Plaignant
M. Louis
Fournier, M. Claude Larivière et Mme Hélène Routhier
Mis en cause
La Presse
[Montréal], Le Devoir [Montréal], The Gazette [Montréal] et la Presse
Canadienne [Montréal]
Représentant du mis en cause
M. Jean-Claude
Leclerc (éditorialiste, Le Devoir [Montréal]), M. Mark Harrison (rédacteur en
chef, The Gazette [Montréal]) et M. Guy Rondeau (chef de bureau, Presse
Canadienne [Montréal])
Résumé de la plainte
Dans leur
édition du 10 octobre 1980, La Presse accuse M. Claude Larivière d’être «un
autre délateur» et Le Devoir d’être «un indicateur de police». The Gazette,
pour sa part, reprend une dépêche de la Presse Canadienne rapportant que M.
Larivière a contacté l’escouade anti-terroriste de la police de Montréal en
1969. Ces informations sont contraires aux conclusions du Rapport Duchaîne sur
les événements d’octobre 1970. Le 1er décembre, Le Devoir publie le communiqué
de presse du plaignant du 10 octobre à la place de sa lettre de mise au point
datée du 17 novembre. Ce communiqué a été rédigé avant que le plaignant ne
prenne connaissance du Rapport Duchaîne.
Griefs du plaignant
Le Conseil de
presse a terminé l’étude de la plainte que vous portiez conjointement avec Mme
Hélène Routhier et M. Louis Fournier, contre La Presse, Le Devoir, The Gazette
et la Presse Canadienne.
Vous reprochiez
à La Presse de vous avoir accusé à tort, dans son édition du 10 octobre 1980, d’être
«un autre délateur»; au Devoir, d’être «un indicateur de police»; et à The
Gazette, d’avoir repris une dépêche de la Presse canadienne qui rapportait que
vous aviez contacté l’escouade anti-terroriste de la police de Montréal en
1969.
Selon vous, ces
affirmations étaient contraires aux conclusions du Rapport Duchaîne. Celui-ci
n’établit nulle part que vous étiez un informateur de police. Il indique
plutôt, selon vous, que vous n’avez donné aucun indice au sergent-détective
Doré (p. 179) lors de votre rencontre du 26 octobre 1970 et qu’à cette époque
les corps policiers vous considéraient comme un suspect faisant l’objet d’une
surveillance intense (p. 197-198); faits dont les journaux en question n’ont
jamais parlé, ajoutiez-vous.
Vous reprochiez
aussi au Devoir d’avoir publié, le 1er décembre 1980, en lieu et place d’une
lettre de mise au point que vous adressiez à ce journal le 17 novembre 1980, le
communiqué de presse manuscrit que vous lui aviez remis le 10 octobre
précédent; communiqué qui a été publié six semaines plus tard. Ce communiqué
était, selon vous, «tout à fait déphasé» au moment de sa publication à cause du
délai écoulé et compte tenu surtout qu’il avait été rédigé précipitamment, la
veille d’un départ à l’étranger, sans que vous n’ayez eu le temps de prendre
connaissance du Rapport Duchaîne. Votre lettre était plus précise puisqu’elle
tenait compte du contenu exact de ce rapport que vous aviez alors consulté.
Enfin,
contrairement aux affirmations de la Presse Canadienne, reprises par The
Gazette, vous n’aviez pas pris contact («He contacted») avec l’escouade
anti-terroriste de la police de Montréal en 1969. Vos «contacts» avec la police
ont été des «rapports forcés et bien involontaires pour l’obtention de permis
de manifester au nom du Comité des citoyens de Mercier et à la suite d’une
perquisition à votre domicile en octobre 1969». Quant au Rapport Duchaîne sur
lequel vous attiriez l’attention du Conseil, il se limitait à dire: «Il (en
parlant de vous) a été en contact dès 1969 avec des policiers de la SAT» (p.
159).
Donc, par leur
traitement de l’événement, la Presse Canadienne et The Gazette vous auraient
causé un préjudice considérable en laissant croire que vous étiez un
collaborateur de la police depuis 1969.
Commentaires du mis en cause
La Presse n’a
donné aucune explication au Conseil malgré deux demandes à cette fin.
Monsieur
Jean-Claude Leclerc soutenait, pour sa part, que Le Devoir avait rapporté
fidèlement les faits tels que révélés dans le Rapport Duchaîne: «Le 26 octobre
(1970), Claude Larivière contacte le sergent-détective Doré de la Police de
Montréal et lui offre ses services» (p. 172).
D’autre part, si
ce journal n’avais pas publié votre communiqué du 10 octobre dans un meilleur
délai, c’était parce que n’étant pas signé et ne portant aucune adresse ni
numéro de téléphone, il dérogeait aux normes requises par ce journal pour
vérifier l’authenticité des communiqués qu’il reçoit pour publication. A ce
sujet, vous vous étonniez que Le Devoir n’ait pas été en mesure de vous contacter
pour vérifier l’authenticité de votre communiqué, compte tenu que vous êtes un
collaborateur occasionnel de ce journal et que vous entretenez des relations
avec plusieurs de ses journalistes.
Cependant, dès
qu’il eut reçu votre lettre du 17 novembre, laquelle authentifiait votre
communiqué, Le Devoir a cru d’intérêt publique de publier ce dernier «qui
répondait pour l’essentiel aux allégations que Le Devoir avait rapportées du
Rapport Duchaîne».
Monsieur Leclerc
estimait donc que par la publication de ce communiqué, Le Devoir vous avait
permis de faire état de votre point de vue dans des conditions et dans une
présentation qui vous rendaient justice.
Le rédacteur en
chef de The Gazette, M. Mark Harrison, était d’avis que la Presse canadienne
n’avait fait que reproduire le contenu du Rapport Duchaîne et que son journal
avait rapporté les faits conformément à son rôle d’informateur public. Monsieur
Guy Rondeau, chef de bureau de la Presse Canadienne, estimait pour sa part que
votre plainte était complètement injustifiée. L’article en question se bornait
à résumer les faits contenus dans le Rapport Duchaîne, selon les meilleures
règles de l’art.
Analyse
Effectivement, Le Devoir et La Presse ont employé, dans leur édition respective du 10 octobre 1980, des termes qui ne se retrouvent pas dans le Rapport Duchaîne. Partant, le Conseil est d’avis que ces journaux ont tiré des conclusions et établi des associations qui vont au-delà du contenu de ce rapport; ce qui a pu vous être préjudiciable comme vous vous en plaignez.
Quant à la façon dont Le Devoir s’y est pris pour rapporter votre point de vue, le Conseil estime que le délai de six semaines écoulé entre la publication de la nouvelle et celle de votre communiqué était injustifié. Selon le Conseil, Le Devoir aurait dû agir avec une plus grande diligence. Il était en mesure de le faire puisque vous lui aviez remis ce communiqué le 10 octobre. Etant donné aussi les délais, le Conseil estime que Le Devoir aurait dû publier en substance votre lettre du 17 novembre, mieux susceptible, sans doute, de jeter plus de lumière sur l’événement en question que ce communiqué rédigé à la hâte.
La Presse Canadienne et partant The Gazette auraient rapporté plus fidèlement les faits s’ils s’en étaient tenus à l’énoncé du Rapport Duchaîne qui spécifie bien, en parlant de vous: «Il a été en contact dès 1969…» et non «il a pris contact» tel que le laisse entendre l’expression employée par ces deux médias: «he contacted».
Analyse de la décision
- C09B Droit de réponse insatisfaisant
- C11C Déformation des faits
- C11D Propos/texte mal cités/attribués