Plaignant
M. Jacques
Forget
Mis en cause
Le Devoir
[Montréal] et M. Michel Nadeau (journaliste)
Résumé de la plainte
Le journaliste
Michel Nadeau rapporte les propos erronés du président des Pétroles Laduboro
dans un article intitulé «Capitaux de risque : Percée de deux jeunes
québécois», paru dans l’édition du 6 décembre 1979 du Devoir. Ce texte trompe
le public et porte atteinte à la réputation du plaignant. Le journaliste refuse
d’apporter un correctif, en plus de faire preuve de favoritisme en offrant au
plaignant d’agir comme médiateur entre celui-ci et le président des Pétroles
Laduboro.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse du Québec a terminé l’étude de votre plainte contre Monsieur Michel
Nadeau, journaliste, auteur de l’article «Capitaux de risque: percée de deux
jeunes Québécois», paru dans l’édition du 6 décembre 1979 du journal Le Devoir.
Le journaliste
aurait d’une part, selon vous, induit le public en erreur en plus de porter
atteinte à votre réputation, en rapportant les propos faux et inexacts de
Monsieur Pierre Arbour, président des Pétroles Laduboro, Ltée, qui déclarait:
«Finance me reproche d’avoir acheté les actions à 17 cents. N’en demeure pas
moins que sans l’intervention de notre groupe, plus de 1 200 investisseurs
québécois voyaient leur investissement disparaître au fil des ans alors
qu’aujourd’hui, ces actions valent plus d’un dollar».
Ces propos dont
le journaliste «se rend solidaire pour les avoir rapportés», étaient, selon
vous, dénués de tout fondement puisqu’au moment de l’arrivée de Monsieur Arbour
à la présidence des Pétroles Laduboro Ltée, vous étiez déjà à appliquer un plan
de réorganisation dans le but justement de protéger les investissements déjà
effectués et d’assurer la viabilité de cette entreprise.
Vous estimiez
d’autre part que Monsieur Nadeau avait eu une attitude partiale à votre égard
en refusant d’apporter une rectification à la suite de cette déclaration de
Monsieur Arbour ou, à tout le moins, de faire état de votre version des faits,
d’autant plus qu’un litige judiciaire vous oppose à cette compagnie.
Enfin, vous
reprochiez au journaliste d’avoir manqué gravement à l’éthique professionnelle
en vous offrant d’agir comme médiateur entre vous et Monsieur Arbour. Vous
estimiez qu’ainsi Monsieur Nadeau avait fait preuve de «favoritisme» et de «mauvaise
foi».
Commentaires du mis en cause
Déniant tout
fondement à cette plainte, Monsieur Nadeau ne voyait pas comment vous pouviez
affirmer qu’il était solidaire des propos de Monsieur Arbour, puisqu’il les
rapportait entre guillemets et qu’en outre, «un journaliste en se rend pas
solidaire des propos de celui qui les tient».
Il indiquait
d’autre part au Conseil qu’à la suite de vos récriminations, il vous avait
proposé de rédiger un second texte concernant «l’affaire Laduboro» à la
condition de mentionner clairement que vous et Monsieur Arbour aviez des
intérêts personnels divergents dans cette affaire. Il vous aurait offert
également la possibilité d’écrire une «lettre aux lecteurs» afin que vous
puissiez donner votre version des faits; ce que vous auriez refusé dans les
deux cas. Le journaliste estimait qu’ainsi votre droit de réplique ne fut
aucunement brimé.
Monsieur Nadeau
précisait également que la rencontre qu’il avait suggérée d’avoir avec vous et
Monsieur Arbour ne constituait aucunement «un grave manque d’éthique
journalistique mais une tentative d’en savoir plus long et mieux comprendre
cette affaire pour éventuellement informer (ses) lecteurs».
Analyse
Le Conseil n’a pu déceler dans l’article en question les dérogations à l’éthique du journalisme ou à la responsabilité professionnelle que vous imputez au journaliste du Devoir, Monsieur Michel Nadeau. Au contraire, le texte de Monsieur Nadeau lui est apparu comme une manifestation de l’exercice normal de la liberté de la presse.
Selon le Conseil, le seul fait d’avoir rapporté les propos du président des Pétroles Laduboro, Ltée, Monsieur Pierre Arbour, ne constitue certes pas un manque de rigueur professionnelle. Le fait qu’un journaliste fasse état des propos de quelqu’un, surtout lorsqu’il prend la précaution de les rapporter entre guillemets, sans les commenter, n’entraîne, de la part du journaliste et de l’éditeur, ni approbation ni désapprobation.
Vous n’étiez pas d’accord avec les propos de Monsieur Arbour. Vous les avez qualifiés d’inexacts. Pourquoi n’avez-vous pas rédigé une lettre des lecteurs comme Monsieur Nadeau vous l’a proposé?
Enfin, le Conseil ne peut conclure que le journaliste ait fait preuve de «favoritisme» et de «mauvaise foi» en vous offrant sa médiation avec Monsieur Arbour. En effet, rien n’indique au Conseil que Monsieur Michel Nadeau n’ait eu d’autres intérêts dans cette affaire que le souci de bien se renseigner et de bien informer ses lecteurs.
Analyse de la décision
- C09A Refus d’un droit de réponse
- C11G Rapporter des propos/témoignages erronés
- C22C Intérêts financiers
Date de l’appel
29 January 1981
Appelant
M. Jacques
Forget
Décision en appel
Le plaignant
fait appel de cette décision, estimant que la règle «audi alteram partem» n’a
pas été respectée et que certaines allégations contenues dans la plaidoirie
écrite du journaliste étaient trompeuses et sans fondement.
Maintenant en
tous points la décision rendue par le Comité permanent des cas, le Conseil
rejette votre demande d’appel étant d’avis que les motifs qui la soutiennent ne
comportent aucun élément susceptible de l’infirmer et d’en changer la teneur.
En ce qui a
trait à la règle «audi alteram partem» que vous estimez ne pas avoir été
respectée dans ce cas, je dois préciser que conformément à la procédure du
Conseil, le Comité des cas, bien que tenant compte de votre demande en ce sens,
n’a pas jugé nécessaire de procéder par voie d’audition dans ce cas s’estimant
satisfait des renseignements contenus dans le dossier écrit qu’il avait devant
lui dans lequel vous avez eu tout loisir d’exprimer votre point de vue,
notamment dans la réplique que vous faisiez tenir au Conseil le 30 juillet
dernier.