Plaignant
Mme Michèle Duquette
et M. André Dubois (candidats aux élections municipales de Sainte-Thérèse)
Mis en cause
Le Nor-Info
[Saint-Eustache], Mme Micheline Sylvestre (rédactrice en chef) et M. Jean
Bertrand (journaliste)
Représentant du mis en cause
M. Jean-Claude
Langlois (éditeur, Le Nor-Info [Saint-Eustache])
Résumé de la plainte
Le Nor-Info
traite avec partialité la candidature des plaignants lors des élections
municipales de Sainte-Thérèse. Le 24 octobre 1979, Mme Micheline Sylvestre,
rédactrice en chef, affirme à tort que son journal n’a pas été invité à une
conférence de presse organisée par eux, puis néglige de publier une mise au
point stipulant que ladite conférence n’a jamais eu lieu. Le 28 octobre, le
journaliste Jean Bertrand couvre la mise en nomination des candidats aux
élections municipales tout en ignorant les plaignants. Le 31 octobre, Mme
Sylvestre ne mentionne que le nom des plaignants, en omettant leur prénom. Le 7
novembre, enfin, un article non signé tente de discréditer les plaignants en
dénonçant leurs choix publicitaires et leur attitude.
Griefs du plaignant
Le Conseil a
terminé l’étude de la plainte de Mme Michèle Duquette et M. André Dubois,
candidats aux postes d’échevins aux élections municipales du 4 novembre 1979 à
Sainte-Thérèse, dans laquelle ils dénonçaient, comme contraire à l’éthique du
journalisme et au droit du public à une information équitable, l’attitude
partiale démontrée par Le Nor-Info et sa rédactrice en chef, Mme Micheline
Sylvestre.
Les plaignants s’en
prenaient aux accusations fausses en mensongères contenues dans l’article signé
par Mme Sylvestre du 24 octobre 1979 dans lequel elle rapportait, contrairement
aux faits, que les plaignants avaient convoqué une conférence de presse pour
annoncer leur candidature sans y inviter les reporters de Nor-Info. Mme
Sylvestre prévenait ses lecteurs que, si ceux-ci devaient se plaindre d’une
absence d’information sur les deux candidats, ils devraient l’imputer, non pas
à un parti pris du journal, mais au fait que les candidats en question
excluaient volontairement Le Nor-Info de l’information sur leur campagne.
Or, comme aucune
conférence de presse n’a jamais eu lieu, les plaignants vous faisaient tenir le
lendemain un rectificatif dont votre journal n’a aucunement tenu compte.
Les plaignants
reprochaient également à votre journal de les avoir ignorés dans votre édition
du 28 octobre à la suite de la mise en nomination des candidats à l’élection.
Nulle surprise cependant puisque votre journal aurait assigné à la couverture
de cet événement M. Jean Bertrand, agent d’information à temps partiel de
«l’équipe des échevins en place». Ils formulaient le même grief contre Mme
Sylvestre qui, dans son commentaire du 31 octobre, ne les mentionnait que par
leur nom, omettant leur prénom et commettant de surcroît une erreur dans la
désignation patronymique de l’un des plaignants (Mme Duquet plutôt que Mme
Duquette).
Les plaignants
dénonçaient enfin les accusations de partialité portées contre eux dans un
article non signé paru le 7 novembre. Votre journal en effet informait le
public que les deux candidats en question faisaient leur publicité électorale
d’une façon «partielle et partiale, négligeant complètement certains médias
d’information» et en accusant leurs adversaires de partialité.
Commentaires du mis en cause
Admettant
l’erreur qui s’était glissée dans votre édition du 24 octobre, vous informiez
le Conseil que votre journal n’avait pas jugé utile de publier le rectificatif
des plaignants puisque ces derniers y spécifiaient qu’il leur était
«tout-à-fait inutile de tenter de rétablir les faits» et que par ailleurs ce
communiqué ne contenait aucune demande formelle d’en publier le contenu.
D’autre part,
vous indiquiez au Conseil que les commentaires que Mme Sylvestre formulait dans
le même article s’appuyaient sur le fait que votre journal, contrairement aux
deux autre journaux locaux, n’avait pas été informé par les plaignants de leur
candidature. Partant, Nor-Info n’a pas cru nécessaire de «courir» derrière
cette information, estimant que les candidatures à une élection étant «un geste
public» l’information les concernant devait vous être fournie par les candidats
eux-mêmes.
Vous indiquiez
au Conseil que les silences du 28 octobre reprochés à votre journal
s’appliquaient à tous les candidats et non pas aux seuls plaignants puisque
effectivement aucun journaliste de votre journal n’a couvert cet événement. En
informant aussi le Conseil que M. Bertrand n’avait écrit aucun texte concernant
la scène municipale depuis qu’il était l’agent d’information à temps partiel de
la municipalité, vous indiquiez que, si celui-ci avait assisté à la
présentation des candidats, c’était à titre de simple citoyen et non pas en sa
qualité de journaliste.
Quant à
l’article de Mme Sylvestre du 31 octobre, vous estimiez qu’il n’avait
aucunement lésé les plaignants puisque votre journal les avait désignés comme
les autres par leur nom de famille seulement. L’erreur dans la désignation
patronymique était involontaire; «le nom de Duquette pouvant être écrit dans
les deux orthographes», le correcteur d’épreuves avait jugé acceptable l’une ou
l’autre des formes.
Vous justifiez
enfin les accusations contenues dans l’article non signé du 7 novembre sur le
fait que les plaignants avaient accordé à votre journal une somme moindre, pour
leur publicité, qu’à vos deux concurrents, somme que, par ailleurs, ils lui
retirèrent complètement par la suite.
Analyse
Le Conseil considère que l’attitude démontrée par Le Nor-Info et sa rédactrice en chef dans ce dossier est contraire à l’éthique du journalisme de même qu’aux exigences du droit du public à l’information.
Il est contraire en effet à la responsabilité d’informateur public des médias et des journalistes de rapporter, comme Nor-Info et sa rédactrice en chef l’on fait le 24 octobre, une information fausse et non vérifiée dont ils ont d’ailleurs tiré profit pour lancer publiquement des accusations qui ne peuvent avoir été que préjudiciables à l’intégrité des plaignants.
Le Conseil juge un tel comportement d’autant plus répréhensible que ni le journal ni sa rédactrice en chef n’ont jugé de leur devoir de rétablir les faits conformément au rectificatif que leur avaient fait tenir les plaignants, même si ceux-ci ne lui en ont pas fait une demande expresse.
Que les victimes d’une erreur exigent ou non la publication d’une rectification ne soustrait pas pour autant une presse responsable d’assurer à ses lecteurs une information adéquate. Le Conseil estime en effet que les intimés ont failli lamentablement à leur responsabilité dans ce cas en négligeant de faire, de leur propre initiative, les corrections qui s’imposaient lorsqu’il est devenu évident que l’information qu’ils avaient transmise au public était erronée.
Le Conseil ne retient cependant pas de blâme pour les silences imputés au Nor-Info dans son édition du 28 octobre étant d’avis que ces silences ne sont pas le fruit d’une discrimination ou d’un parti pris défavorable envers les plaignants. Tout en s’étonnant qu’un événement aussi important que la mise en nomination des candidats à une élection n’ait pas été couvert par le journal, le Conseil s’en remet aux explications du Nor-Info à l’effet que vu l’impossibilité pour ce journal de couvrir les 4 mises en candidature, il ait fait un choix rédactionnel de n’en couvrir aucune.
Le Conseil ne peut non plus imputer ces silences à un quelconque conflit d’intérêts dans lequel se serait trouvé le journaliste de Nor-Info. A ce sujet, le Conseil prend aussi bonne note que M. Bertrand n’écrit plus aucun texte d’information lié à la politique municipale depuis qu’il est, à temps partiel, le directeur de l’information de la ville de Sainte-Thérèse.
Le Conseil estime aussi qu’en faisant état de la candidature des plaignants, dans son article du 31 octobre, Mme Sylvestre a satisfait aux exigences du droit du public à l’information. Le Conseil considère cependant que l’article de Mme Sylvestre aurait largement gagné à faire état du programme électoral des plaignants au même titre que les autres candidats. En effet, le public aurait été ainsi mieux informé des enjeux de la campagne électorale en cours puisqu’il aurait eu ainsi la possibilité de prendre connaissance des programmes de tous les candidats.
Enfin, le Conseil s’étonne que votre journal ait critiqué, dans son édition du 7 novembre, le choix des plaignants de ne pas acheter autant de publicité dans votre journal que chez vos concurrents, ce qui laisse entendre que la couverture d’un événement et l’importance que votre journal pourrait lui accorder dépendent du nombre de lignes agates que des personnes ou organisations y achèteraient ou pas.
Bien qu’ils relèvent de la discrétion de l’éditeur, les critères qui président au choix de la matière rédactionnelle devraient être uniquement basés sur l’intérêt public et le droit de la population à recevoir une information complète et impartiale. Les considérations d’ordre commercial ou lucratif ne font certes pas partie de ce type de critères.
Analyse de la décision
- C02A Choix et importance de la couverture
- C11B Information inexacte
- C19A Absence/refus de rectification
- C21E Subordonner l’information à des intérêts commerciaux
- C22B Engagement politique