Plaignant
Allô Police
[Montréal] et M. Daniel Forgues (journaliste)
Mis en cause
Le Soleil
[Québec]
Résumé de la plainte
Le titre «Claire
Bonenfant refuse une interview à Allô Police» et l’entrefilet qu’il coiffe,
publiés par Le Soleil le 1er octobre 1979, laissent entendre que la présidente
du Conseil du statut de la femme a refusé une entrevue à Allô Police seulement,
alors que tous les autres médias, sauf Radio-Canada, ont essuyé le même refus.
Cet entrefilet laisse croire, à tort, que Mme Bonenfant a interdit à Allô
Police de rapporter ses propos et que le représentant de ce journal désire se
venger d’elle.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de monsieur Daniel Forgues, journaliste
à Allô Police, contre Le Soleil concernant l’entrefilet non signé paru dans
l’édition du 1er octobre 1979 sous le titre: «Claire Bonenfant refuse une
interview à Allô Police». Ce titre, qui coiffait également six autres brèves
nouvelles sur les à-côtés du colloque sur la violence tenu à Sept-Iles les 27
et 28 septembre, exagérait l’importance d’un incident, selon le plaignant,
complètement dépourvu d’intérêt et en faussait aussi le sens.
Monsieur Forgues
estimait en effet que Le Soleil avait induit ses lecteurs en erreur en
affirmant, tant par le titre que par le contenu de l’entrefilet, que la
présidente du Conseil du statut de la femme avait refusé une entrevue à Allô
Police. Le journaliste avait faussé le sens de cet incident puisqu’il n’avait
pas pris la peine d’en expliquer le contexte, à savoir que madame Bonenfant
avait aussi refusé des entrevues particulières aux autres médias, à l’exception
de Radio-Canada.
Selon monsieur Forgues,
l’article en question, tel que rédigé, pouvait aussi laisser croire aux
lecteurs que madame Bonenfant lui avait même interdit de rapporter ses paroles
dans Allô Police, alors qu’elle l’avait bel et bien invité, en présence de qui
il présume être l’auteur de cet entrefilet, à se servir des renseignements
qu’elle avait donnés lors de sa conférence de presse.
Loin de priser
de se voir dénommé par le journaliste du Soleil par l’appellation «gars», lui
qui est un journaliste de métier, le plaignant dénonçait le fait que ce
journaliste lui prêtât l’intention de se venger. Convenant qu’il était furieux
à la suite de son échange avec madame Bonenfant, le plaignant niait avoir eu
quelque intention de vengeance; la meilleure preuve étant que son reportage du
14 octobre ne fait même pas mention de l’incident et ne contient aucun propos
désobligeant à l’endroit de madame Bonenfant.
Monsieur Forgues
faisait aussi remarquer au Conseil que madame Bonenfant lui avait confirmé
l’inexactitude de l’entrefilet en question en lui affirmant «qu’elle n’avait
pas dit tout ce que Le Soleil lui faisait dire». Selon lui, le journaliste du
Soleil avait manqué à l’éthique du journalisme en rapportant et surtout en
déformant, volontairement ou pas, les faits. Une telle façon de faire était
susceptible de ternir sa réputation ainsi que celle de son journal, alors même
qu’Allô Police tente de s’impliquer à fond dans les vrais problèmes de la
violence en affectant un de ses journalistes à la couverture de tous les
colloques régionaux sur le sujet.
Commentaires du mis en cause
Déniant tout
fondement à cette plainte puisque les faits rapportés dans Le Soleil étaient,
selon vous, en tout point véridiques et rapportés avec respect, sans attaque ni
insinuation ni jugement de quelque nature que ce soit envers Allô Police ou le
journaliste en question, madame Bonenfant n’a pas refusé d’entrevues
particulières à tous les médias; Le Soleil, à tout le moins, ayant eu ce
privilège. En outre, l’entrefilet du Soleil ne disait pas que monsieur Forgues
s’était vengé mais qu’il avait, à cette occasion, déclaré son intention de le
faire.
Commentaires des tiers
Pour sa part,
madame Claire Bonenfant indiquait au Conseil qu’elle avait effectivement refusé
d’une façon «péremptoire» de donner une entrevue au représentant d’Allô Police
étant donné la perception qu’elle avait à ce moment-là de ce journal. Par
contre, estimant que sa conférence de presse était suffisante, elle n’avait
accordé, exception faite du journaliste de Radio-Canada, aucune autre entrevue,
si ce n’est un bref échange à bâtons rompus avec le représentant du Soleil.
Enfin, tout en
affirmant que monsieur Forgues ne l’avait «menacée de vengeance à aucun
moment», madame Bonenfant se rappelait en outre lui avoir dit que s’il voulait
parler de ce qu’elle avait dit en conférence de presse, elle ne pouvait l’en
empêcher, mais qu’elle en vérifierait l’exactitude comme elle le fait
d’ailleurs avec n’importe quel média.
Analyse
Le Conseil est d’avis que tant le titre que le contenu de l’entrefilet en question, à cause de leur manque de nuance et de précision, ont pu fausser la perception du public vis-à-vis l’événement décrit en plus d’être injustement préjudiciable à Allô Police et à son reporter.
Le Conseil estime en effet que le titre, «Claire Bonenfant refuse une interview à Allô Police, qui coiffait d’ailleurs plusieurs nouvelles brèves sur les à-côtés du colloque sur la violence, en mettant en relief l’entrefilet en question, accordait une importance exagérée à l’incident rapporté.
De plus, ce titre et l’article rendaient compte de l’incident en question de façon incomplète puisqu’ils ne le situaient pas dans son véritable contexte. Même si le refus «préremptoire» de la présidente du Conseil du statut de la femme d’accorder une entrevue à Allô Police pouvait justifier Le Soleil de singulariser Allô Police et son reporter, ce titre et cet article auraient été plus exacts s’ils avaient aussi reflété le fait que madame Bonenfant, loin de faire exception pour Allô Police seul, avait également opposé, sauf à Radio-Canada, le même refus à l’ensemble de la presse, ce qui inclut Le Soleil puisque selon madame Bonenfant, la conversation à bâtons rompus qu’elle a eue avec le journaliste de votre journal ne pouvait être considérée comme une entrevue formelle.
Le Conseil ne peut se prononcer, par ailleurs, sur les intentions de vengeance prêtées par le journaliste de votre journal au reporter de Allô Police étant en présence de deux versions contradictoires. Il espère néanmoins que ce qu’en dit le journaliste du Soleil ne résulte de simples supputations ou hypothèses de sa part; ce qui correspondrait peu à la responsabilité de la presse de renseigner adéquatement le public.
Analyse de la décision
- C11B Information inexacte
- C11C Déformation des faits
- C12D Manque de contexte
Tiers
Mme Claire
Bonenfant (présidente, Conseil du statut de la femme)