Guide de déontologie journalistique du Conseil de presse du Québec

Le Conseil doit déterminer si les mis en cause ont pris parti en faveur d’un point de vue particulier en utilisant le terme « ostrogoths » dans :

  • le titre « Vol des influenceurs à Cancun : six autres “ostrogoths” mis à l’amende par Transports Canada »;
  • la phrase « Les amendes reçues par ces “ostrogoths” pourraient atteindre 5000 $ ».

Décision

Le Conseil de presse du Québec rejette le grief de partialité. 

Analyse

Le plaignant soutient que le terme « ostrogoths » exprime « un jugement de valeur selon lequel les touristes québécois partis au Mexique durant les Fêtes sont des barbares ». Il mentionne que ce terme, selon le dictionnaire Usito, signifie une personne « barbare, imbécile, insignifiante ».

Le terme « ostrogoths » dans le titre et l’article est utilisé entre guillemets, faisant référence aux propos tenus par le premier ministre Justin Trudeau quelques semaines plus tôt pour qualifier les vacanciers de Sunwing. Quelques jours après le vol du 30 décembre, M. Trudeau avait déclaré, lors d’une mise à jour de la situation pandémique au Canada : « Quand il y a une gang de sans-dessein qui décident de partir comme des ostrogoths en vacances, c’est extrêmement frustrant, démoralisant. »

Ces propos du premier ministre ont été abondamment repris dans la presse québécoise durant le mois qui a suivi l’événement. Plusieurs médias ont rapporté des définitions du terme « ostrogoths » qui, en plus de faire référence à une peuplade de la Germanie ancienne, désigne également une personne « qui ignore les bienséances, la politesse », selon le dictionnaire Larousse. En janvier 2022, le Journal de Montréal a d’ailleurs publié l’anecdote derrière l’utilisation inusitée du terme « ostrogoths » par le premier ministre : il s’agissait d’un terme utilisé par l’un de ses enseignants du secondaire pour décrire des élèves perturbateurs.

Dans l’article qui concerne la présente plainte, en plaçant le terme « ostrogoths » entre guillemets, tant dans le titre que dans le corps du texte, le média indique clairement aux lecteurs qu’il reprend le terme utilisé par le premier ministre Justin Trudeau dans une déclaration. Même si cette déclaration n’est pas rapportée dans le texte mis en cause, elle était largement connue du public. 

Pour considérer qu’un journaliste ou un média a fait preuve de partialité, il faut qu’il ait pris parti en faveur d’un point de vue particulier. Dans un dossier similaire (D2021-04-081), un grief de partialité a été rejeté concernant le terme « imbécile » utilisé entre guillemets dans la phrase suivante : « Des citoyens de la Beauce en ont plus qu’assez qu’une minorité de leur population les fasse passer pour “des imbéciles”, alors qu’une manifestation antimasque a réuni plus de 400 complotistes ». Le Conseil a considéré que le média n’avait pas émis de commentaire ou d’opinion sur la manifestation et ses participants, il avait plutôt rapporté les propos d’un citoyen sur l’événement, ce qui ne correspond pas à prendre parti en faveur d’un point de vue particulier.

De la même manière, dans le cas présent, le média ne prend pas parti en faveur d’un point de vue particulier puisqu’il utilise un terme bien connu provenant de la déclaration du premier ministre pour qualifier les voyageurs qui ont enfreint des règles de l’aviation et contrevenu à de nombreuses mesures sanitaires. En utilisant ce terme entre guillemets, le média fait directement référence à ces voyageurs, puisqu’ils étaient identifiés ainsi par le premier ministre dans une déclaration largement publicisée.

Note

Le Conseil déplore le refus de collaborer de TVA Nouvelles et du Journal de Montréal, qui ne sont pas membres du Conseil de presse et n’ont pas répondu à la présente plainte.

Conclusion

Le Conseil de presse du Québec rejette la plainte de Samuel Chatigny visant l’article « Vol des influenceurs à Cancun : six autres “ostrogoths” mis à l’amende par Transports Canada », signé TVA Nouvelles, publié dans Le Journal de Montréal le 21 mars 2022, concernant le grief de partialité.

La composition du comité des plaintes lors de la prise de décision :

Représentants du public

François Aird, président du comité des plaintes

Suzanne Legault

Représentants des journalistes

Simon Chabot-Blain

Sylvie Fournier

Représentants des entreprises de presse

Marie-Andrée Chouinard

Éric Grenier