Plaignant
Mme Louise
Vandelac (journaliste)
Mis en cause
Le Devoir
[Montréal] et M. Pierre O’Neil (chroniqueur)
Résumé de la plainte
Le titre et le
contenu de l’article «Vandelac retracée? Chez Charron», signé par le
journaliste Pierre O’Neil dans l’édition du 25 octobre 1978 du Devoir,
présentent un caractère mensonger et diffamatoire. En plus de rapporter des
informations inexactes, sans prendre la peine de les vérifier auprès de la
plaignante, le journaliste discrédite cette dernière par d’insidieuses attaques
à l’emporte-pièce.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de madame Louise Vandelac concernant l’article
paru sous votre signature dans l’édition du 25 octobre 1978 du Devoir, intitulé
«Vandelac retracée? Chez Charron». Madame Vandelac dénonçait le caractère
insidieux, mensonger et diffamant tant du titre que du contenu de cet article
qui, selon elle, en plus de rapporter de l’information inexacte et non
vérifiée, la discréditait indûment auprès de l’opinion publique.
Plus
particulièrement, elle vous reprochait d’avoir laissé entendre de façon
tendancieuse, dans cet article, qu’elle entretenait des liens avec le
gouvernement cubain, que son séjour de deux années en Europe constituait
presqu’une fuite pour éviter de comparaître devant la Commission Keable et
enfin, qu’elle aurait effectué un retour au Québec dans la quasi clandestinité
une fois les audiences de cette Commission terminées, pour trouver «cachette à
proximité d’un bureau de ministre».
Outre qu’elle
vous faisait grief de n’avoir jamais vérifié vos allégations auprès d’elle, comme
principale intéressée, vous laissant plutôt aller, selon elle, à des attaques à
l’emporte-pièce qui n’étaient nullement fondées dans les faits, madame Vandelac
soutenait n’avoir jamais été inculpée de quoi que ce soit. En outre, son avocat
fut toujours en contact avec la Commission Keable, laquelle connaissait ses
coordonnées au Québec et à Paris. Enfin, son retour au Québec fut marqué par
diverses manifestations publiques, telles le lancement d’un livre, conférences
et entrevues diverses.
Commentaires du mis en cause
Jugeant cette
plainte non fondée, vous affirmiez, entre autres, au Conseil dans une première
lettre datée du 27 février 1979, que les faits relatés dans la chronique en
question correspondaient rigoureusement à ce que Le Devoir avait dit des
audiences de la Commission Keable. Quant à vos commentaires concernant
l’embauche de madame Vandelac par le Haut commissariat à la jeunesse, aux
loisirs et aux sports, ils ne visaient rien de plus, selon vous, «qu’à taquiner
le ministre Claude Charron»; ce genre de commentaires étant à vos yeux d’autant
plus admissible qu’il se situait dans le cadre d’une chronique politique qui se
veut humoristique.
D’autre part,
vous appuyant sur des informations recueillies auprès d’un commissaire de la
Commission Keable, vous souteniez dans une seconde lettre que vous faisiez
tenir au Conseil le 14 septembre 1979, que si madame Vandelac, contrairement à
ce qu’elle prétend, s’était trouvée à Montréal à cette époque, la Commission
l’aurait très certainement convoquée, celle-ci ayant même envisagé l’hypothèse
de tenir, quoique sur un «ton badin» admettiez-vous, une commission rogatoire à
Paris. Si elle ne le fut pas à son retour à Montréal, lors de la reprise des
audiences en octobre 1979, c’est que son témoignage n’apparaissait plus à ce
moment-là pertinent à la Commission.
Analyse
Le Conseil reconnaît d’une part qu’un chroniqueur jouit d’une grande latitude dans la formulation de ses jugements et l’expression de ses prises de position. Le genre journalistique particulier que constitue la chronique qui tient à la fois autant de l’éditorial et du commentaire, que du reportage d’information, permet en effet au journaliste d’adopter même un ton de polémiste pour prendre parti et exprimer ses critiques, faire valoir ses points de vue sur une idée, une situation, une personne, un groupe, etc.
Cependant, le Conseil estime que quiconque a droit de s’attendre à ce que la presse ne présente pas de lui une image déformée. De même les professionnels de l’information ne peuvent-ils, même par le truchement d’un genre journalistique comme la chronique, renoncer aux exigences de rigueur et d’exactitude que leur impartissent leur fonction et leur responsabilité d’informateur public.
En reconnaissant aussi que les professionnels de l’information peuvent présenter les faits dans le style qui leur est propre et même, comme en l’occurrence, faire appel à l’humour et à la «taquinerie», le Conseil estime toutefois qu’ils doivent éviter, tant par le ton que par le vocabulaire qu’ils emploient, de travestir les événements de façon à leur donner une signification qu’ils n’ont peut-être pas et qui peuvent ainsi laisser planer des malentendus qui risquent de discréditer la personne auprès de l’opinion publique.
Or, dans le présent cas, il est apparu au Conseil que votre chronique, tant par le titre qui la coiffe que par le ton, les insinuations et les interprétations qu’on y retrouve, a pu avoir comme effet de fausser la perception du public vis-à-vis l’événement décrit, donc le mal informer et de porter atteinte à la crédibilité de madame Vandelac.
Une telle façon de faire apparaît au Conseil comme un manquement à l’éthique d’un professionnel soucieux de sa responsabilité d’informateur public. Même s’il convient que l’humour sied bien à la nature de la chronique, le Conseil ne saurait accepter que ce genre journalistique serve d’instrument pour porter atteinte à l’intégrité de la personne.
Analyse de la décision
- C17A Diffamation