Plaignant
M. Michel Bolduc
Mis en cause
Photo Police
[Montréal]
Représentant du mis en cause
M. François Dowd
(directeur adjoint, Photo Police [Montréal])
Résumé de la plainte
Photo Police ne
respecte pas le rôle de la presse d’informer objectivement le public en
publiant, dans son édition du 6 septembre 1980, la manchette «Prise d’otages à
Saint-Vincent-de-Paul : Les mutins craquent comme des lâches». Cette manchette
rend plus aléatoire l’issue de futures prises d’otages et va à l’encontre des
efforts déployés pour combattre les incitations à la violence.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte de M. Michel Bolduc, concernant le titre
de la «une» de l’édition du 6 septembre 1980 du journal Photo Police, «Prise
d’otages à Saint-Vincent-de-Paul: Les mutins craquent comme des lâches»,
annonçant un reportage de M. Normand Maltais, journaliste.
A cause de l’affirmation
gratuite qu’il contenait, un tel titre ne correspondait aucunement, selon le
plaignant, au rôle de la presse d’informer objectivement le lecteur. En plus
d’être «susceptible de provoquer l’agressivité des détenus, de compliquer
indûment la tâche des négociateurs et de rendre plus aléatoire l’issue de
futures prises d’otages», un tel titre allait aussi, de l’avis du plaignant, à
«l’encontre des efforts déployés par une foule d’intervenants dans notre
société pour combattre la violence et les incitations à la violence sous toutes
ses formes».
Commentaires du mis en cause
Vous référant à
la définition que donne de ce mot le dictionnaire Larousse, il n’y avait aucun
doute dans votre esprit que les mutins étaient des «lâches». Partant, Photo
Police n’avait pas à être blâmé pour avoir appelé «les choses par leur nom».
Aussi
souteniez-vous que, face à l’attitude «choquante» des mutins, Photo Police se
devait d’utiliser «des termes choquants» qui, contrairement aux prétentions du
plaignant, ne sont pas susceptibles de provoquer l’agressivité des détenus,
mais plutôt d’avoir un effet dissuasif sur eux.
Analyse
Le Conseil considère que le titre de la «une» de l’édition du 6 septembre 1980 de Photo Police, «Les mutins craquent comme des lâches», n’est pas conforme au contenu du reportage d’information annoncé. Ce titre constitue de plus, selon le Conseil, un jugement de valeur ou une conclusion tirée par le journal sur le comportement des mutins qui s’apparente davantage à du commentaire de nature éditoriale qu’à de l’information factuelle. Partant, il était susceptible de semer la confusion dans l’esprit du lecteur qui pouvait facilement se méprendre sur le caractère de l’article et être induit en erreur sur la nature de l’information qu’il croyait recevoir.
Le Conseil est d’avis que ce titre pouvait convenir à un éditorial ou un article de commentaire. Il était cependant inapproprié dans le contexte du reportage en question. Avant même de permettre au lecteur de prendre connaissance des faits, le journal lui indiquait déjà quoi penser, en substituant ainsi son propre jugement à celui du lecteur, alors qu’au contraire la presse doit d’abord mettre le lecteur au courant des faits afin de lui permettre de formuler lui-même son opinion à leur sujet.
Bien sûr, le choix des titres relève de l’autorité rédactionnelle et il n’appartient pas au Conseil d’établir en lieu et place de la presse les termes qu’elle doit employer ou éviter. Cependant, il incombe à la presse d’éviter la confusion des genres journalistiques que peut entraîner dans l’esprit du public le choix des mots qu’elle utilise. Il importe aussi que la presse fasse preuve d’une grande rigueur pour exposer fidèlement la réalité et que ses titres, en respectant le contenu des textes d’information qu’ils accompagnent, évitent de refléter les partis pris et les préjugés qu’elle peut avoir face aux situations qui y sont décrites.
Enfin, le Conseil estime que, lorsque la presse juge pertinent d’informer le public sur les aspects d’intérêt public que peuvent présenter des situations de la nature du sujet traité par Photo Police dans le présent cas, elle doit le faire avec toute la circonspection qu’exige d’elle sa responsabilité sociale en vue de prévenir les effets nocifs de ce genre d’information comme ceux qu’a évoqués, en l’occurrence, le plaignant.
Analyse de la décision
- C11F Titre/présentation de l’information
- C15I Propos irresponsable
- C20A Identification/confusion des genres